Citations de Bertrand Belin (115)
Ces tonnes de béton et de ferraille qui engloutissaient et engloutiront la force et la bonne volonté des générations entières, ont pourtant bien été édifiées par des hommes. Il a fallu en décréter l’utilité. En étudier le coût. En dessiner les plans. En couler les fondations.
Où qu’elle se tourne maintenant, une muraille de gâchis lui fait face, édifiée par la moitié mâle de l’espèce dont le numéro pathétique consiste à se hisser coûte que coûte au-dessus d’on ne sait qui ni quoi.
Il faut dire que le fondateur, aidé en cela par la gouvernante, veille tant à ce qu’elle (sa femme) ne manque de rien que cela la prive de tout. De tout ce qui s’étend passé les murs d’enceinte de la maison.
L'hiver, lorsqu'on atteint les - 20 - 30, les plus vieux qui en ont les moyens se soûlent jusqu'à s'écrouler en espérant bien ne pas se réveiller. Cela arrive parfois. Retrouver durci un ancien n'est jamais réellement accueilli comme une mauvaise nouvelle. Chacun espérant réussir une belle sortie le jour venu.
Notre situation est à prendre au sérieux pendant quelques années. Puis il faudra continuer un peu jusqu'à la fin.
Cet opportuniste grincheux, ventripotent et rabougri, cette andouille pâle et molle, ce flacon de limaille, à la fin, n’est que mon frère. Je te répète qu’il a peur de son ombre. À quoi diable crois-tu qu’il puisse nuire ?
Ce n’est pas seulement que son frère soit peintre qui lui aiguillonne les nerfs. Mais c’est que celui-ci soit aimé. Dès l’enfance, le récemment promu nouveau directeur des entreprises de ressorts, échouant à devenir l’objet de quelque véritable amour, a rapidement substitué au plaisir d’être aimé celui d’être redouté.
Ce n’est pas possible que j’aie pu oublier de refermer après avoir refait la paille, l’eau et la merde, plaide-t-il auprès de ceux pour lesquels cela ne fait aucun doute qu’il a simplement dû oublier de fermer. Pour lui-même, auprès de lui-même, il plaide également. Sa pensée se fige dès que la silhouette du directeur arrive sur lui pour un nouvel interrogatoire.
Jusqu’aux villes et villages alentour, la nouvelle a circulé, oblitéré et ravagé toute quiétude.
Le récemment promu nouveau directeur des entreprises de boulons, ressorts, roues dentées, gonds, pointes et diverses petites pièces mécaniques dort complètement maintenant. Sur le site de l’ancien port de marchandises, entre le chapiteau et les remorques dételées, un feu agonise.
Ce qu’il faut à l’Empire unifié, c’est un homme providentiel. C’est ce que pense le fondateur d’âge avancé, c’est aussi ce que pense le récemment promu nouveau directeur, et c’est ce que pense son épouse. C’est exactement ce que pense la gouvernante et c’est l’opinion du fumeur de harengs, celle aussi d’une partie des clients de la Brasserie Centrale et de son propriétaire. Un homme sous le règne duquel aucun lion ne se serait par exemple échappé d’un cirque pour la raison évidente qu’aucun cirque ne saurait être toléré dans l’Empire.
Bien que j'aie toujours su que mourir arrivait aux gens, je n'ai jamais cessé d'entretenir le secret espoir de me voir exempter de cette corvée populaire.
Toutes ces années je les ai passées à me tenir à distance de la vie. Sans doute ai-je voulu inspirer la pitié. Comme un chien errant emboîtant le pas d'un passant au hasard et tâche de se faire passer pour son chien, tout comme un chien fait semblant d'avoir un maître, j'ai feint d'avoir une vie et cela a été ma vie.
C'est ce que j'ai pu faire, je n'ai rien pu faire d'autre. J'ai tant redouté de mourir et si souvent fait le compte des jours perdus, dilapidés dans l'appréhension, où cela n'advenait pas, que devant cette dépense folle j'ai souhaité que cela vienne au plus vite.
En dépit de siècles empesés de morts de particulières, on voit avec soulagement que l'homme reste stupéfait devant la possibilité qu'il a de ne plus être alors qu'il fut. Sa finitude, il la constate d'abord à la faveur de la disparition d'un autre que lui. Mais passé cet épisode où tout lui fut révélé, il retourne à son illusion en un clin d'oeil. Il faut attendre qu'il soit lui-même, et qu'il soit clairement, dans le collimateur de la mort, pour qu'il s'émeuve enfin d'être, comme chacun, sujet au trépas. D'où vient qu'il en soupire encore et comment ne s'est-il pas familiarisé avec l'idée de sa mort assurée? Comment diable, le reste du temps, arrive-t-il à ignorer son sinistre sort avec un tel naturel?
Quel que soit ce qui l'occupe, le fondateur l'est aussi par l'entretien de son ego.
Je le sais depuis : le cygne est immangeable. Le cygne est pourri de l'intérieur. Le cygne a un goût de merde et de vase. Sa robe immaculée est un piège à cons. Sa majesté est bâtie sur une fosse septique. Son cou n'est qu'un vulgaire égout. Il flotte et glisse sur la surface des lacs exactement comme le ferait n'importe quel étron, voilà la vérité.
bertrang a beaucoup pêché de crabes….
bertrang a beaucoup pêché de crabes.
L’essentiel fut mangé.
Un peu ont été vendus.
Les trombes et le glacial se montrèrent de bon secours
pour m’exempter tantôt un jour durant de songer
triangulairement à l’art de vivre en logement.
Le logement est infesté de toccatas et de querelles, cela
qu’importe l’art météo.
Sa vie serait bien différente, pense-t-il souvent, s'il avait eu un fils plutôt que cette fille délicate et fragile comme le coquelicot. C'est qu'il n'a jamais pris la peine de comprendre à qui il avait affaire. Il lui a suffi, à sa naissance de savoir qu'il ne s'agissait pas d'un garçon pour qu'aussitôt et à jamais elle se trouve reléguée de fait, promise aux rôles historiques que lui-même, comme beaucoup des hommes de son temps, de ceux antérieurs, et probablement de ceux postérieurs, considèrent dévolus aux femmes.
Ils peignent, boivent, devisent, copulent et dansent dans un formidable sabbat balnéaire. Comment ne pas être amer quand on n'a jamais fait la chose que dans le noir, par devoir, suant d'angoisse.
Dans l'atelier ça sent le fauve. Ils sont bien sept ou huit à avoir passé la nuit là. Chacun a trouvé un coin où s'écrouler. Tête-bêche, tout habillé, on a seulement enlevé ses chaussures. un ouragan semble être passé par là.