HOMMAGE BERNARD GIRAUDEAU FRANCE3 BLOGPARFAIT 17.07.2010
Je peux voir la canopée comme des vagues immobiles auxquelles seul le vent de la montagne donne une vie de mer sombre. Il traîne des brumes alanguies que le soleil levant finit toujours par enflammer. Au-delà il y a un grand fleuve et bien au-delà la mer, la vraie, l'infinie, qui se dessine parfois comme un trait de lumière pour souligner l'indéfini du ciel.
J'aime cet endroit comme une escale de paix. Je suis un égaré ayant décidé de se poser, de rester là dans chaque instant des souffles. J'écoute l'oiseau, un chant sur la page de silence. A la fin du jour il y a celui des voix de la vallée, isolées comme des notes échappées.
J'apprends l'attente, celle de l'instant, celle de la pluie, des jours à venir, de la nuit, de la première étoile, celle du feu pour les repas et pour réchauffer les soirs.
Qui m'a appris l'obéissance en vieillissant pour satisfaire le regard des autres ?
Je VEUX être désobéissant et braver la raison.
N'essuyez pas mon front où perle la sueur et laissez mes vêtements coller à la peau dans la nuit tropicale.
N'éteignez pas les feux de racines séchées, j'aime la fumée acre.
Laissez-moi déchirer mes semelles sur la lave noire des volcans, peiner avec bonheur dans les poussières de lune d'Atacama et les éclats de mica des terres brûlées….
Je retournerai pour une caresse amoureuse poser ma main sur le rocher jusqu'à l'aspérité salvatrice pour me hisser au sommet et regarder le monde.
Je n'ai pas changé,
je suis passé de l'univers de l'enfance à celui des hommes
avec les mêmes règles, la même curiosité.
L’amour, ça doit se lire tout de suite. Ce n’est pas une partie de cache-cache.
Je crois beaucoup plus en ce qui nous échappe qu'en ce que nous croyons saisir.

CHÈRE MADAME T.
Ce qui suit vous est conté, madame T., ma chère, irremplaçable madame T., à vous et à nulle autre, à moins que vous ne souhaitiez qu'il en soit autrement. Je ne sais où vous serez, mais je devine déjà votre intérêt pour ces voyages, ces mots, ces aveux parfois. Peut-être vous mentirai-je un peu, mentir un peu c'est être très près de la vérité, mentir beaucoup serait m'en éloigner. Avec le temps l'espace entre vérités et mensonges se dissipe doucement et vous me pardonnerez si parfois j'ai repoussé cette frontière pour être au plus près de l'indicible. Je soupçonne votre sourire à certaines pages, votre joue légèrement froissée, appuyée sur votre main, l'autre tournant lentement les pages, sans voracité, laissant un doigt sous la précédente comme si vous alliez la relire, mais que vous abandonnez pour la suivante. Je vous espère parfois jalouse, un peu mordue par les mots, mais jamais douloureuse. Je vous aime depuis si longtemps, depuis avant le début, voyez-vous. Ces récits sont des voyages au pays des hommes. Voyager, on n'en revient jamais. Je vous écris pour prolonger l'instant, en garder une trace, tordre le cou à la fugacité, à l'oubli, à l'impermanence, ceci sans succès bien sûr puisque c'est vouloir figer l'éphémère et j'aime l'éphémère, nul n'est parfait. Le prendrez-vous ce temps de me lire, pour me prolonger un peu en vous ?
Je vous ai cherchée dans les aubes sans nuages, les aubes prometteuses, les aubes menteuses, les aubes de cafard noir, les couchers de soleils définitifs.
Je vous aime pour ce regard attentif, cette main sur la mienne, cette présence discrète, cet amour non dit, cette compréhension chaleureuse tout en vous démenant dans l'invisible pour me sortir de cette impasse. Merci doux fantôme de mes nuits et de mes jours, femme au chevet de mes incertitudes. Je vous aime, sans doute, mais comment le savoir. Amour, reflet de mon impuissance, de mon ignorance, qu'est ce que je sais de toi? Que sais je de cet inaccessible? J'ai confiance, vous êtes quelque part et j'aime déjà ce qui sommeille en vous car je crois beaucoup plus en ce qui nous échappe qu'en ce que nous croyons saisir.
Il me manquera le partage, l’émotion, le regard troublé, le rire, ce quelque chose au ventre qui vous bouffe avec bonheur et cette larme dans le coin de votre œil qui ne veut pas glisser sur votre joue.
Restez un peu avec moi. C'est inconfortable, j'en suis conscient, mais nous n'allons pas dormir, n'est ce pas ? Je ne sais rien de votre peau, de votre odeur. Laissez-moi vous explorer, vous effeuiller jusqu'à l'insupportable, jusqu'à ne plus accepter d'être des mots écrits sur des coins de nappes en papier, des pensées notées sur un carnet. Vous méritez mieux que cela. Vous êtes une étoile lointaine, pas trop j'espère et je ne suis qu'un amant de papier. Ne me brûlez pas... Je m'endors doucement comme un goujat, une faiblesse, pardonnez-moi !
Que sait-on de la grâce ? C’est un désir, une tentation, une courbe élégante de l’âme. C’est indéfinissable. Un artiste la cherche toute sa vie. Il ne sait pas ce que c’est mais il la devine, il la sent.