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Invité : Bilal Hassani, chanteur·se français·e
Un concert annulé sous la pression d'extrémistes catholiques
Les combats de Bilal Hassani
Consternation après l'annulation d'un concert de Bilal Hassani
le Live - Bilal Hassani - Laissez-moi danser
L'artiste a dû annuler un concert ce mercredi 5 avril dans une église désacralisée à Metz sous la pression et la menace de groupes catholiques intégristes qui l'accusaient de profanation. La ministre de la Culture lui apporte son soutien.
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S'il y a à mon avis un mot qui résume bien l'état d'esprit de ma génération, c'est le doute. On est en doute de tout, et d'abord de l'état du monde. On ne sait pas s'il sera encore là dans soixante ans, alors on fait tout vite, on veut tout vite, on "post" vite, comme si demain n'allait pas exister. Et les réseaux sociaux, formidables accélérateurs de particules, y participent. Difficile de s'en désintoxiquer, tant on vit par eux et pour eux, mais leur réalité, je l'ai appris, n'est pas plus belle que celle que l'on vit.
Toujours une alternative, une fille OU un garçon ? Mais pourquoi me soustraire ? En me disant "fille", parce que je peux en avoir l'air, on m'exclut des garçons ; en m'excluant des garçons, on me nie, on me rature, parce que j'en suis un, de garçon. On pourrait aussi me demander : "T'es une fille et un garçon ?" Pourquoi faudrait-il être un et pas deux ? On n'a pas qu'une vie, on en a plusieurs.
De quand date ma peur, cette peur qui s'incruste tout au fond de toi jusqu'à faire en permanence bouclier entre toi et le monde, cette peur que tu ne dis à personne, jamais, mais qui ne te lâche plus, du matin au soir ?
Du collègue, peut-être. Tant que j'étais enfant, je me sentais protégé dans ma bulle de savon géante, ma mère, la musique à fond dans la voiture, les vacances d'été chez mes grands-parents au Maroc, dans le cabanon de Jean-Yves en Bretagne, au Vietnam chez mon père, et je n'ai pas vu mes complexes et mes doutes qui poussaient en silence, telle une plante grimpante enserrant et asphyxiant de plus en plus une branche. C'est quelques années plus tard, au contact du monde extérieur, à l'adolescence, qu'ils ont émergé. Au moment où, doucement vers l'âge adulte, quand tu quittes tes joues d'enfant et qu'on te donne à penser qu'à présent tu es un homme (ou une femme) et qu'il faut choisir, c'est là que survient la conscience du malaise.
De ma perruque platine, j'ai fait mon espérance, ma liberté. De mes complexes, un bouclier contre la peur.
Maman me regarde toujours au fond des yeux, elle ne me dit jamais toutes ces choses que l'on transmet gentiment aux enfants quand on est parent, ces choses que l'on attend sans se l'avouer : un petit garçon, ça doit être courageux et savoir visser un boulon ; une petite fille, se montrer douce et jour à la dînette. Maman ne me voit pas selon des stéréotypes, maman me regarde. Et moi, à aucun moment, je ne me dis que je suis une filles, encore moins homosexuel. Je suis trop petit, je n'ai pas d'envie, pas d'attirance, ce sont les autres qui ne cessent d'en projeter sur moi. Et ça commence à me faire des ombres.
Habitué à la gaieté, à ne jamais pleurer, j'ai encore du mal à mettre un mot sur un état que j'ai connu plusieurs fois depuis, mais je crois bien qu'il s'appelle "la dépression". Quand le présent t'englue la tête, les jambes, quand tu n'es plus que fatigue, honte, trouille de tout, quand ça monte, ça monte et tu n'arrives plus à respirer, quand tu te sens de trop ou pas assez, avec cette nécessité toujours de montrer que tu es "assez", ou en tout cas de bluffer comme si tu l'étais, mais que tu n'en as plus l'énergie, aucune énergie.
S'il y a à mon avis un mot qui résume bien l'état d'esprit de ma génération, c'est le doute. On est en doute de tout, et d'abord de l'état du monde. On ne sait pas s'il sera encore là dans soixante ans, alors on fait tout vite, on veut tout vite, on "post" vite, comme si demain n'allait pas exister. Et les réseaux sociaux, formidables accélérateurs de particules, y participent. Difficiles de s'en désintoxiquer, tant on vit par eux et pour eux, mais leur réalité, je l'ai appris, n'est pas plus belle que celle que l'on vit.
De quoi parle-t-on ? De notre corps, de notre identité, de ce qu'on a en principe de plus intime, de plus personnel. Pourquoi les autres auraient-ils un regard sur ça ? Pourquoi la société ou Dieu devraient-ils nous imposer ce que nous sommes ? Pour moi, la vraie mission de l'humain, la raison pour laquelle on est sur cette terre, c'est l'affranchissement. Chacun de nous est amené à devenir un diamant, même si c'est parfois à grand renfort de chagrins.
Je me demande à quoi sert la haine. Plus petit, à l'école, j'ai appris le sens de la critique, de la part de mes profs, ou même d'autres élèves. La critique, l'échec apprennent à grandir, à se relever. Mais la haine ?
Celle dont on m'asperge tous les jours m'apparaît tellement dense et disproportionnée. La haine renvoie au néant. La haine, comme le harcèlement, se nourrit de tout pour tuer. La haine est arrivée comme une bombe.
Maman a bien entendu : son fils de 13 ans a eu un rapport sexuel avec un garçon. Avec le recul, je mesure le degré d'acceptation qui a été le sien pour être capable d'entendre ça sans broncher, je mesure l'amour de ma mère, sans questions, sans attente, sans jugement. On dit souvent qu'être parent c'est vouloir le meilleur pour son enfant. Pour moi, c'est plutôt ne rien projeter sur son enfant, ne rien attendre de lui que lui-même.