C’était un samedi de grisaille de la fin mars comme la pointe bretonne nous en réserve quelques-uns, de ceux qu’on passe à la maison, autour du feu crépitant de la cheminée, un bon livre entre les mains. Il pleuvait un crachin pénétrant sur Bénodet, comme sur l’intégralité de la côte cornouaillaise, qui interdisait la moindre balade jusqu’à la pointe Saint-Gilles. On ne distinguait même pas le sémaphore de Sainte-Marine, de l’autre côté de la baie, c’était pour dire !
Comme tous les week-ends depuis que nous vivions ensemble, Dominique avait quitté son appartement de Quimper pour passer les deux jours auprès de Sarah et moi. Nous prenions tous deux lentement nos marques dans notre vie de couple, sans brusquer les choses, tant nous étions attachés, l’un comme l’autre, à notre indépendance. Mais comme nous étions avant tout attachés l’un à l’autre...
Que pouvait-on attendre d’autre d’une journée aussi sinistre, qu’un coup de tonnerre comme celui-là ! Un jeune orphelin réclamait mon aile protectrice, pour y trouver refuge, et mon concours, pour l’aider à y voir clair dans une ténébreuse affaire qui risquait de me valoir pas mal d’ennuis.
Si le football français connaissait parfois des soucis d’arbitrage, comme je le lisais dans France-Football, ma lecture favorite, je me sentais aussi victime d’injustices dans la distribution des cartons jaunes, depuis qu’elles se mettaient à deux pour juger mes interventions. Ce que l’une laissait passer, l’autre ne le loupait pas. Et réciproquement ! J’allais finir par devenir un peu plus philosophe et un peu moins humoriste, petit à petit, à force de me trouver coincé entre deux feux, le temps que Quentin, le pompier de service, ne vole à mon secours...
Il est parfois difficile d’accepter un pareil coup du sort, la perte de ses parents, alors on se monte la tête avec des histoires sans fondement, on échafaude des scénarios romanesques ! C’est humain, on se raccroche au moindre espoir...
Le remord est pire que la mort, car ça vous ronge lentement.