L'endroit se trouvait près de la zone commerciale de Vendenheim. J'ai laissé ma voiture près de la rue des Artisans et fait le reste à pieds jusqu'à l'adresse que m'avait donnée Angelo. L'abattoir n'était pas difficile à trouver - il suffisait de suivre une odeur de sang douceâtre et écoeurante.
Un mur gris entourait un grand espace dans lequel étaient disséminées plusieurs bâtisses. La plus important était à l'évidence l'abattoir proprement dit, puisque plusieurs canassons faméliques attendaient devant l'entrée qu'on veuille bien les trucider. Je me trouvais devant un portail, seule ouverture dans ce mur sinistre qui évoquait irrésistiblement l'enceinte d'une prison. Le gardien se trouvait dans une guérite chauffée. En m'approchant, j'ai vu qu'il était en train de tricoter. Je lui ai demandé où je pouvais trouver Balthazar Brugnon.
- Sur votre gauche, tout droit, jusqu'au bâtiment marqué "Bureaux"
Pendant qu'il parlait, j'étais fasciné par sa dentition chevaline qui déformait son visage et gênait son élocution.
- Est-ce-que c'est à cause d'une trop forte consommation de viande chevaline ou êtes vous réellement un cheval? Ai-je demandé.
Il me regardait tristement avec ses yeux de vieille rosse et secoua la tête d'un air résigné. Sans doute était-il obligé d'entendre ce genre de plaisanteries à longueur de journée. Je hennis pour prendre congé et allai dans la direction qu'il m'avait indiquée. Sur mon chemin, je suis passé devant une boucherie chevaline, ce qui montrait que Brugnon vendait aussi au détail le production de son abattoir. (p58)