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Citations de Bernard-Marie Koltès (195)


Il va bien falloir que vous fassiez un écart pour que je n'en aie pas à faire, que vous déménagiez de l'axe que je suivais, que vous vous annuliez, car cette lumière, là-haut, en haut de l'immeuble, dont s'approche l'obscurité, continue imperturbablement de briller ; elle troue cette obscurité, comme une allumette enflammée troué le chiffon qui prétend l'étouffer.
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Mon désir, s'il en est un, si je vous l'exprimais, brûlerait votre visage, vous ferait retirer les mains avec un cri, et vous vous enfuiriez dans l'obscurité comme un chien qui court si vite qu'on en aperçoit pas la queue.
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MAIMOUNA (elle s'accroupit et pleure). - Je ne veux pas d'un amoureux, je ne veux pas d'un mari. Un amoureux, c'est comme le soleil, plus il chauffe, plus il fait le désert autour de vous.
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Dans l'obscurité, il y a une règle qui veut qu'entre deux hommes qui se rencontrent, il faille toujours choisir d'être celui qui attaque le premier.
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En fait, les personnes et les personnages m'apparaissent d'une toute autre manière. L'ensemble d'un individu et l'ensemble des individus me semblent tout constitués par différentes « puissances » qui s'affrontent ou se marient, et d'une part l'équilibre d'un individu, d'autre part les relations entre personnes sont constitués par les rapports entre ces puissances. Dans une personne, ou dans un personnage, c'est un peu comme si une force venant du dessus pesait sur une force venant du sol, le personnage se débattant entre deux, tantôt submergé par l'une, tantôt submergé par l'autre. On a donné parfois à l'une le nom de Destin, mais cela me paraît trop schématique – et trop facile ! Dans les rapports entre les personnes, c'est un peu comme deux bateaux posés chacun sur deux mers en tempête, et qui sont projetés l'un contre l'autre, le choc dépassant de loin la puissance des moteurs. Bien au delà d'un caractère psychologique petit, changeant, informe, il me semble y avoir dans chaque être cet affrontement, ce poids plus ou moins lourd, qui modèle avec force et inévitablement une matière première fragile
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Le Guatemala commence à se mettre à l'heure nicaragayenne ; il y a des morts tous les jours, et, quand je viens de mon village où rien ne se passe, j'ai l'impression de tomber dans un autre monde. Aujourd'hui, comme les manifs font toujours quelques morts, les gens avaient décidé de protester en faisant, pendant cinq minutes, le plus de bruit possible. Alors, entre 7 h et 7 h 05, toutes les fenêtres de la ville étaient ouvertes, les mémères tapaient sur les casseroles, les mecs gueulaient des chansons, les voitures klaxonnaient, les filles piquaient des syncopes en poussant de grands cris, et les flics en perdaient la tête.
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Bernard-Marie Koltès
(...) et je ne sais toujours pas comment je pourrais te le dire, quel fouillis, quel bordel, camarade, et puis toujours la pluie, la pluie, la pluie, la pluie.
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Je ne veux pas que l'on trouve notre paix dans l'absence de la femme, ni dans le souvenir d'une absence, ni dans le souvenir de quoi que ce soit. Les souvenirs me dégoûtent et les absents aussi; à la nourriture digérée, je préfère les plats auxquels on n'a pas encore touché. Je ne veux pas d'une paix venue de n'importe où; je ne veux pas que l'on trouve la paix.
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Robert Zuccp


Je ne suis pas un héros. Les héros sont des criminels. Il n'y a pas de héros dont les habits ne soient trempés de sang, et le sang est la seule chose au monde qui ne puisse pas passer inaperçue. C'est la chose la plus visible du monde. Quand tout sera détruit, qu'un brouillard de fin du monde recouvrira la terre, il restera toujours les habits trempés de sang des héros.
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La vraie tare de nos vies, ce sont les enfants ; ils se conçoivent sans demander l’avis de personne, et, après, ils sont là, ils vous emmerdent toute la vie, ils attendent tranquillement de jouir du bonheur auquel on a travaillé toute notre vie et dont ils voudraient bien que l’on n’ait pas le temps de jouir .
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Il faudrait supprimer l’héritage : c’est cela qui pourrit les petites villes de province.
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Quand on dit de quelqu'un qu'il est encore jeune, c'est qu'il est déjà vieux.
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Il n'y a pas d'amitié entre qui se connaît.
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Je ne tire de ce que je suis ni gloire ni confusion, mais parce que vous m'êtes inconnu, et plus inconnu encore à chaque instant, eh bien, comme ma veste que je me suis ôtée et que je vous ai tendue, comme mes mains que je vous ai montrées désarmées, si je suis chien et vous humain, ou si je suis humain et vous autre chose que cela, de quelque race que je sois et de quelque race que vous soyez, la mienne, du moins, je l'offre à vos regards, je vous laisse y toucher, me tâter et vous habituer à moi, comme un homme se laisse fouiller pour ne point cacher ses armes.
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TROISIÈME TABLEAU
E La Vieille est assise. Bouteille et robe claire.

VIEILLE. – « Il était une fois un méchant gouverneur nommé Gordion, âme noire et conscience de pierre ; il bannissait la justice et torturait les hommes, vivant dans le mal comme un hibou dans le creux d’un arbre. Plus que tous, Gordion détestait le vieux Miron, l’ermite, paisible défenseur de la justice, qui, sans crainte, faisait le bien ; le gouverneur appela son serviteur, le brave guerrier Ivan : “Ivan, va tuer le vieillard, l’orgueilleux vieillard Miron. Va lui couper la tête ; prends-la par sa barbe grise et apporte-la-moi, je la jetterai aux chiens.” Ivan obéit et s’en fut. Il marchait et pensait avec amertume : “Je n’y vais pas de mon plein gré, je ne puis faire autrement. Tel est le destin que Dieu m’a réservé.” Ivan cacha son glaive tranchant sous son manteau. Il arriva et salua l’ermite : “Es-tu toujours en bonne santé, honnête vieillard ? Le Seigneur t’accorde-t-il toujours ses grâces ?” Le moine clairvoyant sourit et, plein de sagesse, répondit : “A quoi bon mentir, Ivan ? Le Seigneur connaît toutes choses, le bien et le mal sont dans sa main. Je sais pourquoi tu es venu.” Ivan eut honte en entendant l’ermite, mais il avait peur de désobéir. Alors, tirant le glaive de son fourreau de cuir, il essuya la lame au pan de son manteau : “Je voulais te tuer, Miron, sans que tu voies mon glaive, mais maintenant, prie le Seigneur, prie-le pour la dernière fois, pour toi-même, et pour moi, et pour tous les hommes ; après quoi, je te trancherai la tête.” Le vieux Miron s’agenouilla, s’agenouilla doucement sous un jeune chêne, et l’arbre s’inclina devant lui. Le vieillard dit en souriant : “Prends garde, Ivan, ton attente sera longue. Elle dure longtemps, la prière pour tout le genre humain. Tu ferais mieux de me tuer tout de suite pour ne pas trop te morfondre.” Alors, Ivan fronça le sourcil et, sottement, il se vanta : “Ce qui est dit est dit. Prie donc, j’attendrai un siècle s’il le faut.” L’ermite pria jusqu’au soir, et du soir jusqu’à l’aube il pria, et de l’aube jusqu’à la nuit... De l’été jusqu’au printemps suivant, il pria sans relâche. Et les années passaient, Miron priait toujours. Le jeune chêne avait grandi jusqu’aux nuages, une épaisse forêt était née de ses glands, mais la sainte prière n’était pas achevée. Et aujourd’hui encore ils sont là tous les deux : le vieillard, doucement, se plaint à Dieu de nos misères ; il demande au Seigneur de secourir les hommes, et à la très sainte Vierge de leur donner la joie. Le guerrier Ivan est debout près de lui ; depuis longtemps son glaive est tombé en poussière ; son armure de fer est rongée par la rouille, ses beaux vêtements ne sont que pourriture. Hiver comme été, Ivan reste là, nu. La chaleur le brûle sans le consumer. La vermine ronge sa chair encore vivante, les loups et les ours ne le dévorent pas. Les tempêtes de neige et les gelées l’épargnent. Lui n’a pas la force de quitter cet endroit, ni de lever le bras, ni de dire un mot. C’est là son châtiment. Il ne devait pas obéir à l’ordre scélérat, ni se mettre à l’abri de la conscience d’autrui. Et la prière du moine pour nous autres, pécheurs, à cette heure-ci encore coule vers le Seigneur ; comme la claire rivière coule vers l’océan. »
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Camarade, Il m’arrive de craindre une vraie fatalité de l’histoire sur les destins individuels : suffit-il d’une option intellectuelle (même doublée de militantisme) pour que son propre destin soit changé ? – ou : suffit-il d’être communiste pour être dans le camp des révolutionnaire ? […] Je sens bien que, à l’envers, je risque de reconnaître l’héritage honteux des années noires du colonialisme : je suis tant tenté de reconnaître la supériorité de la race noire sur la race blanche ! Alors, je me contiens, j’affirme ma lucidité, je ne sanctionne pas par une opinion mes impressions esthétiques, je refoule toutes ces choses le plus bas possible, je les emballe hermétiquement et mets les pieds dessus en disant : « Tout cela, c’est des histoires de cul ». Mais je demeure rêveur : tant de choses sont des histoires de cul. Je crains d’avoir emballé la politique dans le même paquet, et me voilà obligé de tout redéfaire pour y voir clair. […] Pourquoi moi, dois-je, aujourd’hui, payer le prix d’un siècle d’histoire imbécile ? À qui réclamer ma réhabilitation ? Quel témoignage produire ? […] Là, dans l’ombre, comme barrant l’entrée, – ses genoux sont repliés sur son ventre, un bras soutient sa tête, tandis que l’autre, de minute en minute, chasse mollement quelques moustiques – dort la future révolution. […] Chaque camp semble dessiné aussi précisément que sur un plan, dans la lutte des classes, et l’on ne traverse pas un chantier sans la profonde impression de l’imminence de la révolution, violente, sans doute, sous les ciels rouges des puits de pétrole. […] L’oppression permet de croire en la capacité infinie de la révolte de l’homme ; à mesure que la liberté lui est donnée se prouve sa totale impuissance : ce langage révolutionnaire est à la base, semble-t-il, de toute conversation politique ici. […] On m’abreuva d’informations : qu’il me suffisait d’une semaine ici pour devenir raciste […] Le même jour, un Africain était mort sur le chantier, écrasé par le carterpillar. On m’en mit plein la vue pour me montrer à quel point le fait était banal, presque quotidien, risible, sain, et prouvait à quel degré cette petite société, réunie autour d’un verre, parlant si gaiement entre Blancs, était faite d’hommes, durs, expérimentés, souverains, des vrais, quoi.
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Ce pays donne l’envie de devenir muet et sourd. J’ai encore dans les yeux la longue route silencieuse de nuit à travers la Pologne, où les phares de la voiture éclairaient par à-coups la forme d’un cheval sur la route, ou un visage qui se retournait, ou des colonnes de dos tournés qui marchaient comme pour un exode.
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Il sera toujours temps plus tard de brader ma marchandise ici ou là, et tant pis si elle est invendable. Je ferai du théâtre dans la rue, avec des gens de passage, des clodos peut-être, sans public ; et si les clodos ne veulent pas, j’en ferai avec des poupées ou des marionnettes !
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J’ai toujours l’impression, face à un personnage tracé psychologiquement, de me trouver devant la Xe variation de la même chose, fruit d’un travail acharné sur ce qu’il y a de plus petit, de plus mesquin de moins original en soi. Demander à des comédiens l’étude profonde de ce qu’ils ont de moins intéressant en eux me paraît aberrant. Ne parlons pas des personnages considérés à la manière de Brecht : si les personnages psychologiques sont petits, ceux-ci sont inexistants.
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Je vois avec regret partir chaque jour les derniers restes de ma juvénilité ( ! ) et de mon pucelage, et cela me laisse un goût un peu amer. Je me sens m’asseoir, m’affirmer, vieillir en un mot. Mais enfin, je n’ai que vingt et un ans, et je me console provisoirement en pensant que j’ai encore un peu de temps pour vivre jeune, mourir jeune, et être un beau cadavre ! Ce qui est terriblement vicieux de la part de la Nature, c’est que le sentiment de la vieillesse approchante nous fait avoir des élans furieux de désir de vivre et de jouissance, et qu’en contrepartie, chacun de ces élans nous jette une ride de plus sur le front, un pli plus désabusé sur les lèvres, une intonation plus grave dans la voix, ou, plus invisiblement mais plus efficacement, une désillusion de plus dans l’esprit. Je redoute déjà le jour où tous ces sillons creusés dans la chair et dans le cerveau éclateront, et, en une nuit, désagrégeront toute cette carapace de fausse jeunesse et me feront pourrir sur pied, plus effectivement que la vérole ou la peste, avec cette odeur écœurante de putréfaction difficilement cachée que l’on dégage dès vingt-cinq ans.
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