Bernard Diu

La physique est à la fois, indissolublement pourrait-on dire, théorique et expérimentale. La querelle ne serait donc qu’une histoire de poule et d’œuf, si elle ne prenait pas une ampleur démesurée dans les programmes et méthodes d’enseignement. (…) Pour bâtir les programmes, on part d’une affirmation discutable: l’enseignement de la physique ne « passe » pas, parce qu’il est trop abstrait (entendez: trop théorique). Le remède s’impose alors de lui-même: il faut « revenir » à l’expérience, apprendre aux élèves à manipuler plutôt qu’à calculer et raisonner (…)
Tout le monde s’accorde à considérer que l’expérience fait loi: une théorie qui conduirait à des conclusions infirmées par l’expérience serait à rejeter sans appel. Mais inversement il n’est pas d’expérience physique qui ne se situe à l’intérieur d’un cadre théorique précis, hors duquel elle perdrait toute signification tant soit peu générale: il ne s’agit pas seulement d’observer ce qui se passe dans telle situation concrète; l’important est de tenter d’en inférer ce qui va se passer dans une autre situation. Et cette parcelle d’universalité que porte en elle une expérience de physique ne peut être perçue qu’à travers les concepts introduits par la théorie.