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Critiques de Bernard Duterme (9)
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L'aggravation des inégalités : points de vue du..

L’inégalité est incompatible avec une démocratie inclusive



« Nous faisons donc le choix de centrer le regard sur les inégalités dans la répartition des richesses (comprenant les flux de revenus et les stocks de patrimoine) et ce, pour deux raisons principales. D’un coté, ces inégalités dévoilent un paradoxe éthiquement injustifiable et inacceptable. De l’autre, elles jouent un rôle non négligeable dans la production des autres inégalités sociales ».



Dans son éditorial, Julie Godin souligne, entre autres, la multi-dimensionnalité des inégalités sociales, les rapports entre les différentes inégalités. Il y a bien un système d’inégalités qui ne peuvent être réduites à des facteurs personnels ou individuels.



Les richesses augmentent et sont de plus en plus accaparées par une minorité, « En 2014, les 1% les plus riches détenaient 48 % des richesses mondiales ». La matrice de ces évolutions est à rechercher dans l’organisation du capitalisme néolibéral. Et la doctrine néolibérale justifie ces inégalités au nom de « la revendication de liberté, l’égalité des chances et la théorie du « ruissellement des richesse ». »



L’auteur parle de « Une élite consciente de ses intérêts » et ajoute « mais inconsciente de ses délits ». Je ne suis pas certain que le terme « inconsciente » soit le plus approprié. Cette élite a certes « une forte capacité à « s’arranger » avec les normes », mais comme tout groupe dominant elle « consent » bien à ses arrangements, à ses délits, à sa domination, lorsqu’elle ne la revendique pas ouvertement…



Julie Godin souligne le rôle du « système dette » et termine sur « une redistribution des richesses et du pouvoir ».



Dans la première partie, les auteur-e-s analysent les liens entre le capitalisme et les inégalités, les justifications historiques construites par des économistes, les liens entre « développementalisme » et reproduction des inégalités, les conséquences des plans d’ajustement structurel, l’architecture antiétatique de l’impunité, la domination croissante des grandes entreprises transnationales, le rôle des traités de commerce et d’investissement…



D’autres soulignent le caractère systémique ou structurel des inégalités, « elles interagissent de diverses manières et se renforcent mutuellement ». Très discutable me semble la séparation entre inégalités « verticales » (liées au genre, à l’identité ethnique, etc.) et « horizontales » (liées à l’économique, à la classe, à la caste).



Les auteur-e-s parlent de « démocratisation intégrale », « la démocratie et l’égalité sont des concepts étroitement corrélés », de représentation et de participation inclusives des populations, de souveraineté, de droits humains, de mode vie soutenable, de politiques spécifiques de lutte contre les inégalités (inégalités économiques, promotion de l’égalité de genre et des droits sexuels et reproductifs, droits des minorités, des migrant-e-s, inégalités politiques, , inégalités environnementales, etc.).



J’ai notamment été intéressé par les développements sur les « responsabilités communes mais différenciées » et le traitement politique des inégalités, les systèmes de protection universels…



Je regrette une fois de plus la survalorisation des « classes moyennes » non définies, imposition persistante, mais non interrogée, de catégories sociologiques et non fondée sur la place dans les rapports sociaux capitalistes.



Dans la seconde partie, sont analysées les politiques fiscales, « en tant que levier de réduction des inégalités », leurs effets et leurs limites en Amérique du Sud ; le modèle de développent du Gajarat en Inde ; les inégalités foncières en Afrique des grands lacs, en particulier pour les « femmes paysannes » et les « peuples des forêts », les ancrages dans les règles ou institutions coutumières et les « reformulations » néolibérales.



J’indique juste l’adéquate critique de l’homogénéisation des groupes opprimés, mais je reste dubitatif sur l’emploi de « subalternes » comme « catégorie sociale ».



Sommaire



Editorial : Julie Godin : L’aggravation des inégalités de richesses, entre domination et contestation



Capitalisme et lutte contre les inégalités



Thierry Amougou : Capitalisme, reproduction inégalitaire et transition développementaliste

Nick Buxton : « La classe de Davos » face aux inégalités économiques mondiales

Ibon International : Condition du « développement durable post-2015 », la lutte contre les inégalités

Groupe de réflexion de la société civile sur les perspectives du développement global : « Goals for the Rich » : pour un agenda post-2015 qui s’attaque aux inégalités

Francine Mestrum : L’inégalité : un problème politique, plus grave que la pauvreté



En Asie, Afrique et Amérique latine



Isabel López Azcúnaga, Juan Pablo Jiménez : Diminution des inégalités en Amérique latine ? le rôle des politiques fiscales

Rohini Hensman : Inde : le modèle de développement du Gujarat à l’épreuve des inégalités

Aymar Nyenyezi Bisoka, Emery Mushagalusa Mudinga : Afrique des Grands Lacs : peuples des forêts, femmes paysannes et inégalités foncières
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Fuir l'Amérique centrale

Migrer comme stratégie de survie et acte d’amour



« Deux constats criants. D’une part, l’absence de démocratisation des sociétés centro-américaines – et l’insécurité physique, sociale, environnementale ou politique qui en résulte – comme ressort premier de la nécessité de fuir la région. D’autre part, les conditions de la migration elle-même – entre politiques migratoires inhumaines et criminalité endémique – comme atteinte systémique à l’intégrité des personnes et au droit à la mobilité ». Dans son éditorial, Bernard Duterme souligne que « L’espoir ou l’obligation de fuir son pays natal y sont devenus aussi familiers que la violence – physique, sociale, économique, politique, climatique… – qui mine la région ».



L’éditorialiste aborde, entre autres, l’histoire des migrations, « qui renvoie à celle, structurellement injuste, de la formation de ces sociétés périphériques, de ces terres d’exploitation qui ont elles-mêmes longtemps, très longtemps été explorées, colonisées, négociées, dépossédées, touristifiées…, bien avant que ses propres habitants et habitantes n’entrevoient la possibilité de s’en échapper », les interventions des Etats-Unis pour faire et défaire les gouvernements, le marché de la banane et du café, l’United Fruit Company (UFC), les guérillas révolutionnaires, les militaires et les paramilitaires « se rendant coupables de la mort de plus de 90% des centaines de milliers de victimes humaines, surtout civiles (et mayas au Guatemala ; massacres qualifiés d’« acte de génocide » par l’ONU), ainsi que du déplacement interne et externe de millions de Centro-Américain·es », la non-application des accords de paix, le double « processus de libéralisation politique et économique », la démocratisation « formelle, superficielle, électorale », l’extractivisme, « On n’a jamais autant creusé dans les sous-sols latinos et exporté vers les pays riches que ces vingt dernières années » et la reprimarisation de l’économie, les pouvoirs néopatrimonialistes et les collusions mafieuses, la faible industrialisation et les « zones franches » (maquiladoras), l’évolution des niveaux de vie et d’accès à l’éducation, la concentration des patrimoines, la culture dominante « d’un machisme et d’un sexisme dévastateurs », les lois anti-avortement, la logique de « prédation capitaliste »…



L’auteur aborde les violences criminelles et répressives, « La violence politico-idéologique des pouvoirs militaires et des révolutionnaires d’hier a fait place à une criminalité débridée oppressante », l’insécurité alimentaire, la précarité sociale, la vulnérabilité climatique, les frustrations sociales et le manque de perspective, les maras (« ces microsociétés totalitaires aux marques d’appartenance et aux rites d’obéissance aliénants ») et le conditionnements « à leur allégeance des pans entiers de la vie sociale et économique des quartiers », la corruption et les collusions, la faiblesse structurelle d’institutions publiques, le climat de terreur politique au Nicaragua et les effets de la crise sociale.



« Le profil des partant·es évolue, diffère selon les situations, mais laisse aussi apparaître des traits communs qui renvoient non seulement aux causes des migrations – l’insécurité physique, sociale, environnementale ou politique, objective ou ressentie, qui provoque la décision de fuir –, mais aussi aux dispositions et perspectives des individus ou des familles qui se lancent dans l’aventure ». Mais fuir l’insécurité n’est pas sans péril, « La migration proprement dite demeure pourtant une démarche extrêmement périlleuse ». Bernard Duterme aborde, entre autres, les violences et les viols, la nouvelle visibilité avec les « caravanes », les fermetures des frontières, l’externalisation de la frontière étasunienne, les politiques de Donald Trump et de Joe Biden. L’auteur termine sur les droits des migrant·es et la démocratisation des sociétés centro-américaines, « Deux constats criants se dégagent des pages qui précèdent. D’une part, l’absence de démocratisation des sociétés centro-américaines – et l’insécurité physique, sociale, environnementale ou politique qui en résulte – comme ressort premier de la nécessité de fuir la région. D’autre part, les conditions de la migration elle-même – entre politiques migratoires inhumaines et criminalité endémique – comme atteinte systémique à l’intégrité des personnes et au droit à la mobilité ».



Sommaire

Causes structurelles et conjoncturelles

Lizbeth del Rosario Gramajo Bauer : Causes, crises et enjeux migratoires dans le corridor centro-américain

Delphine Marie Prunier, Sergio Salazar Araya : Fractures, frontières et mobilités centro-américaines face au covid

Gabriela Díaz Prieto : Femmes d’Amérique centrale en quête d’asile en Amérique du Nord

Politiques nord-américaines

Aviva Chomsky : Ce que Washington devrait (ne plus) faire en Amérique centrale

Jazmín Benítez López, Solangel Nazaret Rejón Apodaca : Politique migratoire mexicaine et « Triangle Nord » centro-américain

Juan José Hurtado Paz y Paz : Droit à la migration et politique anti-migratoire des Etats-Unis

Nicaragua, Salvador, Honduras, Guatemala…

José Luis Rocha : Explosion post-2018 de l’émigration nicaraguayenne

Mario Zúñiga Núñez : Migration et gangs : du Salvador aux Etats-Unis, et retour

Sergio Salazar Araya : Enjeux du « retour » au Honduras des migrant·es expulsé·es

Ruth Piedrasanta Herrera : Ressorts et ressacs des migrations guatémaltèques

Carolina Rivera Farfán : Travail précaire des guatémaltèques dans le Chiapas mexicain



Quelques élements choisis subjectivement.

Dans son article, Lizbeth del Rosario Gramajo Bauer discute de la réalité migratoire dans le corridor Amérique centrale / Amérique du Nord, des causes et des motivations des candidat·es au départ, des « crises migratoires » de la dernière décennie et notamment de la situation des mineur·es, des caravanes de migrant·es, de l’impact de la pandémie, des effets des « guerres civiles », de recherche de travail, des effets sociaux des ouragans ou des tremblements de terre, des causes multiples des migrations, de situation irrégulière et de vulnérabilité « à différents abus sur les lieux de travail et dans les espaces publics », des politiques de regroupement familial, de déracinement, de fermeture de frontière et d’externalisation de celles-ci, d’expulsions, d’hostilité envers les personnes migrantes. En conclusion, l’autrice souligne la nécessité de s’attaquer aux causes structurelles des migrations. Elle ajoute : « Mais la recherche d’alternatives doit aussi passer par une réflexion critique sur les politiques migratoires du principal pays de destination. Les alternatives à l’exode des Centro-Américain·es sont à chercher des deux côtés de la frontière »…



« Entre les mesures d’endiguement des migrant·es et le renforcement d’un mode de développement basé sur la main-d’oeuvre bon marché, la pandémie accentue les lignes de fracture et les asymétries ». Delphine Marie Prunier et Sergio Salazar Araya abordent le Mexique comme zone de transit au sein du couloir migratoire, les effets de la fermeture des frontières, les logiques d’ouverture et d’exclusion, « de libéralisme économique et d’autoritarisme politique », les cultures d’exportation et leurs effets sociaux, les marchés du travail et les mobilités régionales, les mobilités féminines et leurs caractéristiques, les conflits armés, les impacts de la pandémie, « Contrôle militaro-policier, stigmatisation et discrimination », les mesures de rétention, l’entassement de populations dans les zones frontalières, les enfermements dans des centres de détention insalubres, les expulsions des Etats-Unis, l’aggravation de la vulnérabilité, la faim transformée en famine, l’accentuation des lignes de fracture et d’asymétrie socio-territoriales…



Gabriela Díaz Prieto parle plus particulièrement des femmes en quête d’asile en Amérique du Nord, des causes de départs, « L’exploitation, la discrimination et l’exclusion des femmes défavorisées, appartenant à une ethnie indigène ou afrodescendantes, sont également normalisées et acceptées, tout comme la violence patriarcale structurelle », des femmes comme « objets de vengeance et de mépris », de la violence des gangs, des conditions d’accueil aux USA, de la situation au Mexique, du viol du principe de non-refoulement, de genre et de statut de réfugiée, de la nécessité d’inclure la perspective de genre pour aborder l’assistance aux femmes demandeuses d’asile ou réfugiées…



Dans une seconde partie sont abordées les politiques nord-américaines, la volonté de réduire le flux de migrant·es centro-américain·es, l’obsession d’en finir avec l’immigration, les effets sociaux des dettes « insoutenables et impayables », la liberté de circulation et les modèles de migration circulaire, les politiques migratoires mexicaines, la violation des droits humains lors des détentions arbitraires, la persécutions des populations migrantes, le manque infrastructures d’accueil…



« Malgré un changement d’administration en 2021, les Etats-Unis poursuivent leur politique raciste, xénophobe et pauvrophobe vis-à-vis des migrant·es, notamment celles et ceux originaires d’Amérique centrale ». Je souligne l’article de Juan José Hurtado Paz y Paz. Les politiques de dissuasion, l’instrumentalisation de la pandémie, la non reconnaissance des populations migrantes comme contributrices à l’économie, le manque d’alternatives et les violences dans les pays d’origine, la migration comme drame humain et comme espérance, les droits fondamentaux, « Un·e migrant·e est avant tout une personne. Rien ne justifie de ne pas reconnaître sa qualité d’être humain et de ne pas respecter tous ses droits »… Le titre de cette note est emprunté à cet article.



Le numéro se termine par des études plus particulières sur les situations au Nicaragua, Salvador, Honduras ou Guatemala…



Les auteurs et autrices mettent, entre autres, l’accent sur les persécutions politiques, les violences, le « cycle juridique de tout·e migrant·e sans papier », l’exil et les activités politiques, les gangs et leurs traditions historiques, les retours des migrant·es expulsé·es, le secteur informel, les liens entre personnes migrantes et leurs familles, les situations de non-droit, les plantations agro-exportatrices, le travail précaire, la vulnérabilité de la main d’oeuvre étrangère, la précarité sociale et la violence structurelle…
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L'urgence écologique vue du Sud

La crise provoquée par le capitalisme ne peut pas être résolue par le capitalisme lui-même



« Sortir par le haut des cinq dilemmes de la crise environnementale implique de la considérer d’urgence comme un enjeu central ; de prendre acte du fait que les populations les plus vulnérables ne sont pas nécessairement celles qui lui donnent priorité ; de faire valoir la dette écologique des (pays) riches à l’égard des (pays) pauvres ; de rejeter le business as usual, même « verdi » ; et d’opter résolument pour un changement de paradigme, sans snober les conditions sociales et politiques d’une transition régulée ».



Dans son éditorial, Les cinq dilemmes de la crise écologique, Bernard Duterme aborde la pandémie et la crise écologique, cinq controverses, « À nos yeux, cinq controverses brident encore et toujours les énergies transformatrices, cinq dilemmes dont il faudra sortir par le haut. Centrale ou marginale, la crise écologique ? Concerné ou indifférent, le Sud ? Communes ou différenciées, les responsabilités ? Gris ou vert, le capitalisme ? Réformé ou transformé, le paradigme ? Les éléments de réponse qui suivent s’inspirent librement des positionnements critiques d’intellectuels et d’activistes de la cause écologique, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, partenaires du Centre tricontinental, dont plusieurs signent les articles qui composent cet Alternatives Sud. ». L’éditorialiste discute, entre autres, de l’ampleur du désastre écologique, de la déforestation, des émissions de gaz à effet de serre, la plastification des océans, la toxification du vivant, la disparition des espèces, les secteurs du pouvoir « qui refusent de reconsidérer la logique de leur modèle de croissance et d’accumulation au vu de ses impasses », la question de l’urgence et les divisions qu’elle entraine dans les populations…



La crise écologique et climatique « frappe d’abord les régions et les populations les plus vulnérables et affecte les contrées du Sud bien davantage que les contrées du Nord. Preuve là aussi que, sans réorientation politique d’ampleur, l’arrosé n’est pas l’arroseur. Et que ceux – endroits du globe ou groupes sociaux – qui profitent le moins du productivisme prédateur et du consumérisme dispendieux à l’origine des déséquilibres environnementaux sont ceux qui en pâtissent le plus ». Bernard Duterme interroge les sentiments d’urgence écologique, les luttes socio-environnementales, la dépendance « structurelle et subordonnée » des économies du Sud à celles des grandes puissances, la place de l’extractivisme, les accès inéquitables aux ressources naturelles, l’exposition asymétrique aux pollutions diverses…



La relativisation du problème par certain·es, la dénégation de ses « origines humaines » par d’autres et la dilution des responsabilités – nous serions toustes sur le même bateau – n’aident pas à formuler les obligations qui sont à la fois « communes et différenciées ». L’auteur revient sur la formule adoptée au Sommet de la Terre à Rio en 1992, « Les États doivent coopérer […] en vue de rétablir l’intégrité de l’écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe […], compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. ». Il souligne la dette écologique accumulée au moins depuis la révolution industrielle des pays riches envers les autres. Les niveaux de « développement », les capacités respectives doivent être prises en compte pour envisager la répartition des mesures à prendre et leur calendrier. Deux principes doivent se combiner « pollueur/payeur » et « différenciation des responsabilités ». L’éditorialiste analyse les différentes positions développées au niveau mondial (très discutable me semble la caractérisation de socialiste pour l’Equateur et la Bolivie) y compris l’instrumentalisation du « vert » pour gagner des parts de marché…

La suite sur le blog entre les lignes entre les mots
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Alternatives Sud, N° 19-2012/3 : Emprise et..

Un modèle de développement socialement excluant et écologiquement destructeur



L’objet de l’ouvrage est de décortiquer « les logiques présidant à la montée en puissance de l’agrobusiness, au delà de ses expressions les plus visibles (nouvelle ruée sur les terres, expansion des agrocarburants, etc.) ». Sont abordés à la fois les menaces sur la sécurité alimentaire et la biodiversité, l’universalisation des régimes alimentaires, le désengagement de de l’État envers les petits producteurs et son aide aux grandes firmes, la concentration et l’intégration du marché des semences en particulier grâce à la brevetabilité du vivant et des nouvelles technologies (OGM).



Il y une « augmentation exponentielle des investissements directs étrangers dans le secteur de la production agroalimentaire », une « accélération du phénomène d’accaparement des terres », une spéculation sur les matières premières agricoles, une interpénétration des secteurs publics et privés, le déploiement de politiques néolibérales par les institutions internationales (dont les plans d’ajustement structurels) qui favorisent le marché et la concentration entre les mains des opérateurs privés, sans oublier les multiples violations des droits humains.



Les discours présentant l’agrobusiness comme une solution aux problèmes de la faim sont démontés par les différents auteure-e-s, à commencer par la liaison entre croissance et élimination de la faim « celle-ci est bien moins liée à un manque de disponibilité alimentaire qu’à un problème de répartition et d’inégal accès à la nourriture » ou le présupposé « suivant lequel les difficultés des petits producteurs relèveraient essentiellement d’un déficit de productivité et d’un accès limité aux grandes chaînes de commercialisation ».



En conclusion de son introduction, Laurent Delcourt défend : « Scénario de rupture par rapport aux orientions privilégiées jusqu’ici, sa concrétisation passe nécessairement par des politiques de régulation des opérations des transnationales et des marchés, la reconnaissance de la primauté des droits humains sur les règles du commerce, ainsi que par une relocalisation de la production alimentaire au profit des paysanneries locales ».



Elisa Da Via « La politique des discours ”gagnant-gagnant” : l’accaparement des terres comme levier de développement ? » analyse les modalités d’intervention des agences de financement du développement, elle montre toute la supercherie du gagnant-gagnant et insiste aussi sur la méconnaissance de fait « que l’expansion de l’exploitation commerciale des terres s’inscrit dans des chaînes de valeur agroindustrielles globales contrôlées par le pouvoir monopolistique des grandes multinationales » ou pour le dire autrement « Lié à la dynamique plus large de l’expansion capitaliste internationale et de la spéculation financière, ce modèle est donc en concordance parfaite avec la promotion des investissements fonciers en tant que facteur clé de la restructuration économique et agricole des pays du Sud ».



J’ai particulièrement apprécié l’article du African Centre for Biosafety sur « La mainmise de Monsanto sur l’agriculture sud-africaine » dont la possibilité pour cette entreprise, grâce à la protection des brevets de « garder son droit de propriété sur les semences après les avoirs vendues aux agriculteurs, et même après que ceux-ci les aient plantées ».



Les autres textes, tout aussi documentés, concernent les investissements fonciers au Mali, les conséquences du développement des agrocarburants au Guatemala, la ”barbarie moderne” de l’agrobusiness au Brésil, le secteur de l’huile de palme en Indonésie. La revue se termine par un article sur le pouvoir de la grande distribution alimentaire.



Je reproduits juste une citation extraite de l’article sur le Brésil : « Cette triple conjonction de la monoculture, du latifundium et des agrocarburants a non seulement accentué les phénomènes d’exclusion/expropriation des populations rurales et de détérioration de l’environnement, mais elle a outre provoqué le renchérissement des denrées alimentaires, au détriment des populations les plus démunies ».



Ce numéro a été publié en collaboration avec l’ONG Entraide et Fraternité
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Alternatives Sud, Volume 18-2011/4 : Amérique..

« Menacés de dilution, de fragmentation ou de répression dans les pays où les gouvernements sont restés ou revenus dans les courants dominants du néolibéralisme et du ”consensus de Washington” ; guettés par l’instrumentalisation, la cooptation ou l’institutionnalisation dans ceux où les pouvoirs se sont attelés, peu ou prou, à récupérer en souveraineté et à redistribuer les dividendes des richesses exportées, les protestataires et leurs pressions émancipatrices offrent un visage pluriel » (Bernard Duterme) dans son éditorial.



L’auteur souligne aussi « un air de famille commun aux nouvelles équipes de gauche portées au pouvoir », « toutes vont signifier, d’une façon ou d’une autre, un certain ”retour à l’État”, la promotion de nouvelles politiques sociales, un mouvement volontariste de réappropriation des ressources naturelles et un intérêt pour des formes d’intégration latino-américaine alternatives à celles subordonnées aux États-Unis ». Parallèlement des luttes se développent, portées par des organisations indigènes, paysannes ou sans terre, etc, qui revendiquent, entre autres « la reconnaissance culturelle, le respect de l’environnement et la revalorisation de la démocratie ». Ces deux axes entrent plus ou moins en collision. D’autant, qu’au delà des « avancées » dans le social, les droits des populations indigènes, les politiques redistributives ou souverainistes « avec des intensités elles aussi variables, clientélisme, corruption, insécurité, criminalité, narcotrafic, évasion fiscale, inégalités, inflation… continuent à miner la plupart des sociétés latino-américaines, sur fond de faiblesses des institutions démocratiques et de consolidation de la structure primaire, extractive et agroexportatrice, de l’économie. » (souligné par moi)



En première partie des éclairages nationaux, Amérique du sud puis Mexique, Amérique centrale et Caraïbes, quelques éléments souvent peu traités :



la Colombie dont l’approfondissement du modèle néolibéral et la priorité accordée aux dépenses militaires,



le Venezuela dont la place de l’économie rentière (pétrole) et la faible autonomie du « mouvement populaire »,



le Brésil dont les processus d’institutionnalisation, en particulier « le déclin du parti des travailleurs en tant qu’espace de formulation » d’un référent stratégique, la place des contestations, du Mouvement des Sans Terre (MST),



l’Équateur dont le modèle fortement redistributeur mais reposant « sur des formes conventionnelles d’exploitation des ressources naturelles », en opposition avec le « bien vivre »,



le Pérou et les mobilisations en défense des « ressources comme biens collectifs communs, fondamentaux à la survie des communautés », mais aussi le poursuite du développement suivant un « modèle extractiviste de reprimarisation de l’économie »,



la Bolivie, « La Bolivie est aujourd’hui politiquement plus égalitaire qu’auparavant et de puissants processus de ”citoyennisation” politique, symbolique et dans une moindre mesure économique, sont à l’œuvre », avec aussi les oppositions entre « desarrolista » (développementaliste) et « « vivir bien », sans oublier les faiblesses institutionnelles,



et aussi le Paraguay, l’Uruguay, le Chili,



le Mexique dont la mal-nommée guerre contre le narco-trafic « Loin d’engranger des victoires durables, l’action du gouvernement semble plutôt avoir aggravé la violence et la décomposition de la société ». Je suis étonné du non traitement des Maquiladoras et de l’immigration vers les États-Unis et de leurs conséquences pour l’économie et les populations,



Le Guatemala dont la criminalisation des luttes « plus sévère encore lorsque leurs protagonistes sont indigènes et que les intérêts du capital sont en jeu »,



El Salvador et les mobilisations « contre les méga-projets d’infrastructure »,



le Honduras et l’accaparement des terres par agro-industrie,



sans oublier le Nicaragua, le Costa Rica, Panama, Haiti et son système clientélisme, la République dominicaine,



Cuba et la « libéralisation économique ». Janette Habel souligne que les causes historiques et politiques de la situation actuelle sont omises, ou « Les responsabilités des dirigeants au pouvoir depuis un demi-siècle sont ignorées » et « Pourtant depuis cinquante ans, les Cubains n’ont jamais eu le pouvoir de contester les orientations prises au plan national ». L’auteure revient aussi sur l’accroissement des inégalités « raciales » et l’amélioration de la reconnaissance des « identités sexuelles ».



La seconde partie de l’ouvrage est consacrée aux analyses transversales, en particulier l’impact des mouvements indigènes, entre autres, sur le droit et les constitutions ou l’autonomie des territoires ; les bilans possibles sur « une décennie de luttes et de changements ». Deux citations sur ce sujet « Dépossédées ou menacées d’expropriation, craignant pour leurs terres, leur travail et leurs conditions de vie, beaucoup de ces organisations ont trouvé une identification politique dans leur dépossession (les sans-terre, les sans-travail, les sans-abri), dans les conditions sociopolitiques sur lesquelles s’érigeait la dépossession (les indigènes) ou la logique de vie communautaire menacée (les mouvements d’habitants, les assemblées citoyennes) » et « Une série de pratiques collectives liées à l’autogestion, à la satisfaction de certaines nécessités sociales ou à des formes de gestion autonome des affaires publiques a ainsi fait écho à l’une des propositions les plus connues des autonomies territoriales indigènes ».



J’indique de profondes divergences avec le dernier article de bilan, peu critique avec « la thèse de l’unité entre la bourgeoisie nationale et le mouvement populaire ouvrier-paysan-étudiant » et ses conséquences dramatiques pour les mouvements populaires ; ou les penchants essentialistes sur la place des femmes « à la fois porteuses de la vie et d’une perception du monde propre » ; sans oublier la caractérisation comme « socialiste » des régimes dans le Sud-est asiatique, le monde soviétique et euro-oriental ; ou les caractérisations sur le bloc historique et le programme de développement au Brésil.



Malgré cela, nous sommes ici, loin des réductions des apologistes néolibéraux du Brésil ou des « critiques » du « populisme ». Les expériences en Amérique latine, leurs limites, la place de l’auto-organisation (il est de ce point de vue regrettable que les expériences d’autogestion n’aient pas été plus mises en avant), la place de la rente extractive, celle des mobilisations « indien-ne-s » couplées à la sauvegarde de l’environnement permettent de mieux percevoir les contradictions des politiques des gouvernements, en particulier « progressistes ».
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Entre terre et mer : Quel avenir pour la pêch..

Stratégies de privation aux dépends des communautés locales



Dans son éditorial « Enjeux et devenir de la pêche », Laurent Delcourt rappelle que la pêche est d’abord une activité génératrice de revenus et de moyens de subsistance contribuant aussi à la sécurité alimentaire (apport nutritionnel essentiel) à des centaines de millions de personnes dans le monde. Enjeu alimentaire clé, la pêche se trouve également à la croisée d’importants intérêts économiques et géostratégiques. Des produits alimentaires de base les plus échangés dans le monde. « Entre 1976 et 2014, les quantités de poissons exportés sur le marché international ont plus que triplé, passant d’un peu moins de 20 millions de tonnes à plus de 60 millions de tonnes ». L’auteur interroge : « À quels coûts social et environnemental ? Avec quelles conséquences pour les communautés de pêcheurs artisans dans le Sud qui dépendent de la ressource pour leur subsistance ? ».



Ce numéro d’Alternatives Sud, en collaboration avec la Coalition pour des accords de pêche équitables (CAPE) veut poursuivre les réflexions sur les enjeux agroalimentaires et le devenir des agricultures paysannes, « Tout en proposant un état des lieux critique, quoique forcément partiel, de la situation de la pêche et de ses principaux enjeux, il entend ébaucher quelques pistes pour une autre mondialisation de la pêche ».



Laurent Delcourt analyse les ressorts et les conséquences du boom halieutique au 20e siècle, l’industrialisation des mers, l’amélioration des procédés de conservation, les innovations techniques apportées aux bateaux, aux outils et aux procédés de pêche, l’affranchissement des distances physiques et des limites temporelles, l’utilisation d’immenses navires usines. Il en souligne certaines conséquences : surpêche, hausse des coûts d’exploitation, surcapacité chronique, baisse de la rentabilité de nombreuses entreprises de pêche, endettement et faillite des plus petites ou les moins capitalisées d’entre elles, impacts sur les conditions de travail…



L’éditorialiste analyse le déplacement des zones de pêche, « Face à cette ruée « occidentale et asiatique » sur les stocks de poisson dits démersaux (morue, lieu, merlan, etc.) ou pélagiques (thon, harengs, maquereau, chinchards, etc.) des mers du Sud, pour satisfaire une demande au Nord sans cesse croissante, les États riverains vont élargir leurs eaux territoriales, enclenchant une réaction en chaîne qui aboutira au rétrécissement considérable des espaces juridiquement libres des océans », les concepts dits territoriaux (notion de mer territoriale, zones contiguës, zones économiques exclusives), la compétition avec les chalutiers industriels étrangers, la vente des droits d’accès aux flottes étrangères, les nouvelles puissances halieutiques, le déplacement des frontières halieutiques vers les zones poissonneuses les moins exploitées, les processus de redistribution des cartes « au niveau de la production, dans un contexte de concurrence exacerbée, de libéralisation des échanges et d’accroissement de la demande », le peu de profit qu’en tirent les « pays du Sud » ou les impacts sur les « pêcheurs artisans et communautés de pêche artisanale ».



L’auteur parle d’« un océan d’inégalités » pour décrire « La globalisation halieutique ». Il souligne, entre autres, un accroissement des inégalités, les énormes disparités de consommation entre pays pauvres et pays industrialisés, les phénomènes de concentration en aval de la filière « pêche  » et la mainmise des transnationales états-uniennes, européennes et japonaises sur les ressources, un véritable « transfert de protéines » du Sud vers le Nord, et d’autres impacts sur les communauté artisanales « du fait de la proximité de leurs zones de pêche du littoral, les pêcheurs artisans et les communautés de pêche artisanale sont devenues les premières victimes des pollutions industrielles des côtes qui conduisent à la raréfaction du poisson et à l’acidification des océans à l’origine de zones mortes de plus en plus nombreuses », sans oublier les conséquences du changement climatique et la possible migration massive des espèces vers l’hémisphère Nord.



Laurent Delcourt présentent les « réponses » internationales face à la crise de la ressource halieutique. Celles-ci sont dominées par l’idéologie néolibérale prônant droits de propriétés et privatisations, solutions fondées sur le marché, promotion des partenariats publics-privés, réformes des pêches basées sur des droits d’accès, développement de nouvelles industries maritimes, aquaculture (majoritairement tournée vers l’exportation), valorisation financière des océans et de leur « capital naturel »…



Si le Partenariat mondial pour les océans (PMO) se donne un triple objectif : « l’accroissement de la production des pêches et de l’aquaculture dites « durables  » pour atteindre la sécurité alimentaire sans compromettre la reproduction de la ressource ; la préservation de la biodiversité et des habitats côtiers et océaniques d’intérêt majeur ; et la réduction des pollutions et la lutte contre le réchauffement climatique » il favorise des solutions fondées sur le marché, « Marchandiser la planète pour la sauver » !, une version bleue de l’économie verte…



Il convient d’ajouter que la question des responsabilités réelles dans la surexploitation n’est pas abordée ni le fait que « la diminution des ressources touche principalement les populations côtières des pays du Sud ».



L’éditorialiste parle d’une « nouvelle dynamique d’accaparement des mers » et oppose des alternatives construites autour de « l’amélioration des moyens de subsistance et la sécurité (souveraineté) alimentaire locale, le respect des droits humains, économiques, sociaux et culturels, et une gestion réellement durable des ressources »…



Dans la première partie, les politiques de certains Etats sont analysées, au Brésil – du néo-développementisme à la reprise néolibérale -, aux Philippines – une « dépaysannisation » au service du marché -, au Chili et la crise du modèle néolibéral, à Goa avec « des villages de pêcheurs laissés pour compte » ou en Afrique du Sud, en partie contre-exemple pour les « pêcheurs à petite échelle ».



A travers ces exemples, des analyses sur la pêche extractive, l’aquaculture commerciale, le développement de la pêche industrielle océanique, l’attribution de concessions aquacoles, la lutte pour les droits des communautés de pêche artisanales, la place des femmes, les programmes d’ajustement structurels, la destruction des mangroves, les espèces génétiquement modifiées, la « dépaysannisation » de la pêche, les systèmes de servitudes pour dette, la prime donnée aux exportations, l’affrètement et l’agriculture contractuelle, la malnutrition locale et les pénuries alimentaires, la fabrication de farine de poisson, les privatisations autoritaires de l’eau, la corruption, l’irrationalité environnementale et l’iniquité sociale des modèles de développent de la pêche, la privatisation et la marchandisation des droits, les résistances et les ripostes de pêcheurs, les évolutions des droits en Afrique du Sud, des droits collectifs non commercialisables, etc.



Dans une seconde partie, sont proposées des analyses transversales.



Liam Campling aborde la pêche européenne du thon, « Le thon en conserve est la deuxième plus grande industrie des produits de la mer en valeur et en volume, après celle des crevettes », les régimes tarifaires, les évolutions des chaines de production, la double problématique de la distance et de la conservation du produit, l’industrialisation de la pêche, la révolution bleue, la forte augmentation de l’étendue géographique et de l’intensité extractive, les senneurs mécanisés, les subventions européennes, l’industrie du poisson transformé… « En d’autres termes, la contrainte de la demande dans les filières des conserves de thon et l’intensification concomitante de la pression extractive sur les ressources thonières menacent la reproduction biologique de la ressource sur laquelle se base cette demande ».



Je souligne l’article d’André Standing « L’abus de pouvoir, vecteur du pillage des ressources de la pêche ». Une analyse allant à l’encontre des présentations médiatiques des « pilleurs » et fournissant des explications sur les situations réelles. L’auteur parle des acteurs privés et publics, de la corruption, des petits pêcheurs face à la pêche industriel étrangère au Sénégal, des supers chalutiers, des impacts écologiques et économiques de la présence de bateaux étrangers, des protestations et des luttes, de la course aux halieutiques, de processus de « capture de réglementation », d’« emprise réglementaire », du rôle criminogène de l’investissement privé, d’un « environnement caractérisé par les collusions et abus de pouvoirs entre firmes, gouvernements hôtes, élites politiques et agences gouvernementales étrangères », de criminalisation dans le secteur de la pêche…



Les autres auteur-e-s analysent les conséquences sociales dévastatrices des programmes de privatisation, la « croissance bleue » et l’accaparement des océans, les « aires maritimes protégées », la complexité et la mosaïque de droits fonciers documentés, les droits des communautés autochtones, « l’importance de créer les conditions permettant aux communautés de pêcheurs, et notamment aux sous-groupes les plus désavantagés à l’intérieur des communautés, de s’organiser ».



Un numéro d’une très grande qualité, non réservé à celles et ceux qui s’intéressent à la pêche et aux ressources halieutiques. Il s’agit bien ici des ressources alimentaires de la planète, de la souveraineté alimentaire des populations, d’accaparement et d’extractivisme, d’industrialisation monopoliste destructive.
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Alternatives Sud, Volume 20-2013/1 : Econom..

Changer de paradigme et non verdir le productivisme



Comme l’indique Bernard Duterme dans son éditorial, l’économie verte, n’est qu’une « manière écologique de faire des affaires » et encore, en réduisant le sens ce que devrait être l’écologie. Il souligne aussi que les politiques environnementales continuent à être perçues comme « un frein à la croissance ( hausse des coûts, des restrictions, des régulations, baisse de la compétitivité…)». Le débat ne devrait d’ailleurs pas être entre « frein » et « moteur » de la croissance, mais sur la remise en cause de la croissance telle qu’elle s’est construite depuis plus d’un siècle. A la croissance des marchandises, ne faut-il pas opposer la satisfaction des besoins de toutes et tous ? Ou pour le dire autrement une « économie verte » en « rupture réelle avec l’actuel modèle de production et de consommation à l’origine même de l’aggravation des déséquilibres sociaux et environnementaux ».



Les théories libérales teintées de vert prônent la valorisation (attribution d’une valeur, d’un prix) à la biodiversité, aux fonctions des écosystèmes, aux produits de la « nature » pour renforcer le capital et transformer ce qui ne l’est pas encore en marchandises. L’asymétrie entre pays du Sud et pays du Nord ne peut qu’être renforcée par cette marchandisation accélérée, et annuler, ce qui n’est par ailleurs pas appliqué, le « principe des responsabilités communes mais différenciées ».



Les auteurs présentent des analyses plus ou moins radicales de « l’économie verte ». Sauf erreur aucun-e n’évoque l’éco-socialisme. Au fil des textes, sont traitées les dimensions sociales des changements, la problématique des financements et des transferts technologiques, « la promotion des technologies endogènes écologiquement rationnelle dans les pays en développement », le protectionnisme derrière l’utilisation de normes environnementales, l’accès aux marchés et plus globalement la régulation du commerce mondial, le rôle du secteur public, le droit des communautés autochtones et des communautés rurales, la sécurité alimentaire, le colonisation de l’écologie par la logique d’accumulation, les bilans de Rio Janeiro, les brevetages du vivant, le rôle des industries agro-alimentaires, pharmaceutiques et biotechnologiques, etc.



Je souligne notamment l’intérêt des sept points avancés dans le chapitre « Vers un développement durable » dans l’article de Pio Verzola Jr. Et de Paul Quintos « Économie verte : un bien ou un mal pour les pauvres ? »



Editorial : Économie verte : marchandiser la planète pour la sauver ? par Bernard Duterme



Points de vue du Sud



Les risques du concept d’économie verte au regard du développement durable, de la pauvreté et de l’équité par Martin Khor



Économie verte : un bien ou un mal pour les pauvres ? par Pio Verzola Jr. , Paul Quintos



Économie verte : le loup déguisé en agneau par Edgardo Lander



Verdir le libre-échange pour mieux maintenir le statu quo par Joseph Purugganan



Capitalisme kleptocrate, finances climatiques et économie verte en Afrique par Yash Tandon



« Économie verte » versus « droits de la nature » par Pablo Solon



La lutte des « biomassters » pour le contrôle de la Green Economy par ETC Group, Heinrich Böll Foundation



Économie verte et développement durable après Rio+20 par Martin Khor



Deux remarques : Certain-e-s auteur-e-s ont une conception essentialiste de la nature, d’une nature « naturelle » trans-historique, ce qui ne permet pas de penser les interactions multiples et variables entre les sociétés humaines et leurs environnements. Plus discutable encore, me semble-t-il, la réduction des changements à des changements institutionnels et la sous-estimation des nécessaires auto-organisations et mobilisations des populations.



Quoiqu’il en soit, des analyses pour comprendre non seulement les limites de l’économie verte mais son incapacité à répondre aux bouleversements climatiques et environnementaux générés par le mode de production capitaliste et son productivisme.



« Les conditions d’une véritable "transition" sont aujourd’hui étudiés, revendiquées ou déjà expérimentées par une multitude d’acteurs individuels et collectifs, scientifiques, sociaux, politiques, économiques… de part le monde. Théoriques ou pratiques, elles passent nécessairement tant par une réélaboration du rapport à la nature des sociétés contemporaines, que par un questionnement des rationalités, des rapports sociaux et des pratiques politiques intimement liés au modèle économique dominant à changer ».



« Il s’agit, par les voies d’un développement respectueux de l’environnement, qui privilégie la valeur d’usage à la valeur d’échange, le partage public à l’appropriation privée, la redistribution à l’accumulation, les processus démocratiques aux rapports de domination, la diversité et l’interculturalité à l’uniformisation, d’assurer l’accès de tous et de chacun au bien commun …, au bien-être …, au buen vivir, à la prospérité ».
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Alternatives Sud, N° 18, 2011 : Agrocarbura..

En introduction François Polet souligne le rôle déterminant des pouvoirs publics dans le développement des agrocarburants. Il analyse précisément les différents impacts « directs » et « indirects » de l’expansion de la culture des agrocarburants au Sud : forte demande globale de matières premières agricoles, hausse des prix de ces matières, enrichissement des gros producteurs et moindre accès à l’alimentation pour les consommateurs pauvres, hausse durable du prix de la terre, compétition autour des terres cultivables et déforestation, etc…



L’auteur insiste particulièrement sur la concentration foncière, la prolétarisation et l’exode rural, ainsi que sur les conséquences pour les populations rurales pauvres « qui en paient le prix fort, sous la forme d’un recul des droits d’accès aux ressources naturelles indispensables à leurs stratégies de survie quotidienne ». François Polet considère que si l’expansion des agrocarburants est un facteur secondaire de la crise alimentaire, elle n’en reste pas moins « une vraie menace pour la souveraineté alimentaire ». Il présente aussi des analyses sur les impacts environnementaux. Il conclue sur l’impossibilité de civiliser la production industrielle d’agrocarburants et sur les illusions de la « certification volontaire » en ajoutant « Les problèmes de sécurité alimentaire, d’accaparement des terres et de respect des droits de base des travailleurs et des communautés locales ne sont pas l’objet de critères contraignants ».



La première partie de l’ouvrage est consacrée à des analyses sur le jatropha et le biodiesel dans le Tamil Nadu en Inde, les agrocarburants en Indonésie, au Mozambique, dans le Wolaita en Éthiopie, les critères de durabilité de l’Union européenne au Guatemala, les politiques publiques et le développement du secteur sucro-énergétique au Brésil. Les différentes présentations font ressortir les conséquences pour les populations (dont les pertes d’autosuffisance alimentaire, les violences des déplacements, les conséquences écologiques, le rôle des instances financières internationales).



Les auteurs démontent les notions de terres « incultes », soulignent les négations des droits et insistent sur « la faim parmi les secteurs les plus vulnérables ainsi que les pénuries et une insécurité alimentaire grandissante…»



Cette partie se termine par une étude sur la mortalité des coupeurs de canne à sucre au Brésil et un plaidoyer contre le travail au rendement.



Les auteurs de la seconde partie reviennent plus globalement sur « Agrocarburants, souveraineté alimentaire, durabilité… »



J’ai particulièrement apprécié l’article d’Eric Holt-Gimenez et Annie Shattuck « Agrocarburants et souveraineté alimentaire » et leurs analyses des mythes construits autour des agrocarburants (propreté et protection de l’environnement, absence de déforestation, moteur potentiel de développement rural, irresponsabilité par rapport à la faim, foi en la seconde ”génération”). Les deux autres articles analysent précisément les soit-disant « certifications durables ».



Des travaux à faire connaître contre les fantaisies et autres mensonges sur les agrocarburants réellement existants et leurs conséquences sociales et écologiques.
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L'aggravation des inégalités : points de vue du..

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