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Toujours sandiniste, le Nicaragua ? de Bernard Duterme
Introduction Toujours sandiniste, le Nicaragua ? La question divise. Le Nicaragua des années 1980 l’était, assurément. Comme le Front du même nom – le FSLN, pour “Front sandiniste de libération nationale” – alors à la tête du pays, le temps d’une parenthèse révolutionnaire chahu - tée, parce qu’anti-impérialiste et socialiste. Une parenthèse calée entre le renversement d’une dictature dynastique et l’avènement de la “démocratie libérale”. Les Somoza fuirent le pays en juillet 1979, les sandinistes perdirent les élections en février 1990. Depuis 2007, le drapeau rouge et noir flotte à nouveau sur le Nica - ragua, sans discontinuer. Aux commandes, le FSLN et son secré - taire général, Daniel Ortega, président de la République. À l’entame d’une troisième décennie (et d’un quatrième mandat) en tant que chef du gouvernement national, l’ancien guérillero perpétue de la sorte le règne du sandinisme nicaraguayen, bien au-delà de celui qui en avait inspiré le nom, le rebelle Augusto Sandino, assassiné par le premier Somoza en 1934 sous l’égide des États-Unis. “Le sandinisme du XXI e siècle” puise-t-il toujours son sens et ses va - leurs dans celui du XX e ? Officiellement, “oui”. Le pouvoir s’affiche résolument “ chrétien, socialiste et solidaire ”. “Non” par contre, aux yeux de la majorité des dirigeants et intellectuels sandinistes d’hier qui ont quitté l’épopée, déçus ou déchus. Ils le taxent eux de “ néolibéral, autocratique et conservateur ”. À tort ou à raison ? L’examen des choix politiques, économiques et sociaux de l’actuelle administration Ortega et le relevé de leurs impacts au Nicaragua aident à trancher. Au-delà, la question de la viabilité d’un projet de développement national, réellement alternatif au modèle dominant et aux formes dépendantes d’insertion des petites économies centro-américaines dans le marché mondial, revient sur le tapis. S’il a boosté la crois - sance dans la région ces dernières années, le rebond “extractiviste” 6 – l’essor du “capitalisme de prédation” – a aussi induit une plus forte concentration des richesses, une hausse de la dénutrition dans les populations les plus vulnérables et une aggravation du saccage de l’environnement. Les pages qui suivent visent à caractériser le sandinisme actuel dans ses différentes dimensions. Le premier chapitre porte sur les prin - cipales étapes et les mécanismes tant de la reconquête du pouvoir politique par le FSLN, seize ans après la défaite de 1990, que de la consolidation de l’hégémonie sandiniste, si pas “ortéguiste”, sur la société nicaraguayenne. Le deuxième examine le modèle éco - nomique déployé par l’administration Ortega, des conditions de la forte croissance de ces dernières années jusqu’aux impacts des politiques et alliances engagées par le gouvernement. Le troisième chapitre enfin fait place aux analyses polarisées du “sandinisme du XXI e siècle” par quatre intellectuels nicaraguayens, dissidents du FSLN ou toujours fidèles à ses orientations en cours. Merci à eux encore de s’être livrés, sans arrière-pensées. + Lire la suite |