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Critiques de Bernard Piettre (21)
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Gorgias

Le maniement du discours est-il un art ou un savoir-faire ? La rhétorique, nom que l'on donne volontiers à l'expertise dans le maniement du discours, est-elle bonne ou seulement séduisante ?



Un dialogue, comme souvent, très intéressant à un certain degré de lecture, mais assez ambigu tellement il est univoque. Très vite, on voit où le couple Platon-Socrate veut en venir : la rhétorique, l'art de convaincre en public, s'appuie sur la persuasion et la séduction, procède par savoir-faire et non par art véritable. Son action est perfide en ce sens qu'elle rend aux yeux du public le spécialiste d'un domaine donné moins convainquant que le profane bon rhéteur.



Dans le fonctionnement courant de la cité, les principaux rhéteurs sont les politiciens ou les avocats, dont il apparaît très vite que leur intérêt n'est pas le bien commun. Soit. Mais que penser d'une dialectique aussi pauvre et univoque entre un Socrate survitaminé et un Gorgias si timoré voire inexistant ?



Ce sont Polos et Calliclès qui se coltinent à Socrate et non pas Gorgias lui-même. Or, c'est Gorgias l'expert en rhétorique. Peut-on imaginer un expert en rhétorique qui ne dit rien et qui se laisse embarquer dans des sentiers retors sans jamais esquiver le coup ? Polos et Calliclès, élèves et partisans de Gorgias brillent par leur mal-habileté et se laissent mener dans les trous de souris de Socrate sans jamais exploiter aucune de ses faiblesses (pourtant nombreuses).



Que dire des rapprochements logiques de Socrate ? Il faut parfois vraiment faire le grand écart pour relier telle et telle idée qu'il présente comme coulant de source. Eh bien mon cher Platon, comme rhéteur, j'ai connu meilleur que vous, moi qui suis pourtant, a priori, de votre côté, je ne peux pas avouer que vous m'ayez particulièrement convaincue.



Comme toujours (en ce qui me concerne), l'intérêt du dialogue ne vient pas de la luminescence propre de son fil mais bien des questionnements et des argumentations qu'il nous oblige à fourbir en nos têtes pour être au clair avec nous-même. C'est donc hyper intéressant, mais à un autre degré que la lecture seule.



Finalement pas si mal joué monsieur Platon car c'est l'essence même de la philosophie et avec votre façon de prêcher le faux ou le dérangeant, vous concourez à faire émerger le vrai, du moins un peu de vrai, but ultime de votre quête. Lecture parfois fastidieuse, donc, mais essentielle, non pas pour ce qu'elle est mais pour ce qu'elle fait naître en nous, pour ses vertus thérapeutiques inhérentes ; ceci n'étant, bien sûr, que mon avis de rhéteuse de millième zone, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Gorgias

Socrate, ce vieux fou .... : )

Dans Gorgias, Socrate affronte verbalement trois Athéniens cultivés. Il vient facilement à bout de Gorgias, sophiste. Celui-ci se gausse de rhétorique, vantant les mérites de cet art, affirmant qu'il obtient raison sur tout. Socrate, grâce à sa fameuse maïeutique, lui démontre que la rhétorique est surtout l'art de flatter. Avec ce jeune fou de Polos, il démontre que commettre l'injustice est plus mauvais que de la subir. Socrate a plus de mal avec Calliclès, car celui-ci qui prône la puissance, la jouissance, les passions et le plaisir, est de mauvaise foi, et il admet parfois par lassitude en se foutant de la G... de Socrate et en le traitant d'enfant [ Il me fait penser à Victor Brunet dans la série DNA ]...Mais Socrate, emporté par sa démonstration, ne lâche pas le bout de gras.... : )

.

J'adore ce vieux fou. Pourquoi ? Je ne sais pas... J'ai l'impression que c'est un ami, que je l'ai toujours connu.

Parce qu'il se fout du qu'en dira t-on ;

Parce qu'il a un langage simple ;

Parce qu'il va au bout de ses idées, qu'il a des C.... ;

Parce que je pense comme lui sur un tas de choses ;

Parce qu'il sait que la cité d'Athènes ne lui fera pas de cadeaux, lui, l'empêcheur de tourner en rond ;

Parce que comme Zola et d'autres, il accuse crûment le gouvernement d'injustices et de faits graves ;

Parce que, comme Jehanne, il ne cédera pas au chantage, le jour de son procès, il le sait déjà quand il discute avec les trois personnes de "Gorgias" ;

Parce qu'il croit au Jugement Dernier, fait par Rhadamante, aux limbes et aux Iles des Bienheureux ;

Parce que.....

.

Le livre "Gorgias" explique pourquoi, dans "Apologie de Socrate", celui-ci se fout de la mort et plaint ses juges.

Enfin, il ne faut pas oublier Platon, dont l'oeuvre est gigantesque, et parmi laquelle il y a trente cinq dialogues comme celui-ci : )

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Gorgias

L’époque à laquelle vécurent Socrate et Platon n’est peut-être pas si différente que ça de la nôtre. Déjà, Socrate se plaignait de la dégradation des mœurs, « tant est grande l’absence d’éducation et de culture où nous en sommes venus ! » Déjà, Socrate souffrait de l’incompréhension de ses pairs. Déjà, la politique se révélait dans ses formes les plus médiocres, asservie à la volonté de puissance des hommes les plus forts, vendue comme pitance de réconfort au peuple qu’il s’agissait de flatter. Cet aspect est encore parfaitement compréhensible pour le lecteur moderne qui comprendra la virulence avec laquelle Socrate combat la rhétorique considérée comme une partie de la flatterie –et si la flatterie fait parfois plaisir, elle n’est pas forcément bonne.





La partie de l’argumentation la plus difficile à saisir pour nos conceptions modernes sera peut-être celle qui consiste à faire comprendre que la flatterie, si elle fait parfois plaisir, n’est pas bonne en soi. Socrate part du principe que le seul bien est la justice, et que ce seul bien est aussi le bon et l’utile. Puisque la flatterie est agréable, ne peut-on pas dire qu’elle est également bonne ? Non, car l’agréable peut naître du mal, alors que le bon ne peut jamais naître du mal. Donc, le bon et l’agréable seraient incompatibles. L’articulation logique semble très claire mais le lecteur moderne doit faire un effort de contextualisation pour comprendre le sens de telles valeurs dans la société grecque antique. Celles-ci n’ont pas une portée immanente qui réduirait leur signification à la sphère des affaires humaines : elles ont aussi une portée transcendante, ainsi qu’elles le sous-entendent lorsque Socrate affirme qu’il est meilleur d’être puni injustement que de punir injustement :





« SOCRATE : L’homme qui se trouve puni subit donc quelque chose de bon.

POLOS : Il semble bien.

SOCRATE : La punition est donc quelque chose qui lui est utile. »





Visiblement, il n’est pas utile à un individu d’être puni pour mieux vivre parmi ses semblables, puisque des hommes déraisonnables peuvent être portés à la gloire et puisqu’il est possible de se disculper lors de procès (et c’est ici que la rhétorique se montre particulièrement venimeuse, lorsqu’elle prétend pouvoir rendre la justice). En revanche, c’est en raison de sa relation avec le divin qu’il lui est bon d’être puni :





« SOCRATE : […] Car personne n’a peur de la mort, si on la prend pour ce qu’elle est, ou alors il faut être incapable de faire le moindre raisonnement et ne pas être vraiment un homme –non, ce qui fait peur, c’est l’idée de n’avoir pas été juste. En effet, si l’âme arrive aux portes de l’Hadès, toute remplie d’injustices, elle se trouvera dans la pire des conditions et souffrira les maux les plus douloureux. »





Socrate critique donc un mauvais emploi de la rhétorique comme outil de flatterie sans aucun rapport avec la justice. Face au constat déplorable qu’il dresse de la situation politique, il lui propose une réforme philosophique. La philosophie est ici conçue non seulement comme discipline mais comme art de vie et fondement des valeurs morales. A terme, elle conduit sur une manière d’être et de penser dont les effets s’étendent au quotidien des hommes comme à l’éternel des dieux.





Si on ne cherche pas à résoudre l’aporie suivante : quelle est la connaissance apte à fonder l’action morale ? il faut reconnaître que l’argumentation du Gorgias est exigeante mais brillante. La pureté reposante du langage prend la forme d’une proposition politique qui calmerait à elle seule déjà bien des maux.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Gorgias

Après avoir réglé le sort de Protagoras -voir ma crtique d'hier-, Socrate -ou plutôt Platon- s'attaque à Gorgias, réputé être le roi de la rhétorique de l'époque. Suivant sa méthode bien rôdée, Socrate questionne et fait accoucher -par la maïeutique- son interlocuteur.



Mais la charge est plus sévère, presque violente. Devant l'incapacité de Gorgias à définir l'essence de son art, Socrate finit par assimiler la rhétorique à un art du mensonge, où on l'emporte par la persuasion, et non par la conviction profonde ou la raison. Sa démonstration s'achève en apothéose mythologique, reprenant le thème platonicien du souverain bien, dont la rhétorique, avide de gloire et de domination des autres, constitue l'antithèse absolue.



Ce dialogue n'est pas, pour moi, le plus passionnant des textes de Platon. Il demeure cependant un bon repère pour démasquer les démagogues de tous bords, et les techniques de manipulation par le discours. Bref, un Petit Traité de Manipulation à l'Usage des Honnêtes Gens avant l'heure...
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Gorgias

Il était une fois, dans une librairie de petite ville thermale, une pile de Gorgias en pleine dépression entre des piles de périodique de Closer et d’Entrevue. N’écoutant que mon cœur, je tendis ma main sur un exemplaire qui m’accompagne depuis quelque temps déjà. Depuis ce petit livre a parcouru bien du chemin avec moi, saupoudré de la poussière de quelques chemins de traverse.

Ce livre est également sous-titré « de la rhétorique ». C’est un dialogue entre Socrate et différents interlocuteurs successifs dont Gorgias, sophiste qui enseigne l’art de la rhétorique qui est l’art de bien parler et de convaincre. Socrate considère la rhétorique au mieux comme une simple technique du mensonge.

Je me suis particulièrement amusé à lire ce dialogue. En effet, Socrate est perçu comme un cuistre qui nous rabat les oreilles avec sa philosophie. Ses interlocuteurs, sûrs de leur force et de leur supériorité, lui concèdent des réponses avec morgue et condescendance. Socrate, fine mouche, emberlificote son propos de telle manière à ce que son interlocuteur s’accroche au seul fil qu’il trouve pour ne pas se noyer et réponde de plus en plus brièvement pour finalement susurrer un misérable oui ou apporter un triste non.

Tout à son art de la maïeutique, Socrate prouve magistralement son propos par les réponses de plus en plus embarrassées de son contradicteur. Quel bel ouvrage ! Presque aussi beau qu’un mécanisme horloger. Mais tout aussi froid … Et si le cœur n’y est pas, ma conviction s’effiloche …

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Gorgias

Socrate est un séducteur à qui il est bien difficile de ne pas succomber. Est-ce précisément parce que Platon fait précisément ce que Socrate dénonce, de la rhétorique, c'est-à-dire de la flatterie ? Certes, Socrate ne flatte pas ses auditeurs, ils leur rentre dans le cadre, il les déstabilise en leur posant des questions dont les réponses sont des évidences mais dont ils ne voient pas les conséquences, que Socrate exhibe devant leurs yeux ébaubis, il reprend leurs discours en les ridiculisant, etc., etc.



Bref, ce que fait Socrate, c'est se mettre dans la poche le lecteur. Le Gorgias, tout en dénonçant la rhétorique, est lui-même un texte bassement rhétorique. Bassement ? Si l'on adhère aux thèses de Socrate (et de Platon, bien sûr, bien plus), oui, car le lecteur, le Délos, éprouve, en voyant Socrate foutre la pâtée à Calliclès, à Polos et à Gorgias, un plaisir certain, sans pour autant éprouver, me semble-t-il une élévation de l'âme, à moins, mais dans ce cas-là il faut réfuter l'opposition plaisir-bien élaborée sur des a priori contestables par Socrate, comme le fera Aristote, que le plaisir soit justement une élévation de l'âme. C'est cette question du plaisir qui me semble être la faiblesse de la pensée par ailleurs séduisante de Socrate et Platon. Qu'entendent-ils par plaisir ? C'est bien flou. Que retenir, alors, quelles idées méritent notre acquiescement ? La distinction entre la rhétorique, qui est un savoir-faire, au même titre que la cuisine, et ce que je vais appeler, en m'éloignant un peu du texte de Platon, le discours juste.



La rhétorique produit la conviction, plaisir de l'âme (le même que quand on rigole de la déformation par Socrate des propos de Calliclès), comme la cuisine produit le plaisir du corps. Le discours juste, la rhétorique dans son idéal, produit l'amélioration de l'âme malade, comme la médecine provoque l'amélioration du corps malade. Si l'on transpose ceci sur le plan politique, on se trouve nez à nez avec Sarkozy (et consort). Que cherchent à faire les politiciens en campagne ? à flatter l'opinion en promettant monts et merveilles ou à élaborer un discours qui dit, même si c'est contraire à l'opinion publique, la vérité ? Mais voilà le second problème. C'est quoi la vérité, en politique ? La vérité, est-ce vraiment une affaire politique ? Paradoxalement, Socrate fait de la politique une éthique tout en refusant tout engagement politique pour lui-même. Le politicien doit améliorer les citoyens, comme le juge doit améliorer, par les sanctions justes qu'il inflige, ceux qui ont commis une mauvais action, mais force est de constater qu'un politicien qui améliore les habitants de sa cité, ça n'existe pas, que ce sont seuls les philosophes, qui, loin des plaisirs du pouvoir, peuvent rendre meilleurs leur propre âme et, par la dialectique, c'est-à-dire par un dialogue permettant à l'autre de comprendre que sa façon de voir les choses contrevient à la raison, l'âme de ses amis. Le philosophe, sans se mêler en aucune façon de politique, est finalement le seul à vraiment faire de la politique. Voilà qui pose question à nos démocraties basées sur l'opinion publique, c'est-à-dire sur un socle majoritaire d'idées toutes faites qu'aucun Socrate ne vient interroger.



Le caractère subversif, dangereux pour la cité, de la méthode de Socrate, même si on peut et on doit critiquer ses a priori et sa logique, demeure sans doute encore aujourd'hui le meilleur moyen de faire évoluer ce qui doit évoluer pour qu'un peu plus de bien inonde un monde qui se complaît dans le confort des stéréotypes.

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Gorgias

Qu'est-ce que la rhétorique? Oui, le dialogue va tourner autours de cette question, mais pas seulement. J'ai littéralement adoré. Les réflexions sont vives, le texte est entraînant, et on est réellement prit dans l'histoire. On s’imagine être à la place de Calliclès et débattre ou être à la place de Socrate. Nous parlons également ici, du beau et du laid, du juste et de l'injuste, de l'injustice, du pouvoir sous plusieurs formes et également de l'âme. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le choix des sujets est très varié.



Pour ce qui est de l'injustice, je n'étais pas d'accord avec Socrate. En effet, celui-ci est persuadé que commettre l'injustice est pire que de la subir. C'est évidemment un point de vue, mais que je trouve assez réducteur et qui aurait dût être plus approfondit. De plus, comme c'était de l'oral à la base que Platon aurait retranscrit par écrit, le dialogue comporte le défaut d'être répétitif. En effet, lors des récapitulations que faisaient Socrate il répétait plusieurs fois ce qui avait déjà été dit précédemment, et cela était gênant pour suivre le raisonnement. C'était comme si on avait été arrêtait en plein milieux pour le reprendre après cette récapitulation.



En conclusion, c'est un dialogue de Platon qui n'est pas parfait, mais qui est entraînant avec du suspens, très bien écrit et qui pourrait se lire en une après-midi. Malgré ses défauts il est absolument incroyable. A lire de toute urgence pour passer un bon moment!
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Gorgias

Je viens de réaliser à quel point le Gorgias de Platon éclaire notre actualité! Gorgias se vante d’apprendre l’art de persuader afin que son élève puisse se prétendre plus convaincant en médecine que le médecin lui même…



N’est ce pas un drame qui se répète encore aujourd’hui ainsi qu’en tous temps de crise? Les disciples de Gorgias prolifèrent et c’est une véritable cacophonie…



Ce texte est stupéfiant tant il est d’actualité. Et Socrate, l’homme qui prétend ne rien savoir, si ce n’est poser les questions qui dégonflent l’ego, si ce n’est pour montrer qu’il ne sert à rien de clamer haut et fort sa vérité, mais qu’il faut au contraire poser les bonnes questions. Socrate est plus indispensable que jamais, et ce texte de Platon est vital.
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Peut-on être à la fois lucide et heureux ?

Une thèse, antithèse, synthèse du bonheur. Cet auteur nous rappelle, par l'histoire de la philosophie, que le bonheur est dans chaque instant. Qu'est-ce que la lucidité? Qu'est-ce que le bonheur? Un équilibre! Il ne nous impose rien, il suggère. Un livre et un auteur ouvert qui nous laisse une grande liberté d'action.
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Gorgias

Sincèrement, si le professeur de Philosophie nous avait pas obligé à le lire, je ne l'aurait jamais fait. Le résumé, la couverture ne donnent pas envie de le lire ainsi que le sujet. J'ai pris mon mal en patience et je l'ai lu en entier. Certains passages sont facilement compréhensibles et d'autres le sont moins. Néanmoins, de manière générale, je suis quand même arrivée à comprendre le sens global du dialogue entre Socrate, Gorgias, Polos et Calliclès. De plus, certains passages sont, à mon avis, peu digne d'intérêt. Généralement, les interlocuteurs de Socrate se contentent dès fois juste d'opiner ou de ne pas être d'accord.
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Gorgias

Ce dialogue de Socrate avec ses différents contradicteurs retranscrit par Platon n'est pas mon préféré.



Pour plusieurs raisons.

Tout d'abord ses contradicteurs sont de faibles orateurs.

Ensuite il utilise la rhétorique, la sophistique et autres manipulations oratoires pour arriver à son but.



But qui consiste à dénier aux rhéteurs, sophistes et orateurs toute valeur de justice, de bien et de bon.



Ce débat boucle et montre Socrate manipulateur par ses questions détournées, ses comparaisons choisies ("comparaison n'est pas raison" disaient nos lumières) accumulant les oui, pour mieux asséner les questions biaisées, aboutissant aux oui par conditionnement mental.



Très bon manuel pour permettre aux commerciaux (et aux politiques) d'obtenir un assentiment non consenti d'une personne ou d'une foule.



Bien sûr Socrate parle, in fine, de l'île des bienheureux et du désert des tartares (la vie après la vie, le paradis, le purgatoire ou l'enfer pour caricaturer).

Mais son discours est bâti sur des astuces oratoires qui sont aujourd'hui bien connues (et loin d'être justes !).



J'ai enfin réussi à relever le défi de ma petite cousine, en 1ère, qui consiste à lire/relire les titres de sa liste pour le bac ;-)



Mais soyons clairs, ce défi m'a procuré du plaisir et de la joie.

Livresquement votre
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Gorgias

Les deux précédentes critiques expliquent bien ce livre que j'ai beaucoup aimé, et lu au lycée comme beaucoup d'entre nous. Je ne vais donc pas répéter à nouveau tout ce qui a été dit et vous conseille de les lire.

De mon côté, ce livre m'a vraiment marqué dans le sens où on peut replacer l'art de la rhétorique partout, dans tous les contextes. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallélisme avec la situation politique de l'époque (1996 en ce qui me concerne). Mais encore aujourd'hui, combien de personnes votent pour une personnalité politique qui parvient à les convaincre non pas par ses actions mais par son sens de persuasion, par son vocabulaire ?



Sortons de la politique. Lors d'un entretien, que demande-t-on aux postulants ? Et bien de convaincre le recruteur. Celui qui saura parfaitement se vendre, à convaincre qu'il est le meilleur aura le poste tandis que le timide sera écarté.



Je pense que cet art de la persuasion comme je l'appelle est partout ; dans la séduction, dans le travail, en politique, et souvent dans une salle de tribunal.. à nous de ne pas nous laisser aveugler par du charisme, du vocabulaire, de chasser le superflu pour ne garder que l'essentiel.



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Gorgias

Sa replonger dd temps en temps en Grece antique ne fait pas de mal.Ici nous retrouvons le systeme de dialogue cher a l'auteur entre Socrate et Gorgozs et tous les sujets philosophiques sont abordes dans cette oeuvre.Une oeuvre plus facile a aborder que "la république ",plus longue et abstraite,et de vrais bons passages même si le style a forcément beaucoup vieilli.
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Gorgias

Rapport à la Pléonexie moderne = « désir d'avoir plus que les autres en toute chose », le jouisseur sans scrupule dessine un monde où le désir des riches et des puissants paraît sans limite, toute-puissance, violence, et psychiatrie sont les nouveaux principes moteur dans l’élimination de toute concurrence économique – Voir American Psycho de Breat Easton Ellis - il n’y a pas de Démocratie dans le Conseil d’Administration d’un Fonds d’Investissement !

Voir morale du ressentiment de Callicles, personnage du Gorgias de Platon, reprise par Nietzsche dans Généalogie de la Morale, elle peut se définir ainsi : « pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, les faibles racontent que toute supériorité est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres, sans les valoir ».



Selon Dany-Robert Dufour, la vraie justice, c’est la loi de la nature, opposée à la loi. « Ce sont là deux termes, la nature et la loi, qui sont en contradiction l’un avec l’autre. Car c’est par nature que ce qui est plus laid est aussi justement ce qui est plus mauvais : le fait de subir l’injustice ; tandis que c’est en vertu de la loi qu’il est plus mauvais de la commettre ». Pour Calliclès, la loi disqualifie l’injustice. Mais selon la nature, ce qui est mauvais, c’est de subir l’injustice. Faite par les faibles, la loi vise à brider l’énergie des forts. « Ceux qui établissent les lois sont les hommes faibles et le grand nombre ».



Il faut restituer à la nature la source de toute valeur : naturellement, c’est le fort qui l’emporte, et c’est très bien ainsi. Le fort, par conséquent, a le droit de faire valoir son droit. Calliclès veut justifier le fort en invoquant la nature qui est, comme telle, créatrice de droit. La véritable justice, c’est celle que détermine la loi naturelle. « D’elle-même, la nature révèle, je pense, que ce qui est juste, c’est que celui qui vaut plus ait le dessus sur celui qui vaut moins, et celui qui a une capacité supérieure, sur celui qui a une capacité moindre. Qu’il en est ainsi, c’est d’ailleurs ce qu’elle montre en maints domaines : dans le reste du règne animal comme dans les cités des hommes et dans les familles, où l’on voit que le signe distinctif du juste, c’est que le supérieur commande à l’inférieur et ait plus que lui ». Calliclès est naturaliste : il y a pour lui une norme indiscutable du juste, celle que fournit la supériorité incontestable des forts sur les faibles. À l’appui de cette thèse, Calliclès se prévaut du fait : y a-t-il seulement, dans la nature telle qu’elle se donne à voir chez les bêtes, une autre loi que celle du plus fort ? La violence qui règne chez les animaux montre que la loi du plus fort est un fait de nature. Mais il demande aussi : de « quelle justice » les rois perses se réclamaient-ils pour envahir les pays voisins ? « En vertu de quelle sorte de justice, dis-moi, Xerxès a-t-il fait une expédition contre la Grèce, ou son père contre les Scythes ? Ainsi, la loi du plus fort n’est pas seulement une loi de la nature, c’est aussi une constante de l’histoire. Entre le règne animal et la vie des peuples, il n’y a en réalité aucune différence. Monde naturel et monde historique obéissent à une loi homogène : la suprématie des forts sur les faibles. L’institution de l’égalité par décision humaine contrevient donc, simultanément, à la loi de la nature et à la logique de l’histoire. Calliclès ne dit pas seulement que l’égalitarisme démocratique est contre-nature, mais qu’il déroge à un habitus enraciné dans les pratiques humaines.



L’ultime ressource de Calliclès : aller jusqu’au bout du désir. La vérité du désir, c’est la mort – le seul maître de l’homme. Le dernier argument de Calliclès repose sur la distinction entre le plus fort et le meilleur. Car les meilleurs ne sont pas les plus forts, mais les plus intelligents, les plus capables, ceux dont la valeur individuelle est supérieure. Le fait qu’ils soient soumis à la domination de la foule ne démontre nullement leur infériorité, mais seulement la puissance du nombre. Cet argument est retors, car il oppose valeur contre-valeur. Il affirme la valeur d’une existence vouée à l’accomplissement de soi, contre la terne domination des médiocres associés. La supériorité des meilleurs n’est pas mesurable, car elle est qualitative. Son invalidation par les faits n’en signifie pas l’inanité : elle est plutôt l’indice d’une supériorité d’un autre ordre.



Cette supériorité est celle d’un genre de vie, d’une façon d’être. « Oui, en effet, pour ceux qui ont eu dès le principe l’avantage, ou d’être fils de rois, ou d’avoir été capables, par les ressources de leur propre naturel, de se procurer une autorité quelconque, soit tyrannie, soit souveraineté, pour ces hommes qu’y aurait-il véritablement de plus laid et de plus mal qu’une sage modération ? Eux, à qui il est loisible, sans aucune entrave, de jouir de tout ce qui est bon, ils iraient se donner à eux-mêmes pour maître ce qui est décrété, formulé, condamné par la multitude ? » Car la nature enseigne que le bonheur réside dans la puissance et le malheur dans la soumission. Ni soumission aux autres, ce « ramassis d’esclaves et de moins-que-rien », ni soumission de ses désirs à une prétendue rationalité. Obéir aux lois fixées par le grand nombre, c’est accepter sa propre servitude. Mais obéir à la loi morale déterminée par l’opinion majoritaire trahit le même esprit d’abandon. La soumission du désir à la loi intériorisée de la conscience ne vaut pas mieux que l’obéissance à la loi de la cité démocratique. « Mais ce qui selon la nature est beau et juste, c’est ce que j’ai la franchise de te dire à présent : que celui qui veut vivre droitement sa vie, doit d’une part, laisser les passions qui sont les siennes être les plus grandes possibles, et ne point les mutiler ; donner à chaque désir qui pourra lui venir la plénitude des satisfactions. Car ce qui est juste, c’est de porter ses passions à leur degré maximum, de les assouvir totalement, en mettant son intelligence à leur service ».



Ainsi, Calliclès ne se contente pas d’identifier plaisir et bonheur. Il fait de la jouissance l’opérateur de la vie, ce sans quoi elle ne vaut pas la peine d’être vécue. Ce qu’il oppose à la loi instituée sous toutes ses formes, c’est la loi naturelle du désir sans limite. Callicles affirme qu’une vie sans désir ne vaut pas mieux que l’immobilité de la pierre ou du cadavre. Socrate répond que l’assujettissement aux plaisirs corporels transforme l’homme en pluvier, cet oiseau qui mange et fiente en même temps. La loi du désir condamne l’âme humaine à sa perte en la pliant à l’indétermination de la matière, dont le flux incessant la déréalise. Elle la soumet à la tyrannie de la bête polycéphale qui sommeille en nous, et dont plus rien ne bride l’appétit vorace. Quand le sujet désirant se considère comme source absolue de valeur, ne sent-il pas que sa victoire n’est que défaite, qu’il ne peut plus agir et désirer que pour rien ? Que son âme est comme une passoire traversée par le jet continu du désir, comme une écumoire percée de trous en laquelle tout passe et tout s’écoule ?



Car pour Socrate, c’est la qualité de l’objet qui fournit seule la mesure rationnelle du plaisir. Tandis que pour Calliclès, c’est l’effet de jouissance qui signale immédiatement la présence du bien. Pour Socrate, il n’y a d’accomplissement personnel que dans la quête du vrai, car l’être est vérité. Pour Calliclès, le plaisir n’est pas seulement indispensable à la vie heureuse, il est le ressort même de l’agir : car l’être est jouissance. Chez Calliclès, la soumission de la raison au désir subvertit la disposition idéale des fonctions de l’âme, elle en rompt irrémédiablement l’harmonie intérieure. Car l’âme juste, pour Socrate, est celle en laquelle la raison dompte le désir. Tandis que pour Calliclès, la loi du désir est la seule loi juste : au fond, seul le désir est juste. À l’image du châtiment des Danaïdes, Socrate montre que laisser libre cours à ses désirs, c'est se condamner à une éternelle frustration, ce à quoi Calliclès répond : "Quand le tonneau est rempli, on n'a ni joies ni peines, mais ce qui fait l'agrément d'une vie, c'est d'y verser le plus possible".

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Gorgias

en vrai c'est sympa
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Gorgias

J'ai beaucoup aimé le 'Gorgias' !



Contrairement aux autres dialogues socratique que j'ai pu lire, dans celui-ci Socrate rencontre adversaire à sa taille. Cela donne un ton mordant qui flirte avec violence verbale tant la confrontation d'idées est forte.

Spoiler: à un moment, le désaccord est tellement fort que Socrate en est réduit à dialoguer avec lui-même tellement il a exaspéré sont interlocuteur.



Les idées mis en avant dans ce livre sont:

- la rhétoriques est soit stérile soit nuisible.

- Un critique indirecte de la démocratie athénienne qui devrait plutôt être dirigée par des spécialistes que des séducteurs de foule.

- La place de la vertu dans la politique et la vie des particuliers.

- La justice et la punition sont des bonnes par nature car elles améliorent les hommes.



J'ai particulièrement aimé le personnage de Calliclès qui critique le fond (la morale) et la forme (méthode de questionnement) du discours de Socrate sans se démonter.

J'irai même jusqu’à dire que la vision du monde avançée par Calliclès ressemble a du proto-Nietzschéisme.

En gros, il affirme que certains hommes ont plus de valeur que d'autres et que la justice n'a été conçu que pour les brider/rabaisser au profit des médiocres et des jaloux. Calliclès est aussi partisan de profiter des plaisirs de la vie là ou Socrate prône une vie sobre et modérée.



En bref, c'est un texte de philo qui se lit bien, qui va crescendo et qui décoiffe.
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Gorgias

Art de bien parler ou art du mensonge, tel est le dialogue que Socrate et Gorgias s'opposent.



Rhétorique et dialogue; combats de valeurs et morale d'une politique de vie à suivre et réfléchir par ces pages à découvrir sans hésitations.
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Gorgias

La traduction de Monique Canto Sperber autant que l'introduction sont exceptionnellement claires et instructives
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Gorgias

Le sous-titre « ou sur la rhétorique, ou réfutatif » fait penser que le dialogue va avoir pour but de combattre contre la rhétorique sophistique de Gorgias. En fait, Gorgias n'est pas combattu en lui-même. Le sophiste s'efface une fois qu'il a posé ce qu'il appelle rhétorique et qu'il a reconnu le danger de la rhétorique – le mauvais usage qui peut en être fait. Socrate ne conteste ni l'essence de la rhétorique, ni son efficacité de persuasion. Ce qu'il conteste, c'est l'importance qu'on accorde à son usage. En usant de rhétorique, on lutte et on peut vaincre dans la discussion une personne qui aura la science et la raison de son côté. En s'impliquant ainsi dans la politique, on risque plutôt de commettre une injustice. Le vrai engagement politique consiste donc à détourner les hommes des croyances et à les diriger vers les sources de savoir. Platon justifie donc le bien-fondé de l'enseignement socratique – la recherche de la connaissance de soi, du monde et du bien par l'échange et la discussion – contre l'enseignement sophistique qui ne se soucie ni du juste ni de l'injuste. On pourrait y voir au passage un signe de la future expulsion des poètes de la République – les poètes et faiseurs d'histoire étant du côté de la croyance (cf. Todorov et sa dichotomie discours de la vérité (sciences) Vs. discours de croyance (littérature), dans Critique de la critique). Toutefois n'y a-t-il pas contradiction quand Socrate use pour convaincre ses interlocuteurs d'histoires et d'images – celle de l'homme qui remplit continuellement un tonneau percé en tentant de satisfaire ses désirs toujours renouvelés ; et le mythe du jugement des âmes après la mort pour montrer qu'il vaut mieux ne pas commettre d'injustice ? Il use ainsi de paraboles poétiques, donc d'une rhétorique. De même que c'est bien par la maîtrise du discours, des exemples, des parallèles, qu'il mène et domine ses réfutateurs – quand bien même on peut dire que c'est la simple avancée de la logique.

On remarque aussi que Platon répond surtout ici à des accusations formulées contre l'enseignement socratique. Platon met ainsi dans la bouche de Calliclès ces reproches sur l'incapacité de Socrate à se défendre (dans un hypothétique procès - procès qui va effectivement condamner Socrate) et sur l'apparente futilité à continuer à philosopher comme un jeune faisant ses classes, à discuter indéfiniment de tout, au lieu d'agir, de chercher à avoir une influence sur la vie politique là où les décisions sont prises. N'est-ce pas une perte pour la démocratie que de voir Socrate ne pas s'être investi dans le combat politique ? Selon ces reproches, la philosophie socratique mène également au malheur puisque le maître se retrouve victime de l'injustice, d'un jugement imbécile.A ces reproches légitimes, Platon veut montrer tout d'abord que le bonheur ne se trouve pas dans la fuite des malheurs et injustices pouvant éventuellement survenir. Si le malheur et l'injustice doivent arriver, comme la mort, ils arriveront de toute façon. Le bonheur se trouve davantage dans la satisfaction d'avoir fait le bien autour de soi, d'avoir rendu les hommes autour de soi meilleurs. Or la politique par le combat des rhétoriciens ne consiste pour Platon qu'à se conformer et plaire, à « flatter ». La rhétorique provoque donc des disputes stériles où celui qui gagne n'est pas celui qui a raison mais celui qui parle mieux.

La vraie politique n'est pas dans l'arène politique. Elle serait plutôt dans l'enseignement et dans l'apprentissage tout au long de la vie. Platon cherche donc à détourner les hommes de cette lutte futile. La vraie politique étant l'influence quotidienne qu'il exerce sur les hommes et femmes par le dialogue.

On pourra cependant rétorquer que si la rhétorique est qualifiée de flatterie inutile puisqu'elle ne traite pas du bien et du mal, elle est en réalité très importante et très utile, pas pour le combat politique, mais justement pour l'enseignement. Illustrer, bien parler, démonter les croyances et idées infondées et erronées qui se dissimulent dans les discours, se répètent et se présentent comme dogmes, c'est tout un art de manipulation de la parole, pas seulement une démonstration logique. Sinon, Platon ne mettrait pas dans la bouche de Socrate de belles métaphores qui ont pour but, non pas d'argumenter, mais bien d'illustrer, d'adoucir la violence de la démonstration sur les croyances de ses interlocuteurs. À l'instar de nombreux personnages d'interlocuteurs de Socrate, Polos et Calliclès sont écœurés de l'avancée logique : ils se font amers, vexés, ne participent plus à la discussion. C'est là où la rhétorique entre en scène, pour soutenir la science qui ne suffit pas.
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Gorgias

Ca reste mon livre de chevet. :)
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