Citations de Bernard Friot (212)
C'est pourtant ma langue maternelle, le français, maternelle et paternelle, oh oui, maternelle et paternelle... On n'a jamais parlé arabe à la maison, juste ma grand-mère qui chante des chansons parfois. Moi, j'ai été bercé en français, j'ai appris "A la claire fontaine" à l'école maternelle, et même "Petit papa Noël". J'ai joué en français, rêvé en français, j'ai appris en français, j'ai aimé en français, oui, oui, tout en français, et aujourd'hui je me noie en français, j'étouffe en français, je crève, madame, je crève en français ! Non reste à ta place ! J'ai pas fini.
j'aimerais vivre au présent
et pas à l'ombre du passé
ni sous les néons crus du lendemain
à la limite exactement
là où sont les choses
et où l'on vit
vraiment
simplement
Attention
le bruit court
et les murs ont des oreilles.
Derrière mon dos
ça chuchote, ça complote
ça papote, ça radote.
J'écoute aux portes :
ça murmure, ça susurre
et je vous assure
les gens ont la dent dure !
Montez sur un escabeau
Ce poème, on le dit de haut :
On détache bien les mots,
on ouvre les yeux en "O"
on bat des cils et du chapeau
bref, on fait un peu l'idiot
sans presser le tempo.
poème sang
dégoulinant
hémorragie verbale
et la blessure est profonde
vite un garrot sinon
tout mon vocabulaire va y passer.
Je connais un enfant
qui fait des trous dans le vent
et puis il les remplit
avec des confettis.
Mardi, je suis allé chez le poulet avec des frites. On a mangé le tigre. Après on est allés au zoo et on a vu mon tonton et ma tata dans leur cage. Quelle belle journée!
-Tu entends le rythme de la pluie sur le sol ? demande Esther. C’est exactement ce qu’a voulu rendre Vivaldi avec un déluge de notes rapides. Ça va souvent très vite dans sa musique. Mais il écrivait aussi de magnifiques mouvements lents.
Pas facile
de s'aimer
on a peur de son reflet
de ses pensées
du battement de son coeur
ne pas céder
non
trop facile après tout
de se détester
plus difficile d'avouer
qu'on est comme les autres
imparfait
Envie de pleurer
ah oui
Peut-être une larme écrasée
Le reste on ne dit pas
non.
Maman dit que les hommes sont bêtes. Et que toi, tu es le plus bête de tous.
Pourquoi elle dit ça ? Après elle pleure et son maquillage dégouline sur ses joues.
Je suis puni. Privé de télé, DVD et jeux vidéo. Parce que j'ai regardé en cachette des films d'horreur. (...)
Ils sont sadiques mes parents. De vrais tortionnaires. Ils ont inventé une punition atroce. Monstrueuse. Une visite au musée des Beaux-Arts. Deux heures à me traîner devant des peintures nulles, des portraits de vieilles mémés et des trucs modernes qu'on y comprend rien.
Je vais mourir d'ennui, je le sens.
(Illustrations: Le martyre des saints Cosme et Damien
Judith décapitant Holopherne
Saint Sébastien)
Ou peut-être pas...
Maman me manquait, bien sûr. Parfois, je pensais à elle, brusquement, et ça faisait mal. Le matin, par exemple, en partant à l'école, je me retournais au coin de la rue, pour la voir me faire signe depuis le balcon de la cuisine. Et elle n'était jamais là. Mais quand je pensais à maman, c'était toujours à maman avant, quand elle n'était pas malade.
alors s'exiler
déchirer ses papiers
rayer mon nom de la liste
c'est bien assez d'exister
entre les lignes
d'une seule main
je mérite non seulement un diplôme, mais une médaille. Je n'ai pas dit un mot pendant exactement 51 heures et 33 minutes. Volontairement ! Je sais qu'il y a des moines qui font vœu de silence, alors évidemment je ne suis pas près de battre leur record. Mais moi, je ne suis jamais resté muet aussi longtemps et, si ma sœur ne m'avait pas provoqué, j'aurais sûrement pu tenir encore plusieurs jours.
Ça craque quand je croque
chips et gâteaux secs
et la baguette croustillante
du goûter
en été
Ça craque quand je croque
crackers crostini
carottes crues
pomme d'api
à pleines dents
faim de loup
et rêves fous.
Ce poème est pathétique
mais c'est pas grave
de toute façon
j'suis antipoétique.
pisser dans un violon
est-ce vraiment
vraiment
musical ?
( p 20)
Ça existe
Un morceau de chocolat
un quartier d'orange
et l'odeur du velours
le goût des choses
dire c'est bon
Se lécher les doigts
caresser le bois verni
Plonger le bras dans l'eau glacée d'un ruisseau
ça existe
la crème à la vanille
trois notes d'accordéon
marcher pieds nus sur le sable
étonnant
La vie a envie qu'on l'aime
on dirait
Au bout d'un moment, comme il ne se passe rien, Tim sort de sa cachette.
Fol aussi. Et puis Dom, finalement. Tous les trois, ils regardent le paquet
sans oser approcher. Tim dit à ses amis :
- Attention, ça fait CRAC !
Comme les branches quand on les casse.
- Mais non, dit Fol, ça a fait SCROCH SCROCH !
Comme les feuilles quand on marche.
- Vous n'y êtes pas du tout ! dit Dom.
Ça a fait HMMMMMM !
Comme le vent quand il y a de l'orage.