Si vous avez plus de 30-35 ans et que, comme moi, vous êtes las.se du « politiquement correct » à travers tout, à tendance féministe revendicative, ne vous arrêtez pas ici ! Sachez seulement que ça se lit très vite et qu’il y a du bon quand même, donc à vous de voir…
Ce livre a été proposé en lecture commune par quelques copinautes, le titre interpelle et la couverture est sympa, et pour ne rien gâcher le livre est dispo dans l’abonnement Kindle (auquel je souscris depuis plusieurs mois) : je pouvais donc me permettre de m’y lancer sans trop de risque… C’est même mieux (ou pas) : ça commençait plutôt bien ! Certes, la langue n’est pas éblouissante mais le ton est entraînant. Je le caractériserais comme quelque chose à mi-chemin entre la romance de gare superficielle (et souvent assez bas de gamme, mais ce n’est donc pas le cas ici), et ce qu’une bonne élève consciencieuse aurait écrit pour avoir la meilleure note possible à une rédaction. Il y a donc un peu de recherche çà et là, mais qui se perd très vite quand le naturel revient, un naturel sympathique et spontané, assez entraînant, qui manque toutefois encore de personnalité.
Par ailleurs, c’est léger, ce qui permet d’aborder quelques thématiques sensibles de façon plutôt humaine tout en les dédramatisant gentiment – comme par exemple l’estime de soi que peut avoir une personne en surpoids, et son regard dans le regard des autres, même ses plus proches amis. Pour moi qui suis concernée, ça résonnait de façon tout à fait juste, vraiment rien à redire là-dessus, j’ai même été réellement touchée !
Cependant, dès le début, certains petits points me gênaient aux entournures, sans que j’arrive à bien les identifier, c’était juste une impression générale. J’ai d’abord mis ça sur un problème générationnel : nos héroïnes ont la petite trentaine, voire seulement la fin de la vingtaine, et clairement ce livre s’adresse à cette génération-là… On le voit à travers des références, des allusions à certaines personnalités connues parmi les chanteurs / instragrammeurs etc., qui à moi m’échappent complètement, avec mon presque-demi-siècle… Un exemple ? L’autrice mentionne la saga Harry Potter comme « les livres de son enfance ». Sachant que le 1er tome est sorti en 1997 en français, ça correspond effectivement à une génération qui aurait grandi avec Harry, et qui aurait donc autour de 30 ans aujourd’hui. Moi, en 1997, je travaillais déjà, j’avais largement passé l’âge de lire Harry Potter, en tout cas pas en tant que « livre de mon enfance » ! (Rassurez-vous : j’ai découvert Harry Potter quelques années plus tard, par curiosité, et j’ai beaucoup aimé !).
Cela dit, la répétition de telles références très ancrées dans une époque particulière et liées à une génération précise, même si on ne les connaît pas toutes, ne gêne pas la lecture. Non, c’est autre chose…
Et peu à peu, j’ai compris, et les choses explosent aux 63% du livre, même si ça a commencé bien avant ! En fait, tout ce livre a été écrit dans un souci de « politiquement correct à tendance féministe revendicative » - c’est moi qui invente l’expression, j’explique ci-dessous ; mais en tout cas, pour moi, c’est rédhibitoire.
D’abord, ces 4 jeunes femmes sont trop sages : ça commence par insister beaucoup sur le fait que ces filles ne sont pas trop fêtardes et ne boivent pas… Et surtout, il faut bien le répéter encore et encore, au cas où les lectrices oseraient tout à coup boire un panaché ! J’exagère à dessein, mais ça donne déjà un avant-goût de la chose – d’autant plus caricatural à mes yeux, moi qui n’ai jamais été fêtarde, trop timide et peu intéressée de toute façon, mais de là à faire un caca nerveux avant d’ingurgiter la moindre gorgée de bière, soyons sérieux !
Bien entendu, la personnage principale et narratrice, malheureuse en amour certes, précise assez tôt dans le livre qu’elle est bi : il faut bien marquer d’emblée qu’on va être hyper-tolérant et même plus envers la communauté LGBT+, c’est tellement « à la mode », il faut l’afficher ! Et après ?... Honnêtement, moi je m’en fiche un peu de l’orientation sexuelle des personnages principaux des romans que je lis (sauf si ça a une incidence dans l’histoire, comme dans les romances par exemple : mes préférées sont les M/M !), mais sinon, à quoi bon le préciser, plus ou moins hors contexte en plus ? D’ailleurs, je cherche encore ce que la précision de la bisexualité de la narratrice apportait à la présente histoire…
Et puis tout à coup survient cette phrase (aux 37%) : « - Et nos amis, la famille. On peut pas tout quitter comme ça, sur un coup de tête. – Moi j’aurais jamais les ovaires de le faire, c’est sûr. » Honnêtement, il m’a fallu un moment pour comprendre… et puis tout à coup ça a fait tilt ! L’autrice a féminisé l’expression typique, mais c’est quoi cette mode de tout féminiser à temps et à contretemps ?! et d’un seul coup j’ai trouvé ça tellement absurde ! Certes, la langue française est emplie de mots et expressions à caractère patriarcal, et c’est une bonne chose de vouloir faire évoluer les choses – par exemple en féminisant les noms des professions ou autres responsabilités politiques par exemple. Mais là, à mon sens, on est en train de « changer pour changer » une expression savoureuse (en quelque sorte) qui dit bien ce qu’elle veut dire, et qui en plus assume implicitement qu’une femme en a au moins autant qu’un homme, justement ! ;) Dans la bouche d’une femme, malgré sa vulgarité assumée, cette expression est extrêmement féministe. En tout cas, pour ma part, j’ai effectivement des ovaires, merci bien ; et pour le reste, dans certaines situations quand il le faut, j’ai des couilles, et je le revendique !
Et puis on arrive aux 63%, et je suis tombée de très haut… Dans un contexte que je ne vais pas développer car ce serait du spoil, l’auteure s’en prend –violemment ai-je trouvé- à J.K. Rowling, l’autrice hyper-connue de la célébrissime saga Harry Potter précitée. Elle parle de (je cite) "sa transphobie assumée, revendiquée même, qui blesse tant de gens à travers le monde. J’aurais aimé que l’autrice des livres de mon enfance, avec lesquels ma génération a grandi, soit une femme aimante, tolérante, bienveillante, mais il n’en est rien." Et paf allons-y à la mitraillette, et qu’on la pende ! On est n’est pas loin de l’autodafé…
Certes j’ai entendu parler de « l’affaire », mais sans m’y attarder plus que ça : ce ne serait pas la première fois dans l’histoire de la littérature qu’un.e auteur.e paie au prix fort sa (grande) notoriété, à cause d’un (ou plusieurs) propos plus ou moins déplacé.s, et ensuite plus ou moins interprété.s à ses dépens. Mais on est à l’ère d’internet et des réseaux sociaux, où tout le monde peut dire tout et surtout n’importe quoi, se donnant une importance qui n’existerait pas autrement… et ainsi quelques internautes en ont fait une montagne, ça a pris des proportions échappant à tout contrôle, car l’esprit critique de tout un chacun s’est vraisemblablement envolé dans l’histoire. J.K. Rowling a été crucifiée sur l’autel des juges Internet, sans aucune possibilité d’appel ni même de défense.
Pour ma part, puisque le sujet est posé (et a en plus créé le débat avec mes co-lectrices), je suis retournée aux sources de cette polémique, et j’ai essayé de retrouver ce qui avait tant posé problème. J’ai trouvé quelques articles, la plupart sur des sites apparemment orientés, et qui présentaient les choses résolument à charge… J’ai donc survolé mais pas retenu. À mon grand étonnement, c’est finalement dans un magazine belge destiné aux jeunes femmes, et généralement plutôt léger, "Flair" pour ne pas le citer, que j’ai trouvé un article complet qui reprend toute l’histoire de bout en bout, sur un ton relativement neutre : je vous invite à le consulter ! Lu ce 21 août : https://www.flair.be/fr/lifestyle/societe/transphobe-ou-maladroite-j-k-rowling/ , le titre de l’url résume bien les choses, « Transphobe ou maladroite J.K. Rowling ? », tout comme le titre de l’article même se veut gentiment ironique « Harry Potter & les reliques de la transphobie, comment J.K. Rowling est devenue Voldemort ». À noter que l’article ne tranche pas vraiment, laissant à chaque lecteur se faire son avis.
La même revue propose un article lié (lu le 22 août) : https://www.flair.be/fr/lifestyle/tout-comprendre-de-la-polemique-autour-des-propos-transphobes-de-j-k-rowling/ , qui termine par ces paroles très sages, je trouve : « Propos maladroits, bienveillance dissimulée, pensée mal exprimée… J.K. Rowling, en diffusant de tels tweets, a montré, à ses dépens, l’importance du combat quotidien pour défendre les personnes transgenres. Énormément de réponses à ses propos invitaient l’auteure à lire et à se renseigner sur ce que sont les personnes trans. Une démarche intéressante qui a le don de conscientiser une cause dont beaucoup ignore les difficultés de compréhension qui se cachent derrière. »
Pour être complète, j’ajouterai à tout cela que j’ai dans mes proches très proches une personne qui a vu son mari devenir une femme… et que cette histoire très personnelle (qui n’est pas l’objet de ce commentaire, mais je ne pouvais pas ne pas la mentionner) rend très sensible au sujet de la transidentité : on apprend à respecter malgré une incompréhension de base, et c’est un apprentissage de tous les jours ; on souffre avec ceux qui doivent « subir » cette nouvelle identité (l’épouse ou la mère notamment) et on les accompagne comme on peut dans l’évolution de ce qui est réellement une nouvelle vie qu’elles n’ont pas demandé, peut-être même jamais imaginé, aux côtés de celui qu’elles ont aimé, qu’elles aiment encore, follement, mais qui est devenu « celle » ; et en tout cas, on n’arrête plus (jamais) de se poser des questions sur la personne concernée. Autrement dit, on est dans une lucidité exacerbée (et sans doute biaisée) par un vécu bien particulier, mais en tout cas on est très loin du politiquement correct rigide des bien-pensants… qui ont un seul défaut, mais majeur : ils ne savent pas de quoi ils parlent !
En revanche, clairement, l’avis de Betty Piccioli est fait, tranché, et sans aucun possibilité de doute. Elle s’est faite juge implacable comme un grand nombre d’internautes, elle hurle avec les loups, suivant le mouvement « politiquement correct » de la dénonciation aveugle.
Enfin, notre jeune auteure qui se veut bienveillante et reproche à sa cible de manquer de cette bienveillance tellement à la mode : je ne vois vraiment pas en quoi ce parti-pris sans aucune nuance permettrait de mieux respecter / accepter / vivre avec les personnes transgenres…
Mais ça ne s’arrête pas là… Un peu plus loin dans cette partie de son livre, elle écrit (je cite à nouveau) : « Alors, comme beaucoup de fans de cette saga mythique, nous faisons comme si Harry Potter n’avait été écrit par personne. C’est sûrement mieux ainsi. »
Ca ne vous choque pas ? avec cette phrase, et une autre quelques pages plus loin (je cite encore : « Je commence à penser que malgré la haine affichée de son autrice pour une partie de la population, son œuvre lui a échappé (…) » - je ne relèverai même pas la haine affichée qui n’est en aucun cas prouvée par un quelconque tribunal indépendant), Betty Piccioli réfute très explicitement les droits à la propriété intellectuelle de J.K. Rowling ! Alors, quoi que Betty Piccioli en pense, même si la transphobie présumée de J.K. Rowling c’est le mal, ce n’est pas juridiquement répréhensible. En revanche, la violation de la propriété intellectuelle est bel et bien un délit, passible de peines au pénal.
Or, non seulement Betty Piccioli crache donc sur ce droit élémentaire pour une écrivaine (elle serait pourtant bien embêtée, si on le lui retirait, à elle pour son « oeuvrette »), mais en plus elle est elle-même à un doigt du plagiat ! En effet, pour les besoin de son livre, elle met en avant une série imaginaire, dont elle propose un extrait en italique au début de chacun des chapitres de sa propre histoire – ce qui, soit dit en passant, donne une certaine dynamique au livre, même si ce ne sont pas les passages les plus exaltants. C’est une saga de romance plutôt historique, qui serait devenue une série sur une chaîne de type Netflix, et qui serait l’un des éléments qui rassemble les 4 amies, et qui s’appellerait « Time Turners ». Or, d’après mes co-lectrices, ladite série imaginaire présente d’étranges similitudes avec la saga « Le cercle de pierre », plus connue sous son titre original à la suite du succès phénoménal de son adaptation en série : « Outlander » (ou « Le chardon et le tartan ») de Diana Gabaldon.
Le problème, c’est que PAS UNE SEULE FOIS (ni en introduction, ni même dans ses remerciements) Betty Piccioli n’y fait référence ! Après une brève vérification, je plussoie pourtant mes co-lectrices : il est évident qu’une grande partie du livre est largement inspirée de ce fameux « Outlander ». Dès lors, je me demande : qu’a donc fait Diana Gabaldon pour mériter un tel ostracisme ? Car clairement, aux yeux de l’autrice, elle existe encore moins que J.K. Rowling… même son œuvre n’est pas citée une seule fois ! pourtant cette œuvre est encore trop récente pour être tombée dans le domaine public. Alors ???
Osons le dire : ce parti-pris fondé sur une prise de position partiale d’internautes, est tout simplement ahurissant. Et Betty Piccioli ne se contente pas de l’évoquer (ce qu’on aurait pu tolérer) sur quelques lignes, mais elle l’enfonce bien profondément sur plusieurs pages ! Mais, une fois encore, c’est tellement dans l’air du temps de penser ainsi, et d’en rajouter une couche (c’est ce que j’appelle le « politiquement correct », au-delà de toute analyse pondérée), alors allons-y gaiement ! Même les meurtriers du Bataclan, dont le procès commence dans quelques jours, auront droit à un jugement plus réfléchi, pesé, argumenté, équitable où toutes les parties seront entendues…Pourtant, à part mon avis de presque-vieille, qui ai vécu la transidentité d’un proche très proche, qui osera relever à quel point tout ceci est un lynchage en règle où les droits de la défense sont inexistants ? et dans la foulée on est à la limite du plagiat de l’œuvre d’un autre auteur, ce qui fait sourire les connaisseurs, mais c’est tellement moins grave que la transphobie n’est-ce pas ?...
Pour tout dire, après cette diatribe de plusieurs pages contre J.K. Rowling, je n’avais plus vraiment envie de continuer le livre. Je l’ai fait quand même, à cause d’une certaine curiosité à propos du sort que l’autrice réserverait à ses personnages, mais le plaisir était définitivement parti, et il n’est pas revenu. Heureusement, comme je le disais en introduction, ce livre se lit très, très facilement, donc je n’y ai plus perdu trop de temps. En résumé, je peux dire quand même que, dans ce livre, il y a donc du bon, et même du très bon par moments… c’est bien pour ça que, après avoir hésité, je lui laisse le bénéfice du manque d’expérience et ne lui donne pas une note négative. Mais décidément l’autrice doit mûrir et sortir de ce ton quelque peu moralisateur-féministe trop politiquement correct sans personnalité ni clairvoyance, ni même cette bienveillance qu’elle revendique pourtant.
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