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Critiques de Bernard Cottret (37)
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Thomas More : La face cachée des Tudors

Réaliser une biographie de cet homme si prolifique relevait de la gageure. Bernard Cottret a osé le faire. Perso je n’arriverai jamais à être exhaustif dans le cadre d’une chronique. Je vais oublier des trucs. Ca va ressembler à un tableau réalisé par petites touches tapées presque au hasard. D’autant qu’il faut parler de l’homme mais aussi de la façon dont il est évoqué dans ce livre, et parler de son ressenti.

Oulaaaa ! Trop dur !



Bon. Courage.

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est la bipolarité de More. Cet homme n’a cessé tout au long de sa vie d’être attiré par deux pôles proprement antagonistes : d’un côté il souhaitait s’appliquer une attitude de vie monastique. Il était fan du Livre qui faisait fureur à l’époque (et toujours de nos jours car c’est l’un des ouvrages les plus publiés au monde) « De l’Imitation de Jésus-Christ ». Il a partagé dans sa jeunesse la vie des Chartreux. Passer son existence entre prière, méditation, stoïcisme, bienséance chrétienne. Quel régal, pour lui. La fin de sa vie, emprisonné attendant son procès puis son exécution, lui permettra de renouer avec ce pôle, et il en tirera grand plaisir alors qu’il allait mourir à coup sûr.

De l’autre côté, il ne pouvait résister à être un homme qui agit dans le siècle. Il appliqua avec bonheur ses talents de juriste au commerce international de l’Angleterre, puis plus loin à la politique même. More fut par exemple signataire de la « Paix des Dames » orchestrée par Louise de Savoie, mère de François 1er, et Marguerite d’Autriche tante de Charles Quint, qui mit un point final (ou presque) aux engagements français en Italie. Et il fut avant tout chancelier d’Angleterre, probablement le deuxième poste de pouvoir après le Roi. Je place son action d’humaniste, son intérêt pour les sciences ou pour les écrits antiques, ses propres écrits progressistes tels que l’Utopie, de ce côté.



On ne peut évoquer son œuvre humaniste sans parler de sa relation presque symbiotique avec Érasme. Ses deux-là furent les plus grands intellectuels de leur temps, et les meilleurs amis. La présente biographie réserve justement une large place à Érasme et à son œuvre : « l’Éloge de la Folie » bien sûr, mais aussi la traduction de la Bible depuis le Grec, deux ouvrages qui, tel « l’Utopie », égratignent le pouvoir et les excès de l’Église Catholique. Érasme dédicaça astucieusement l’Éloge de la Folie à More, en notant que Folie s’écrit « moria » en grec (J.R.R. Tolkien a probablement lu le livre) : « J’ai pensé d’abord à ton propre nom de Morus » écrit-il « lequel est aussi voisin de celui de la folie, moria, que ta personne est éloignée d’elle ».



Mais le labeur le plus important de More fut dans le domaine religieux, et ce bien qu’il restât profondément laïc. More est contemporain de la naissance de la Réforme Protestante. Si au début de sa carrière il n’hésita pas à s’en prendre aux privilèges des prêtres, il devint le plus ardent défenseur du catholicisme en Angleterre. La majeure part de ses écrits consiste en attaques des thèses réformées et défenses de la hiérarchie catholique. Il s’en prit à Luther et à ses sbires. D’abord il fut triomphant, surtout en tant que chancelier où il n’hésita pas à griller des hérétiques – cette action constitue d’ailleurs la part d’ombre du personnage, difficilement « justifiée » par Cottret. Il était alors soutenu par le Roi Henri VIII. Mais vint le temps où Henri se brouilla à l’Église et le Pape qui refusait de lui accorder le divorce d’avec Catherine d’Aragon afin d’épouser la délicieuse Anne Boleyn . Et Henri coupa les ponts avec Rome et se proposa de devenir lui-même le chef de l’Église d’Angleterre. Et Henri réussit (qui souhaitait s’opposer à lui voyait sa tête détachée de son corps, au mieux). More resta droit dans ses bottes et ses convictions. On se méfia de lui, puis on l’accusa de haute trahison. Il resta droit. Il s’opposa avec tout son savoir juridique aux accusations. Il mit ses accusateurs en mauvaise posture. En pure perte il le savait. Jamais il ne se renia. Il accepta la mort avec joie car en paix avec Dieu et avec lui-même. Cette attitude si digne des plus grands héros tragiques comme Antigone lui valut la sainteté des siècles plus tard.

La décortication de ses écrits religieux occupe une large part de cette biographie. C’est peut-être la partie la plus répétitive, la plus ennuyeuse en fin de compte. Mais c’est aussi ici que j’ai appris le plus en ce qui concerne les points de discorde entre les thèses de Luther et celles de l’Église Catholique.



Pour finir, je rappellerai qu’une série TV a porté récemment sur les Tudors. Thomas More y occupe une large place. Et je me rend compte à présent à quel point les réalisateurs ont tenu à rester fidèle à l’image de la personnalité (des personnalités ?) hors du commun de cet homme. Cette série est géniale, et historiquement très correcte.

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Les Tudors

Depuis que j'ai vu (et revu) la série Les Tudors, j'avais envie de connaître le point de vue d'un historien qualifié sur la plus célèbre dynastie d'Angleterre. Je pouvais difficilement faire un meilleur choix que Bernard Cottret. le livre est très intéressant, fourmille de détails tout en faisant émerger les effets de temps long. Seul point un poil enquiquinant : le vocabulaire un peu trop riche de l'auteur. le temps que j'ai pu passer à chercher les définitions dans le dictionnaire ! Bon, c'est peut-être parce que mon propre vocabulaire est au raz des pâquerettes, hein. Mais j'avoue que devant une phrase comme « ce roi vif, gaillard et primesautier avait un penchant gargantuesque pour les excès », eh bien j'avais envie de dire, comme Perceval dans Kaamelott, « c'est pas faux » (c'est surtout primesautier qui m'a posé problème).



Gros point fort pour moi : éclairer un peu le règne du premier Tudor : Henri VII, qui est celui que je connais le moins. Si ma mémoire de poisson rouge retiendra quelque chose, c'est surtout l'effort mis sur la légitimation de la nouvelle dynastie, et l'espèce de paranoïa de l'usurpation qui titillera tous les Tudors, mais particulièrement celui-ci. Au passage, Cottret insiste sur l'actuel procès à décharge sur la personne de Richard III, particulièrement abîmée par la pièce de Shakespeare (je le voyais en effet comme un des pires affreux jojos). L'auteur insiste plutôt sur le manque de preuves des crimes qui lui sont attribués (ceux de ses neveux surtout).

J'ai lu les détails du règne de Henri VIII à l'aune de la série, évidemment. Et cela m'a aidé à rétablir quelques faits historiques modifiés à l'écran par licence poétique (spectaculaire plutôt). le personnage lui-même perd beaucoup du charme que lui apportait Jonathan Rhys-Myers. Sa première épouse Catherine d'Aragon, répudiée pour Anne Boleyn et traitée ignoblement, en ressort au contraire terriblement forte et digne d'éloges. Ces années de règne sont rythmées par une valse à trois joueurs qui passeront leur temps à s'allier et se faire la guerre : Henri, François Ier et Charles Quint (je pourrais ajouter le pape comme quatrième).

Je n'ai pas réussi à appréhender aussi bien Élisabeth Ire. La longue section qui lui est consacrée la transforme presque en allégorie de la Nation Angleterre naissante, dépouillée de son humanité et de sa condition de femme, éternellement vierge et inaccessible. Pourtant, des comportements humains sont perceptibles, comme sa jalousie envers ses favoris Leicester puis Essex, sur lesquels elle soufflait à l'envie le chaud et le froid.



Mais comme énoncé au début, ce sont les effets de temps long qui m'ont le plus intéressé. Avant tout bien sûr l'évolution religieuse. La grande affaire du siècle pour toute l'Europe prendra une forme très particulière en Angleterre, tout d'abord à cause du simple refus du pape d'annuler le mariage de Henri VIII et de Catherine d'Aragon. La création de l'Église anglicane est très turbulente, de la nationalisation de l'Église – toujours essentiellement catholique – par Henri VIII, le premier virage à 90° vers le protestantisme d'Édouard VI, puis celui à 180° vers le catholicisme de Marie Tudor, pour finir vers cet anglicanisme original qui grillait aussi bien catholiques que puritains. Les bûchers ont chauffé en permanence, mais le carburant changeait en fonction du règne.

Deuxième phénomène de temps long : l'abandon des guerres continentales et des sièges de telle ou telle ville française et la nouvelle direction donnée vers l'Atlantique. Bernard Cottret montre l'émergence de conflits qui concerneront les Nations plus que les rois, sur des territoires beaucoup plus vastes qu'avant.



Les bases des relations internationales de l'âge classique sont maintenant posées. La petite Angleterre du début du siècle, qui espérait encore récupérer quelques bouts de terre en France, est devenue une Puissance qui va compter, et bientôt dominer. Et les Tudors forment les racines de cette évolution.

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Histoire politique de l'Europe: XVIe-XVIIe-..

Cet ouvrage n'est ni un roman ni un essai ; il s'agit d'un ouvrage universitaire parfaitement documenté et synthétique écrit par des professeurs émérites, unis à la ville comme à la fac.



Spécialistes de leur domaine, leur approche de l'histoire européenne à l'époque Moderne est ludique, pédagogique, précise sans être trop fournie ou assommante. Cependant, warning si vous êtes un lecteur non assidu de ce type de "littérature" qui convient davantage aux étudiants et aux passionnés qu'à Mr et Mme Toutlemonde.



Pour moi, cet ouvrage reste une référence du genre, accessible par le style à ceux qui manifestent la curiosité de mieux appréhender l'histoire de France dans son contexte européen.



Le plus : les listes dynastiques en fin de volume, véritables repères indispensables pour retrouver ses petits dans les lignages royaux de l'Europe des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles.
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La révolution anglaise

J'avoue ma profonde ignorance de l'histoire des îles britanniques, n'ayant pas étudié dans ma jeunesse la langue de Shakespeare.

Ce livre m'a opportunément ouvert les yeux. Non seulement sur le processus d'union des trois composantes – Ecosse, Irlande et Angleterre – qui sont trois royaumes distincts avec leur propre parlement mais sous un roi unique : Jacques Stuart, puis son successeur Charles 1er en ce début du 17ème siècle, mais surtout sur les querelles religieuses qui suivent la Réforme initiée par Henri VIII.

L'ouvrage est celui d'un universitaire, naturellement foisonnant – peut être un peu trop – en citations. Son sous-titre : « une rébellion britannique, 1603 – 1660 » déroule les événements tragiques de cette période de troubles, essentiellement religieux puis devenus politiques, qui vit le soulèvement du Parlement contre la volonté de gouverner de façon absolue d'un roi autoritaire et maladroit, qui prétend régner sans le parlement tout en lui demandant de lever des impôts, se heurtant en particulier à la chambre des communes.

La zizanie s'introduit en Angleterre à la suite de la révolte des protestants écossais, adeptes du Convenant, puis de l'insurrection des catholiques d'Irlande. La haine est aussi forte contre les papistes que contre les puritains. Convenanters et papistes brisent le fragile équilibre des îles britanniques en 1641. On suspecte le roi, qui a épousé Henriette-Marie, la fille d'Henri IV et soeur de Louis XIII, de favoriser les catholiques. On accuse le roi d'envenimer la situation. La « Grande Remontrance » dénonce l'accroissement du papisme, principal responsable du conflit avec l'Ecosse et l'Irlande.

Le Parlement revendique le contrôle de la haute fonction publique, la répression contre les prêtres catholiques, la réformation de l'église anglicane, la nomination des commandants militaires. Désormais, les partisans du parlement sont les « Têtes rondes », opposés aux « Cavaliers », royalistes. D'affrontements théologiques devenant politiques, le parlement se dote d'une véritable armée de citoyens, commandée par Oliver Cromwell, vaillant militaire qui va faire triompher partout la cause parlementaire et réunifier les trois royaumes.

Fait prisonnier par les Ecossais, Charles 1er est livré aux Anglais. Jugé, il est décapité le 30 janvier 1649. La Grande Bretagne va connaître un interrègne pendant lequel Oliver Cromwell exerce une dictature de fait mais refuse de se faire élire roi. Il ne dirige cependant qu'avec une seule chambre (le Rump Parliament), purgée des éléments qui pourraient lui être hostile. Cromwell, Lord Protecteur de la République, s'appuie sur l'armée. le pays est pendant quelques mois quasiment placé sous le régime de la loi martiale. On comprend ainsi pourquoi, en temps de paix comme en temps de guerre, l'idée d'une armée permanente est insupportable aux Anglais …

La République de Cromwell cessera après les quelques mois de règne de son fils et successeur Richard, totalement incapable, coincé entre parlement et armée. Charles II sera rétabli dans ses droits quelques mois après la mort d'Oliver Cromwell. Sa restauration accoucha d'une société divisée su le plan religieux. L'Eglise d'Angleterre ne parvînt pas à accueillir en son sein tous ses fils dispersés.

Une révolution, c'est littéralement un retour au point de départ. Une période de violences, de controverses théologiques, d'agitation politique sur les thèmes de la légitimité du pouvoir et de l'intolérance religieuse qui n'a rien à envier à nos propres guerres de religions, sans oublier le contexte géopolitique de l'époque où trois grandes puissances s'affrontent – L'Espagne, la France et l'Angleterre – sur terre – c'est la terrible guerre de Trente ans – et dans les colonies.

Après cette lecture, je comprends nettement mieux, entre autres, les sentiments hyper religieux des Américains descendants des puritains, et les atermoiements britanniques autour du Brexit.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Calvin

Quant on pense aux protestants français, on évoque immédiatement la figure de Jean Calvin (1509-1564). Sa prise de distance par rapport aux "papistes" a été plus tardive que celle de Luther en Allemagne; d'ailleurs, leurs conceptions sont distinctes. Cette biographie de Calvin détaille son itinéraire qui l'a conduit finalement à Genève, après des séjours à Bâle et à Strasbourg. « Fils prodigue de l'humanisme » (p. 46), il a été actif dans une période d'extraordinaire bouillonnement, intellectuel et religieux. Lui-même ne se considérait pas comme un rebelle, mais simplement comme un "vrai chrétien". Pour affirmer sa position, il a écrit des nombreux ouvrages, y compris des écrits polémiques. Dans son fief genevois, il a dû batailler ferme contre ses opposants, car il n'y avait pas de théocratie. Son image est ternie dans notre imaginaire par le supplice de Michel Servet, voulu par Calvin. (Servet semble avoir été un précurseur de Spinoza, ce qui était encore plus dangereux au XVIème siècle qu'au siècle suivant !).



Maintenant cette figure austère et intransigeante du protestantisme n'a rien d'attractif, me semble-t-il. On se demande aujourd'hui, par exemple, comment il a été possible de s'entr'égorger joyeusement sur la question de la présence réelle du Christ dans l'eucharistie ! Il faut donc s'affranchir des préjugés contemporains pour lire ce (gros) livre; il faut également de la concentration. La compréhension des citations de Calvin (dans la langue originale) n'est pas du tout facile. Mais ceux qui s'intéressent réellement au calvinisme y trouveront leur compte.

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La royauté au féminin : Élisabeth Ire d'Angleterre

Cet épais ouvrage (728 pages dont 230 de notes et annexes) est censé être une biographie de la reine Élisabeth Ière d'Angleterre, comme le laissait entendre la quatrième de couverture. Or, c'est malheureusement surtout un essai sur la séparation de l’Église d'Angleterre du catholicisme romain et la naissance de l'anglicanisme. Sujet quand même nettement moins intéressant !

Pour compliquer la chose, le livre est truffé (que dis-je, mité) par des extraits de correspondances traduits en français de l'époque qui sont d'un style tellement ampoulé qu'ils en deviennent difficilement compréhensibles.

Comme pour de nombreux ouvrages écrits par des historiens, un support photographique aurait été le bienvenu afin de se faire une idée plus précise du physique des principaux protagonistes (reine, conseillers...).

Des fiches de présentation des conseillers de la reine n'auraient pas été superflues. En effet, l'auteur les nomme alternativement selon leur patronyme ou leur titre de noblesse ce qui est cause de confusion si on n'est pas attentif à ce que l'on lit. Ainsi Robert Devereux est également désigné par comte d'Essex, Essex ou Devereux (qui est aussi le nom de son père et de son frère).



Ce n'est malheureusement pas une biographie totalement centrée sur Élisabeth d'Angleterre et je pense que d'autres livres moins récents seront plus à même de remplir cet office.
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Thomas More : La face cachée des Tudors

Deux portraits de Thomas More : Celui peint par Holbein le jeune à la cour d'Angleterre en 1527. More a 49 ans. Juriste réputé, il a été appelé au conseil du Roi qui l'envoie volontiers en ambassade où il fait merveille. Il a été trésorier de la Couronne (1521), speaker du Parlement (1523). En 1525, il est chancelier du duché de Lancaster, propriété privée du Roi, fort rémunératrice pour le maître comme pour le serviteur. Bientôt Chancelier du Royaume en 1529, au sommet de sa gloire. Le portrait révèle un menton volontaire, une bouche bien dessinée aux lèvres serrées, un nez fort, un regard attentif qui dit la réflexion, l'inquiétude ou la fatigue, comme le suggèrent quelques plis au coin des sourcils. La coiffe retient les cheveux et dégage le front, large, affichant la détermination, comme peut-être l'appréhension d'un avenir funeste. L'érudit de la Renaissance sait les relations de proximité du Capitole avec la roche Tarpéienne.

C'est pourtant un autre portrait qu'a choisi Bernard Cottret, l'excellent biographe de Thomas More, pour la couverture de son livre. Il s'agit d'une copie du premier tableau de Holbein, réalisé par un auteur inconnu, bien postérieur, de la fin du XVIe siècle. L'économie du portait est la même : le chapeau noir, le collier d'apparat sur la chasuble fourrée, la main serrant un parchemin d'un geste nerveux. La tenture verte donne la solennité au cadre. Mais le visage est différent. Il y a bien un air de ressemblance. Mais les traits sont plus fins, le nez droit, le visage plus serein, rajeuni. Et surtout un regard différent qui exprime vivacité et sensibilité, sans doute à cause d'un léger strabisme.

C'est un autre Thomas More qui apparait,celui que décrit bien son biographe dans la première partie de sa vie. Celui de l'auteur de "L'Utopie", écrite pendant un négociation diplomatique qui l'ennuyait. En complicité potache avec l'ami de toujours, Erasme : "les inséparables de l'aventure humaniste" (p. 39) unis pour une amitié de 35 ans jusqu'à leur mort presque concomitante. Érasme participe avec enthousiasme au livre de son ami et lui répond par un canular dédié à son cher "Morus le fou": c'est "L’Éloge de la folie". Avec "L' Utopie" ces livres connaitront la même fortune littéraire. Si l'on y ajoute "Le Prince" de Machiavel, écrit à la même époque, on a le brelan d'as de la pensée de la Renaissance. Peu de siècles commençant peuvent se parer d'un tel blason !

C'est une vie en trois temps que déroule Bernard Cottret. A l'insouciance et à la grâce de la jeunesse succèdent la gravité et l'engagement de l'homme d’État et enfin la disgrâce, vécue avec une détermination fidèle et une noblesse de caractère lui vaudront la plus haute reconnaissance de son église.

C'est la phase enjouée et dynamique de la jeunesse qui est la plus instructive. More traduit Pic de la Mirandole, qu'il admire. Avec Érasme, il traduisent Lucien de Samosate, auxquel ils empruntent le goût de l'éloge paradoxal et l'esprit farceur. Mais cela va plus loin : à la "Déclamation sur le tyrannicide" de Lucien, variations sur la question de la mise à mort des tyrans, More ajoute son mot et Érasme le sien, un demi siècle avant Étienne de la Boétie. Quel est la part de l'exercice de style et de la conviction profonde ? Celle du sophiste et celle du philosophe ?

Thomas More, comme son père est un juriste. Il s'inscrit au Barreau. Il devient l'avocat-conseil de la puissante corporation des merciers qui commerce avec la Flandre. Il est nommé juge de paix du comté de Middlesex. Le voila magistrat, comme son père, appelé, comme tel, à siéger au premier Parlement en 1504, ou il obtient le refus de subsides pour le mariage de la fille du roi Henri VII. La mort du roi lui évite les sanctions du roi avaricieux. Puis le voici "undersheriff "au Guildhall de Londres : magistrat des affaires civiles pendant 15 ans. Sa réputation lui vaut d'être appelé par le nouveau roi dans une négociation en Flandre. Il s'y ennuie un peu et se distrait en écrivant son Utopie.

Le voici ferraillant auprès de son roi très catholique contre Luther, comme les meilleur des clercs, qu'il n'est pas. La disgrâce de Wolsey en fait le chancelier d'Angleterre. Henri VIII le fantasque, décidé à divorcer, quitte l'Eglise qui l'empêche d'épouse Anne Boleyn. Déchiré entre la fidélité à son roi et l'obéissance au Pape, voici More dans la zone de turbulences, bientôt enfermé à la tour de Londres au printemps 1534. C'est là qu'il écrit les lettres à sa fille, si touchantes. En faveur de sa cause, sa dialectique fait merveille, jusque dans son refus de prêter le serment de succession. Les actes de son procès en témoignent : il démonte tranquillement toutes les accusations : "Le devoir du bon sujet, à moins qu'il ne se révèle mauvais chrétien, ne saurait être d'obéir aux hommes plutôt qu'à Dieu" (p. 299). Un Antigone catholique et apostolique, en somme.

Mais la justice est celle du roi. Douze jurés, en un quart d'heure, le déclarent coupable. More doit rappeler la procédure pour avoir la parole en dernier, au risque d'exaspérer. Il sera "pendu, puis découpé vif, castré, éventré pour que l'on pût commodément lui brûler les entrailles avant de déposer les quatre parties de son corps aux principales entrées de la ville en réservant sa tête pour le London bridge." (p. 302). Mais il va bénéficier, sur ce point, d'une grâce royale, allégeant le programme des festivités et transformant le supplice en simple exécution à la hache. "Que dieu permette que le roi n'ait pas à faire preuve d'autant de clémence pour aucun de mes amis, et qu'il délivre ma postérité d'une telle grâce" commentera simplement Thomas More.

Il monte courageusement à l'échafaud. "Je remercie Sa Majesté de m'avoir tenu reclus dans cet endroit où j'ai pu amplement méditer sur la fin. Je lui sais gré de me libérer des misères de ce pauvre monde" (p. 305).


Lien : https://diacritiques.blogspo..
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La révolution anglaise 1603-1660

Voici un ouvrage historique sur une période de l'histoire anglaise bien mal connue des Français.



Entre 1603 et 1660, il y eut bien, en Angleterre, Écosse et Irlande des querelles dynastiques, religieuses, politiques, nationales. Le roi Charles Ier essaya d'établir son autorité : mais dans un mélange de maladresse et d'autoritarisme inefficace, il échoua, ce qui aboutit à sa décapitation publique



Devenu dictateur avec le soutien de l'armée, Oliver Cromwell rogna les pouvoirs du parlement, établit son pouvoir personnel et écrasa les Irlande et Écosse rebelles. Seul son désir de pouvoir personnel anéantit ses ambitions.



Le vrai problème pour moi a été les différents religieux, que j''ai mal compris. Comme en plus, ils ont été mêlés à des oppositions politiques, j'ai eu un certain mal à les suivre. Tous ces problèmes politiques et religieux sont vraiment passionnants mais difficiles à comprendre.

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La royauté au féminin : Élisabeth Ire d'Angleterre

Ce livre a été une déception pour moi, je n'ai même pas réussi à le finir pour l'instant.

Au lieu de nous conter la vie, l'oeuvre de cette grande reine Elizabeth Iere, l'auteur se focalise sur le conflit religieux et le schisme. Alors oui c'est certes intéressant, mais je n'ai pas acheté ce livre pour cela et à la longue c'est très très ennuyeux (et je reste polie) de voir le sujet, que je considérais comme étant le principal au regard du titre, passer très furtivement, superficiellement, et ne rien apprendre ou découvrir.

Pour une biographie digne de ce nom je recommande celle de Michel Duchein.
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Histoire de l'Angleterre : De Guillaume le ..

Que de souvenirs de cours avec cet ouvrage! Histoire constitutionnelle, sociologie politique, histoire et culture britanniques,... Et pourtant, le récit de Bernard Cottret n'est pas aussi "académique" qu'il en a l'air.



L'auteur s'attache à présenter, dans chaque chapitre, un pan particulier de l'histoire d'Angleterre. Cette manière de faire a le mérite d'être très claire et permet de cerner directement le sujet dont il est question: on ne se perd pas dans des réflexions philosophiques hors sujet et on ne doit pas sans cesse revenir en arrière pour tenter de comprendre le rapport entre le titre des chapitres et le texte proprement dit.

De plus, Cottret fait preuve d'un certain humour lorsqu'il traite de certains sujets, n'hésitant pas, par exemple, à qualifier Henry VIII de "multirécidiviste matrimonial". Plutôt adapté pour notre ami de la dynastie Tudor...

Une lecture très instructive et très agréable, rapide aussi, malgré les 600 pages.
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Les Tudors

Un livre de synthèse agréable à parcourir sur cette fameuse dynastie anglaise, revenue sous les feux des projecteurs en France grâce à la série éponyme.

Le texte est aéré, bien séquencé et avec de multiples notes et références bibliographiques qui permettent au curieux d'aller éventuellement plus loin, le livre présent restant en survol, notamment sur la vie et l'œuvre de ce géant qu'était Henry VIII.



Pour ma part, c'est sur les origines (galloises notamment) de la dynastie et sur la personnalité de son fondateur, Henry VII, que Bernard Cottret m'aura ici le plus appris... un personnage pas forcément flamboyant mais qui m'a fait penser à un Louis XI côté français, par sa ruse et son profil (c'est un euphémisme) économe !
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Les Tudors

Excellent livre d’un historien au vocabulaire riche (que de mots peu usités, j’adore ça). Les passages sur Henri VII et Henri VIII m’ont particulièrement plu. Je connaissais plus ce qui concernait les reines de cette dynastie, j’ai donc été moins marquée par la fin de la lecture.

Il faut noter aussi que Henri VIII ne laisse pas indifférent. Entre ses 6 épouses dont certaines se retrouvent sans tête, le schisme religieux à l’origine de la fin du culte catholique en Angleterre et le règne de la prodigalité, on ne s’ennuie pas. Ce roi haut en couleur et catholique jusqu’au bout a posé les bases de la société anglaise politique actuelle et a finalement engendré la naissance de la classe moyenne par la dissolution des monastères, permettant ainsi au peuple d’accéder à la propriété.

Henri VIII a, pour déléguer une partie des décisions, su s'entourer d' hommes issus du peuple, fait assez nouveau pour l’époque. Il a également fait preuve d’ingratitude en se débarrassant sans ménagement de ceux et celles dont il n’avait plus besoin.

Comme toute biographie qui ne se consacre pas à une personne mais à une dynastie, cela mérite de creuser un peu plus, au besoin, et au cas par cas. Mais ce livre remplit bien son objectif : instruire et divertir.

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Histoire de l'Angleterre : De Guillaume le ..

Histoire de lutter contre une anglophobie atavique (mon père était à Mers-el-Kebir ) et conforter une anglophilie culturelle ( musique , humour et fantasy , Jagger , Monty Phyton et Tolkien sainte trilogie ) j'ai rafraîchi mes connaissances dans ce bon pavé bien documenté . Comme ils sont intéressants ces Brittons dans leur rapport à la religion et au pouvoir . Plein de réflexions pour le passé et le présent…
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Cromwell

Biographie détaillée d’un homme qui au XVII éme siècle parvint à faire tomber la royauté, et la tête de Charles Ier, en 1649, avant de devenir le Lord protecteur, dirigeant seul le Royaume-Uni, alors qu’il devait ses succès aux idéaux républicains.

Homme de foi et soldat, autoritaire et politique, Cromwell constitue t-il vraiment une rupture (vite refermée) dans la tradition monarchique britannique ?

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Thomas More : La face cachée des Tudors

Humaniste, précurseur des lumières, ami d’Érasme, auteur de l’Utopie, on peut se faire à priori une certaine Idée de Thomas More, c’est un personnage ambivalent et complexe que j’ai découvert dans cette biographie.

Avocat brillant et humaniste convaincu, More est un homme ambitieux.

Fervent catholique dans un monde en plein bouleversement ou les idées réformistes progressent à travers le royaume. Adversaire acharné de Luther, il fera une chasse impitoyable aux hérétiques et n’hésitera pas à en envoyer quelques-uns sur le bucher.



Mais les idées réformistes se fraieront un chemin jusqu’au Roi (par l’intermédiaire d’Anne Boleyn), qui finira par remettre en question la primauté du Pape et se déclarera chef de l’église, chaque sujet devant prêter serment en reconnaissant la descendance d’Anne Boleyn comme légitime héritière du trône d’une part, et devant également renier la primauté du Pape d’autre part. Thomas, fidèle à ces convictions religieuses, refusera concernant la primauté par crainte de la damnation. Ne faisant aucun effort pour ce concilier les faveurs du Roi, alors qu’il avait déjà refusé de se prononcer au sujet de son divorce d’avec Catherine d’Aragon, ce nouveau refus d’avaliser les lubies de son Roi lui vaudra d’être enfermé à la tour de Londres, espérant que ça le ferait changer d’avis.

L’ironie de l’histoire fera que ces idées humaniste, son amitié avec Érasme, son Utopie deviendront difficile à assumer intellectuellement car « l’humanisme n’a-t-il pas posé à son insu les fondements d’une critique de l’église dont on ne mesurait pas au départ toute la portée ? »



Toujours est-il qu’il n’en démordra pas malgré l’insistance de ces proches. Au bout d’une année et demie d’incarcération il sera donc condamné à être « pendu, découpé vif, castré, éventré pour que l’on pût commodément lui brûler les entrailles avant de déposer les quatre quartiers de son corps aux principales entrées de la ville, en réservant sa tête pour le London Bridge ». Ce programme festif tourna court, le Roi prit de pitié pour son ex chancelier, commua sa peine en simple décollation.



Thomas More le fanatique (rien d’extraordinaire à l’époque), vivra ces épreuves comme le Christ sa passion, allant jusqu'à comparer sa fille (qui l’incitait à sauver sa vie) à Eve (incarnation du mal) lui proposant le fruit défendu.

Il deviendra un des premiers martyrs Catholiques de la réforme et sera béatifié puis canonisé quelques siècles plus tard.

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Henri VIII

Est-il condamnable de porter un intérêt grandissant pour cette personne au fil de la lecture? Grand Roi? Sociopathe? En tout cas passionnant à essayer d'analyser.
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La révolution anglaise

Après avoir lu le Bertière à propos de Louis XIII et Richelieu, je continue de parcourir le XVIIe siècle, cette fois Outre-Manche. Je connais assez mal la Révolution Anglaise : ce livre la rend accessible mais s’il n’insiste pas assez sur la chronologie à mon sens. Par ailleurs, certaines remarques de l’auteur sont anachroniques ou maladroites.
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La révolution anglaise

Toujours une période passionnante sur l'évolution politique, sociale, économique, religieuse et industrielle d'un pays... écrit pas un des spécialistes...

Epoque très intéressante et qui donne envie d'en savoir plus.
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Henri VIII

La plume de l'historien, Bernard Cottret, spécialiste de l’Angleterre de l’époque moderne notamment, nous plonge dans le monde des Tudors, d'Henri VIII et de sa cour. Cet ouvrage retrace la vie politique et "amoureuse" de ce souverain, représentation moderne de Barbe-bleue.



Une très bonne lecture si vous cherchez à en savoir plus sur les Tudors et leur époque.
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L'Europe des lumières

Une histoire critique du courant de pensée philosophique, littéraire et intellectuel qui se répandit dans toute l’Europe à partir des années 1680.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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