La mère, l'enfant et les questions
Bernardo Carvalho nous entraîne sur les routes brésiliennes après la pandémie, dans les pas d'une mère à la recherche du père de son enfant. Un voyage qui va prendre tour à tour la forme d'un conte, d'une introspection, d'une réflexion sur un monde à l'avenir incertain.
C'est au moment du confinement que s'effondre leur amour, vieux de 20 ans. Il décide de quitter sa femme, professeur d'université. De la laisser seule affronter cette période de réclusion. En fait, il ignore qu’elle est enceinte. Après avoir assisté à un cours de création littéraire durant lequel l'un de ses romans avait été éreinté, elle avait trouvé une consolation dans les bras d’un étudiant.
Était-ce au regard de l'urgence et des morts de la pandémie qu'elle avait décidé de garder l'enfant ou tout simplement pour laisser triompher la vie? Lorsqu'au sortir du confinement, elle avait recroisé son amant lors d'une fête, elle n’a pas oublié de noter son numéro de téléphone, mais ne l'a jamais appelé. Mais maintenant que leur enfant est né, elle sent comme une nécessité de la retrouver, de partager sa progéniture avec lui. Dès lors, le récit va se nourrir de cette incertitude sur l'avenir qui la touche sans doute encore davantage que tous ses concitoyens, car la covid va emporter ses parents.
En entendant que la pandémie a fait perdre la mémoire à un homme et que désormais il prédit l'avenir, elle décide de prendre la route. En chemin, au fil des kilomètres passés au volant de sa voiture, elle va en profiter pour répondre à toutes les questions que son fils aurait pu lui poser, s'il avait déjà su parler.
Arrivée à l'hôtel, elle va croiser un écrivain, engager la conversation.
C'est alors que le roman va basculer dans la méditation métaphysique. Derrière les histoires qui s'écrivent, se disent ou se cachent, derrière les vérités recherchées et les mensonges nés de réécritures du passé. Convoquant Platon et Socrate, trouvant dans un petit coffret en bois laissé par un défunt une représentation de la boîte de Pandore – le malheur sera-t-il libéré ou restera-t-il enfermé? – de toutes ces expériences, récits, souvenirs subsistent une ambiance étrange. Quand le présent semble délirant, quand la réalité n'est plus tangible et que l'avenir est incertain, il reste la mémoire, même si Bernardo Carvalho s'ingénie à nous prouver qu'elle aussi peut-être chancelante.
Alors, la dernière Joie du monde ne sera plus qu'un conte fantastique, peuplée de nos peurs et de nos espoirs.
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