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Critiques de Bill James (40)
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Question d'éthique

Un nez droit, des traits délicats et de longs cheveux blonds mais un crâne rempli de jelly anglaise… Vous l’avez compris, Martin Webb est beau et con. Son profil semble plus adapté pour faire de la téléréalité que du banditisme. Et justement, sa carrière dans le milieu est brève : il est abattu de deux balles au cours du braquage d’un bureau de poste. Et voilà son visage séraphique masqué par un bas reposant sur un carrelage moche des PTT, au milieu d’une douzaine de pommes échappées d’un sac de provisions. Martin appartenait à une grande famille de malfaiteurs bien soudée. Son père n’a plus qu’une idée en tête : le venger. Il ne s’attaquera pas à Colin Harpur, l’auteur des coups de feu, car il sait qu’il est trop risqué de s’en prendre à un policier. Alors il se résout à punir ceux qui ont balancé son fils, qui ont éventé aux forces de l’ordre son projet de hold-up. Les indics de Harpur et Iles vont également intéresser la presse qui ouvre une enquête. Qui informe la police et quelles sont les contreparties consenties en retour ? Pas sûr que notre duo de policiers apprécie que l’on vienne fouiller dans leurs basses manœuvres. Bill James parvient à transcrire les tergiversations de l’âme : un événement ou une rencontre peuvent faire basculer une décision ferme ; des personnages sont pris de scrupules ; d’autres guidés par une idée fixe s’enfoncent dans l’erreur. Chez lui, tout est dans la complexité, il n’y a ni gentils, ni méchants ; policiers et truands se ressemblent et parfois s’assemblent. Ils ont en commun un code d’honneur qui semble étranger à la justice. La vérité est bien relative, tout comme la sincérité de l’amour puisque l’adultère semble être ici la norme. Iles brille à nouveau par son insolence et son amoralité. Le roman recèle de nombreuses scènes caustiques pleines d’un humour noir à souhait. Bill James place la vanité, le mensonge et le cynisme au cœur de ses romans, c’est pourquoi ils tiennent une place particulière dans la littérature policière.
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Le Cortège du souvenir

La cérémonie d'hommage à Ray Street est émouvante. Une plaque de verre au nom du jeune inspecteur mort en service est dévoilée dans le hall du quartier général de la police. Des officiels glissent quelques mots de réconfort aux parents du défunt. Ray a été abattu alors qu’il participait à une opération d'infiltration d’un réseau de trafic de drogue. Dans cette affaire, tout implique le caïd de ce réseau surnommé « Vous savez-qui » et son lieutenant. Mais les deux hommes, prudents et défendus par des avocats hors de prix, échappent à toute condamnation. Les collègues de Ray ne décolèrent pas. Desmond Iles mû par un puissant (et surprenant) esprit de corps presse Colin Harpur d’aboutir à un résultat, quels que soient les moyens mis en œuvre. La fin justifiant les moyens, notre duo va une nouvelle fois franchir la ligne rouge sans s’imposer aucune limite. Vous ne trouvez aucune preuve ? Alors fabriquez-en. Desmond Iles est détestable et... fascinant, il peut se montrer tour à tour fleur bleue et cynique, courtois et sarcastique, conformiste et brutal. Colin Harpur semble moins retors, son attitude offre un contraste saisissant avec celle de son supérieur. La grande force de Bill James est de composer une psychologie ambigüe à chacun de ses personnages. Ils sont remplis de paradoxes. Policiers et truands ont toujours deux visages et semblent dominés par leurs faiblesses et leurs pulsions. Si ce troisième volet de la série "Harpur et Iles" ne redore pas le blason de la police, il reste une valeur sûre du polar anglais.
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Protection

Une virée à Londres et je t’explique au détour d’un pub la morale de l’histoire. D’une simplicité enfantine mais terriblement vraie, l’histoire se raconte en une phrase : « Méfie-toi de la vengeance du gars à qui tu as grillé ses couilles au chalumeau ! »



Voilà le problème, une petite histoire virile qui a mal tourné. Bernard Mellick, surnommé dans le milieu « Le Tendre », et le pauvre Ivor aux castagnettes roussies. Un petit différent entre eux, de grandes conséquences pour Le Tendre et surtout son fils, handicapé mental, qui vient d’être kidnappé…



« Il y a beaucoup de problèmes entre Ivor et Le Tendre, non ?

- Oui, on peut dire ça. Si quelqu’un s’attaque à vos couilles avec une lampe à souder, ça donne peut-être envie de réagir. »



Londres, la mafia et deux rivaux. Au milieu, des flics et des indics. Des voyous qui gravitent autour. Le monde n’est plus blanc, les flics font place à la grisaille désenchantée. Pots de vin, arrangements, petits services. Les frontières de la légalité s’élargissent. C’est le seul moyen pour la Police d’avoir des tuyaux et d’arrêter les vrais caïds. Des petits dealers que l’on sauve, ils pourront faire remonter l’ascenseur un peu plus tard.



« Protection » de Bill James. Une virée dans une société bien particulière. Personne n’est au-dessus des lois, mais quelques petits arrangements entre certains permettent de fermer les yeux sur quelques activités. Qui a dit illicites ? Le flic ne devient pas un héros, sa grandeur n’est pas magnifiée comme dans les plus beaux scénarios cinématographiques. Non, il est juste un homme avec ses faiblesses et son cynisme. Et tu sais où se trouve la plus grande faiblesse de l’homme, je suppose. Oui, ses couilles. Alors ne t’avise pas d’en griller une paire à ton meilleur ennemi si tu n’envisages pas les représailles avant.



Un homme blessé agit bien souvent sans penser. Mais quand tu entends le tic-tac de l’horloge qui se fait de plus en plus pressante. Quand ta propre chaire est menacée et que tu es aux abois, ton comportement peut devenir rapidement irrationnel. Tu as bon fond, en somme, sauf que tu as du mal à l’exprimer en temps normal, la faute à toutes ces activités parallèles, nécessaires pour entre tenir la garde-robe de ta femme, le jardinier et la maison qui va avec dans un quartier de la haute bourgeoisie londonienne. La force du désespoir. Tu éprouves même de la compassion pour ce salaud de la pire espèce. Car tu sais que ce sont les circonstances qui façonnent notre homme, qu’il lui reste encore une infime étincelle pour illuminer son âme, et surtout que comme pour les samouraïs et les politiciens, il y a une certaine déontologie, un code d’honneur. D’ailleurs, l’un des articles de ce code d’honneur ne serait pas de ne pas toucher à la progéniture de ton rival ? Peut-être même que si l’on descend tous les commandements de cette table des lois mafieuses, il y est question d’organes sexuels mâles…



« Protection » ou l’art d’aimer les rognons bien grillés.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Retour après la nuit

« C’est ce qu’on appelle faire une sortie ». Cette réplique tirée d’une pièce de théâtre vient à l’esprit de Megan Harpur lorsqu’elle croise le regard de son assassin. Son escapade à Londres s’achève tragiquement une nuit de décembre, à la sortie de la gare. C’est son conjoint, l’inspecteur Colin Harpur, s’inquiétant de ne pas la voir rentrer, qui la découvre affalée au pied de sa voiture, ses sacs de shopping répandus sur la neige. Megan aimait passer une journée dans la capitale britannique pour profiter de ses magasins, de son offre culturelle et surtout de son amant. Bill James va développer dans ce roman les principaux thèmes de la série « Harpur &Iles » et explorer à nouveau la limite poreuse entre le vice et la vertu. Harpur enquête de son côté à Londres pour mettre à jour la double vie de son épouse. Chez James, les policiers franchissent allègrement la ligne rouge de la légalité : liens troubles avec les indics, méthodes expéditives, vengeances personnelles. « Les flics vivent sous la pression de la rue et leur morale est la morale de la rue. La loi, ils la laissent aux magistrats. » Ceux qui réprouvent ces entorses au règlement peuvent s emontrer plus conciliants au gré des circonstances. L’épisode se distingue des précédents par sa construction. Les chapitres consacrés aux dernières heures de Megan Harpur alternent avec ceux consacrés aux suites de son assassinat. Les dialogues sont sarcastiques et les relations humaines perverties. Le roman baigne dans le cynisme. La scène finale – par exemple - est délectable : un dîner de Noël qui « donne enfin un merveilleux sens à la famille » et qui réjouira un lecteur éclairé des passions de la tablée.
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Protection

La paire, y en a pas deux. le slogan tourne en boucle dans l'esprit de Ivor Wright. Ce truand anglais vient de passer un sale moment avec un rival qui lui a rôti les parties au fer à souder. Avec de telles manies, nul besoin de vous expliquer pourquoi Bernard Mellick est surnommé le « Tendre » dans le milieu. Wright a soif de vengeance et envoie une équipe kidnapper Graham, le fils du Tendre âgé de onze ans. le truand va tout faire pour récupérer son garçon, tout, excepté contacter les forces de l'ordre. Mais la police a ses propres sources d'information. Colin Harpur est instruit du rapt par son indic Jack Lamb mais il ne peut agir au risque de révéler ses sources.



Ce roman va dévoiler les rapports souterrains et pernicieux qui lient les policiers à leurs indics. le livre a été publié en 1988 mais contient tous les dérapages de l'affaire Michel Neyret. En contrepartie d'informations, et parfois de cadeaux, la balance bénéficie d'une impunité relative, d'informations et de menus services. Dans ces échanges de bons procédés, il faut rester prudent. Et pourtant... Compromettre son agent de liaison permet à l'indic de disposer de motifs de chantages au cas où le vent tournerait… Quand la police des polices vient mettre son nez dans les affaires de Hubert Scott, un collègue d'Harpur et Iles tout juste parti à la retraite, tout le monde s'agite. Mais le jeune retraité va bénéficier de l'appui de ses anciens collègues, une aide spontanée… ou obtenue par la menace. Si je tombe, tu tombes avec moi….



Comme dans les romans précédents, Harpur et Iles sont peu concernés par les questions d'éthique. Au menu : adultère, violences policières, fabrication de preuves, intimidations, manipulations. Bill James ne s'attarde jamais dans la description physique de ses personnages, même s'ils se plait à relever des détails vestimentaires révélateurs. le lecteur cerne leur psychologie en suivant les méandre de leurs pensées et de leurs (longs) dialogues. Harpur se voit en chevalier blanc tout en risquant la vie d'un enfant. Iles, lui, se révèle dans des logorrhées dans lesquelles il se montre à la fois obséquieux et sarcastique. Son allure impeccable masque un cynisme effroyable. Chez lui, tout n'est que calcul et stratagème. Si les règlements de compte entre truands et les méfaits de policiers oeuvrant dans l'illégalité sont des incontournables du roman noir, je trouve l'approche de Bill James originale et percutante. Ses personnages ont une psychè tourmentée, leurs rapports sont basés sur les intérêts réciproques, et il parvient à créer une ambiance pesante.
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Lolita man

Le calme du Roi Richard, un hôtel luxueux du centre-ville, est à peine troublé par le va-et-vient des policiers. Le cadavre d'une adolescente a été découvert dans une des suites. Fiona est la cinquième victime d'un prédateur surnommé « l'obsédé des Lolita ». L'affaire donne lieu à une véritable guerre des polices : deux corps ont été trouvés dans le périmètre de la police du Comté, trois dans celui de la police de la ville. Les deux unités se concurrencent et collaborent a minima.



Bill James livre un portrait très sombre de la police. Il nous dépeint des policiers plus préoccupés par des luttes de pouvoir que par la résolution d'un crime. C'est le directeur adjoint Desmond Iles qui incarne avec beaucoup de réussite le rôle du responsable manipulateur et cynique. L'officier affable et élégant est mû par un égoïsme féroce. Son acolyte, Colin Harpur, qui dirige la section criminelle, parait plus humain, il éprouve une empathie sincère pour les victimes, mais il n'est pas plus vertueux. On le sent guidé par ses instincts, il poursuit sa relation adultérine avec la veuve d'un collègue mort en service (cf Raid sur la ville) et il est troublé par le corps d'une copine de ses filles en pleine affaire Lolita.



Bill James livre un portrait peu flatteur de policiers qui utilisent la violence comme force de persuasion, qui entrent par effraction où bon leur semble et qui se méfient d'une presse trop curieuse. Je n'ai pas été convaincu par les chapitres donnés du point de vue d'une des victimes et de son agresseur. Et j'ai trouvé que la première moitié du roman peinait sous la répétition des diatribes de Iles contre la police du Comté. Par contre, j'ai vraiment été accroché par ce duo antagoniste. Harpur et Iles ont des psychologies complexes qui pourront être d'un grand intérêt si elles sont habilement traitées. Bref, si ce deuxième opus de la série n'est pas sans défauts, il est prometteur.
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Raid sur la ville

Pour l'inspecteur Colin Harpur, un flic doit savoir marcher sur la corde raide. Il doit se montrer dur et inflexible tout en entretenant de bons rapports avec ses indics. Autrement dit, il doit fermer les yeux sur leurs activités illicites, deal de haschich ou recel d'oeuvre d'art. Des informateurs lui signalent justement que des caïds arrivés de Londres préparent le braquage d'une succursale de la Lloyd's. Reste à savoir quand ils opèreront. Harpur s'entoure d'une équipe de policiers aguerris pour intervenir le moment venu. C'est un coup important, certes, mais cela reste la routine de son travail de policier. Pourtant, les événements vont prendre un cours tragique. Les bandits suppriment les "balances" identifiées et Harpur va perdre deux de ses hommes, un premier avant le hold-up, un second au cours de l'assaut. Holly, le truand soupçonné d'être à la tête de l'opération, parvient à prendre la fuite. Harpur souhaite se venger et piste le truand en cavale, quitte à passer outre les consignes de sa direction.



Le roman est centré sur Colin Harpur, un policier à la personnalité contrastée. C'est un bon flic animé de l'esprit de corps mais qui est capable de recruter un policier dans son équipe dont il convoite l'épouse. le travail des policiers est décrit avec beaucoup de réalisme. L'auteur détaille le système trouble des indics. Il dénonce une hiérarchie policière dont la principale activité est de participer aux cérémonies officielles et qui se montre très soucieuse de l'opinion publique. Afin d'éviter toute bavure, les règles de la légitime défense sont si resserrées qu'elles en deviennent dangereuses pour les forces de l'ordre. Dans tous les cas, le policier sera coupable de n'avoir rien fait ou, au contraire, coupable d'en avoir trop fait. Et il y a également la question si anglaise des armes à feux. Un policier est contraint de partir à l'assaut d'une ferme isolée armé d'un seule brique. le roman a aussi une touche sociale. de nombreux scènes se déroulent dans la cité Ernest Bevin, véritable nid à délinquants, et dans un quartier pavillonnaire en ruine nommé Valencia. On croise le chemin de Paine, un dealer d'origine jamaïcaine qui économise pour payer les études de son fils, un poivrot capable de réciter du Yeats et Allen, un escroc minable qui dénonce les différences de traitement de la police entre les petits et les grands brigands.



J'ai découvert l'existence de Bill James en 2016 quand les éditions Rivages ont publié un de ses romans inédit en France : « le Big boss ». Vous connaissez mon souci de suivre la chronologie des cycles, j'ai donc choisi le premier volume pour découvrir la série « Harpur and Iles ». J'ai particulièrement apprécié son sens du réalisme. La narration resserrée offre au livre une dynamique plaisante. C'est une histoire de flic prêt à franchir la ligne jaune pour affronter des braqueurs, donc assez proche du scenario d'un film d'Olivier Marchal, mais marinéE dans le contexte de la Grande-Bretagne des années 80. Un polar convaincant.

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Sans états d'âme

Embrasser la profession de gangster, c’est renoncer aux avantages sociaux : assurance chômage, sécurité sociale, retraite complémentaire… Alors certes, le ministère de la Justice vous garde une cellule de 11m² au chaud, mais si l’insalubrité et la promiscuité vous pèsent, autant agir avec discernement. La prudence, c’est ce qui a permis à Ron Preston de durer dans le milieu. Il privilégie les petits braquages aux gros coups qui aiguillonnent la curiosité des policiers. Preston est renommé pour la préparation minutieuse de ses opérations, ce qui lui a valu le surnom de "Stratège". Il sait que la clef pour un braquage réussi, c’est la discrétion. Mais il est difficile de la garantir quand vous devez vous entourer de gros bras débutants et d’informateurs qui ont le défaut de parler trop facilement à votre goût. La date de l’attaque approche, la pression monte, le risque de fuite se multiplie. Le palpitant du Stratège va être mis à rude épreuve.



Bill James a pour particularité de livrer de longs dialogues dans lesquels il retranscrit les défauts de langage des personnages. Cela sonne vrai mais peut paraitre décousu car si certains ont une intelligence redoutable, d’autres sont plutôt bas de plafond. Le lecteur devine dans ces échanges les traits d’ironie, de cynisme ou de bêtise. La préparation d’un braquage est au centre de cet opus et James parvient à reproduire tous les sentiments contradictoires des protagonistes. Les motifs de remise en question sont nombreux et l'argent n'est pas le seul moteur pour cet assaut. Une nouvelle fois, les truands semblent avoir plus de principes moraux que notre duo d’enquêteurs qui assument totalement leur absence d’état d’âmes. Dans ce sixième volume de la série, le lecteur reprend le fil des histoires intimes des personnages : les mariages qui partent à vau l’eau, les adultères qui perdurent, l’inimitié entre le chef de la police et son adjoint qui reste vive, les indicateurs aux renseignements opportuns qui apparaissent de façon inopinée…. Mais tout en conservant ce fil conducteur, Bill James centre son récit sur les braqueurs et non sur les policiers. A chaque épisode de la série Harpur & Iles, je découvre de nouveaux spécimens de la faune de cette ville côtière : gangsters sentimentaux ou policiers cyniques. Publié il y a trente ans, « Sans états d'âme » conserve une tonalité particulière qui le différencie de la littérature policière habituelle et lui garantit un intérêt solide.

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À cheval sur une tombe

«La duplicité vient d’être élevée au rang de l’art.» Ce trait d’esprit de Desmond Iles vise Ralph Ember qui occupe à nouveau le devant de la scène. Dans « Club », l’épisode précédent, le patron du Monty avait été coopté - bien malgré lui - par une bande qui préparait un braquage. L’opération avait été couronnée de succès si on met de côté les membres du gang abattu et arrêté. Mais une corvée très délicate suit toujours un hold-up fructueux : il faut partager le butin en parts égales. Et ces fortunes bien mal acquises vont aiguiser les surveillances policières, bien sûr, mais aussi les appétits des prédateurs qui s’intéressent de près à cette pluie d’argent liquide. L’étau se resserre sur Ralph et le roman va se focaliser sur sa personnalité complexe. Ce qui compte ici, ce sont ses états d’âmes, il peut se montrer d’une férocité implacable puis d’une grande sensiblerie. Surnommé dans le milieu « Ralph la panique » pour sa lâcheté légendaire, il se montrera dans ce récit opiniâtre et coriace. Les autres truands ont bien tort de ne pas se méfier de lui. Mais la duplicité n’est pas réservée à notre bon Ralphy. Desmond Iles, l’adjoint au chef de la police, et le superintendant Colin Harpur continuent leur vaudeville : mépris, cocufiage et course à l’info. Leurs dialogues sont chargés de cynisme et de sous-entendus. Et c’est cet humour grinçant qui fait le charme de ce roman. L’auteur évacue le contexte politique et les questions sociales dans ce récit écrit au début des années 90. Il se concentre sur les personnalités et les relations entre policiers et truands. Le résultat est détestable et donc délectable…
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Club

C'est ce qui s'appelle se faire « casser la gueule »… le crâne de Ian Preston a été éclaté à coups de clef à molette. Son assassinat peut être lié à ses activités criminelles. Mais tous les regards se portent sur Desmond Iles, l'adjoint du chef de la police, car il était de notoriété publique que son épouse Sarah entretenait une liaison avec le truand. le policier ne fait rien pour contredire la rumeur, au contraire. Il peut compter sur la solidarité de ses collègues qui sauront ne pas poser de questions qui fâchent et ce, malgré les pressions de la hiérarchie et de l'opinion publique. La police est un club dont les membres se serrent les coudes aux moments opportuns. Les truands qui leur font face forment également un club à leur façon. Les membres sont sélectionnés, respectent un code d'honneur et sont capables d'entraide. Et puisque Preston est hors circuit, il faut le remplacer. Ralph, le patron du club le Monty bien connu des lecteurs de la série, est approché. Celui que tout le monde surnomme « la panique » est-il un bon candidat pour une opération criminelle de grande ampleur? Dans ce roman, on retrouve tout le talent de Bill James pour décrire le bouillonnement psychique de ses personnages. Les voilà tourmentés par des inclinaisons contradictoires qui les conduisent vers des chemins déraisonnables. Ils sont attirés par des pôles contraires : vertu ou licence, honorabilité ou crapulerie. Tout repose sur des faux-semblants, l'élégance et la déférence peuvent dissimuler le pire cynisme, la bravade peut masquer l'affolement. Je craignais que mon intérêt pour la série Harpur & Iles baisse à la lecture de ce septième opus. C'est l'inverse qui s'est produit. le roman est un des plus aboutis du cycle et condense tout les qualités de l'auteur gallois. A suivre donc !
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Franc-jeu

Le problème avec le mariage, c’est qu’il dure plus longtemps que la passion amoureuse. Le chef-adjoint de la police Desmond Iles en fait l'amère expérience. Avec Sarah, les ébats fougueux des débuts ont fait place à une intimité toute relative qui se limite à remplir en duo les mots fléchés du Times. Alors Madame se console ailleurs. Dans les romans précédents, elle avait trouvé du réconfort auprès d’un collègue policier de son mari. Bonjour l’ambiance dans le service... Il a été remplacé depuis peu par un… truand notoire, Madame s’encanaille. Les tourtereaux se rencontrent dans un club fréquenté par le milieu. Et un soir, Sarah Iles, Mme l’épouse du chef-adjoint de la police, assiste à un règlement de compte dont elle ne pourra rien dire à son époux. Et pourtant l’agression est importante puisqu’elle est le point de départ d’une guerre entre les deux gangs qui tiennent la ville. Ce cinquième opus est surprenant car Colin Harpur et Desmond Iles passent au second plan. Ils sont supplantés par Sarah Iles qui s’est mise dans une situation délicate. La voilà partagée entre ses principes et ses désirs. L’amour d’un beau truand peut vous faire basculer du mauvais côté. Nous suivons également les manigances d’un parrain qui cherche à se débarrasser d’un rival. Le roman repose sur le renseignement (les indics ont une nouvelle fois un rôle clef) et la manipulation. Les apparences sont trompeuses, tout n’est que mensonge et dissimulation. Franc-jeu tire sa force de la complexité et de l’ambiguïté de ses personnages mais s’embourbe parfois dans des monologues intérieurs qui ralentissent l'histoire.
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En de bonnes mains

*Voix de velours* Mesdames et Messieurs, veuillez détacher vos ceintures et allumer vos cigarettes, aujourd'hui, le commandant de bord vous propose un roman noir écrit par un maître de l'humour noir britannique.



Le commandant et l'équipage vous souhaitent une heureuse et plaisante lecture dans ce roman noir qui a tout d'une comédie du pouvoir entre flics et truands.



Nous volons depuis 15 pages et la température extérieure est de -7C°.



La vitesse de lecture est constante, même si la commandante est aux aguets, une pénurie pouvant arriver à tout moment…



Mesdames et messieurs, on nous signale du poste de pilotage des turbulences entre l'écriture du roman et la commandante de bord, Belette. Nous volons depuis à peine 30 pages pour le moment et la vitesse de lecture a diminuée fortement.



D'après les infos du steward en chef, la commandante survole le roman en diagonale et même ça, c'est pénibles, d'après elle. Ses radars ne détectent rien d'intéressant et selon les instruments du bord, c'est insipide, ce roman noir.



Mesdames et messieurs, attachez vos ceintures, les turbulences sont telles que le roman pourrait voler de ses propres ailes dans la cabine… Éteignez aussi vos cigarettes, l'autodafé n'est pas loin…



Mesdames et messieurs, atterrissage va avoir lieu plutôt que prévu, la commandante de bord a jeté le roman et pense sortir un autre plan de vol, quelque chose de plus aguichant, d'après mes sources auprès du steward en chef.



La commandante de bord parle d'un moteurs poussifs, de turbine ne turbinant pas, de personnel de bord à chier (que les passagers pardonnent à l'humble hôtesse de l'air que je suis), d'un plan de vol où l'humour noir devait avoir pris ses congés annuels ou d'un 4ème de couverture menteur.



Nous sommes au regret de vous dire que nous nous allons nous poser en vitesse et choisir une autre destination pendant que ce plan de vol là va aller servir de cale à une roue d'avion dans un hangar en pente douce.



Nous vous remercions pour le voyage, en espérant vous retrouver bientôt sur nos lignes, pour un vol un peu moins fade que celui qui fut le votre car malgré le titre, la commandante de bord n'a pas été "en de bonnes mains".


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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En son absence

Pas un avis sur Babelio, mais une moyenne faite avec quatre notes, que j’aimerai bien voir expliciter, parce que si je devais noter ce livre (je déteste noter des livres, je suis déjà contre les notes au collège, alors pour les livres, n’en parlons pas), je lui mettrai au-dessus de la moyenne.

Il n’est pas un roman policier comme les autres, il est le roman policier des coulisses. Non, nous ne suivrons pas le policier en mission d’infiltration, nous ne serons pas derrière lui, pas à pas, nous ne tremblerions pas derrière lui quand il sera à deux doigts d’être découvert, nous ne nous réjouirons pas quand il fera des découvertes significatives pour l’enquête qu’il sert. Nous ne partagerons pas ses sentiments, sa fierté, sa solitude, sa volonté d’en mettre un bon coup pour faire progresser cette enquête qui dure depuis huit ans. Huit ans sans que jamais la police, qui a mobilisé bon an mal an une dizaine d’hommes, ne parvienne à trouver la moindre preuve contre cette entreprise criminelle, qui n’est pas jugée criminelle puisqu’en vingt ans d’existence, elle semble ne jamais être sortie des clous. Non, nous ne lirons rien de toutes ses étapes imposées, davantage par le cinéma que par la littérature policière.



Nous nous dirons simplement : « la police, quelle bande de couillon ». Oui, c’est abrupte.



Esther Davidson est adjointe de la police, et elle a envie d’infiltrer un de ses hommes. Le séminaire de la police à laquelle elle assiste la convainc : oui, c’est possible, c’est faisable, et les témoignages de l’agent A et de l’agent B la confortent dans cette décision, qu’elle avait fortement envie de prendre. Puis, elle a elle-même été une agent infiltrée, elle sait donc ce que cela fait d’être ainsi sur le terrain, seule d’être quelqu’un d’autre, et d’être quelqu’un qui permet à l’enquête d’avancer de manière significative. Elle a sans doute oublié qu’elle a dû être exfiltrée en urgence, contre l’avis de son supérieur, qui s’est retrouvé à vendre des saucisses sur les marchés, parce qu’elle avait raison, elle avait vraiment été découverte.

Elle oublie aussi une absence, celle d’Iles, policier charismatique s’il en est. L’infiltration, il sait ce que c’est : il a infiltré un agent et des années après tout le monde s’en souvient, tout le monde, surtout lui : son agent a été massacré, les deux coupables supposés acquittés, puis retrouvés mystérieusement massacrés. Cet agent infiltré, il pense à lui sans arrêt, et si Esther l’avait écouté ne serait-ce qu’une seule fois, elle aurait renoncé. S’il était venu au séminaire, il l’aurait peut-être fait reculer, sauf qu’il a pensé que son absence en dirait bien plus que sa présence. A-t-il eu tort ? Il était en tout cas attendu par les deux ex-agents infiltrés, qui pensaient riposter vaillamment à ses questions. Comment riposter à une absence ?



Iles est également absent, quasiment absent de l’intrigue. Ses rares apparitions n’en sont que plus cinglantes. En effet, le livre devient un livre de procès, du coupable possible, des résumés de la juge – j’ai découvert cette pratique anglaise – et du fait que la justice semble ne pas pouvoir passer – tout simplement parce qu’il manque encore et toujours ses fameuses preuves, et que la police a manqué de prendre des précautions.



Oui, s’il n’y avait pas mort d’hommes et de femmes aussi, voir la déconfiture de la police, la manière dont l’agent infiltré a été manipulé serait presque risible. Ce n’est plus (ce n’est pas ?) une mission d’infiltration, c’est une lutte pour imposer l’agent que l’on a choisi, au détriment de celle choisie par le responsable de l’infiltration. Parce que c’est un homme, et que c’est moins risqué. Parce qu’il est célibataire, elle est fiancée, et tant pis si Esther enjolive un peu la réalité : c’est elle qui paiera les pots cassés si la mission foire. C’est elle qui vivra avec, effectivement.

Esther. J’ai eu franchement du mal avec elle, non d’un point de vue professionnel, mais d’un point de vue personnel. Comment peut-elle vivre avec un mari comme le sien ? Merci de ne pas me dire qu’elle l’aime au point d’en oublier ce qu’il lui fait subir. Pour qualifier leur relation, j’hésite entre « elle est toxique », ou « elle est sado-masochiste ». Elle est sans doute un mélange des deux. Leurs dialogues sont d’ailleurs un chef d’oeuvre – ou comment fait-elle tout pour choisir les mots qui ne vont surtout pas mettre le feu aux poudres, un art de la communication trop souvent réservé aux femmes maltraitées.

De nombreuses enquêtes d’Iles restent à traduire… J’aimerai bien lire la suite en VF, nous avons de très bons traducteurs en France (ce volume est traduit par Danièle Bondil), parce que l’absence d’Iles se prolonge – cette enquête date de 2008, dix autres ont été publiées depuis.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Le Big Boss

Je découvre la série Harpur et Iles avec cet opus, découvrant en même temps que de nombreux titres n’ont pas été traduits en français – ou restent encore à traduire pour le plus grand plaisir des lecteurs, c’est selon. Ce n’est rien de dire que ce n’est pas vraiment l’entente entre eux. C’est encore moins l’entente avec le chef de la police, Mark Lane, qui sort tout juste d’une grande dépression nerveuse et ne va pas vraiment bien. En plus, l’affaire qui leur est tombée dessus est tout sauf facile, paisible, jouable. Que des revendeurs de drogue de réseaux différents se tirent dessus, en pleine rue, en pleine journée, est déjà hautement pénible (que fait la police, franchement ?) mais qu’une gamine de treize ans ait été tuée, alors là, franchement (bis), rien ne va plus. Surtout, il ne faut pas longtemps avant que la police ne découvre – et ne garde l’information pour elle, après tout, enquêter, c’est enquêter, on ne va pas tout dire à la presse, qui laisse sous-entendre que la police « couvre » le chef des dealers. Ce n’est pas vrai, puisque ce n’est pas lui le responsable. Il faut pourtant bien le trouver. Il faut pourtant parvenir à s’entendre dans la police, entre ceux qui veulent infiltrer un policier dans l’un des réseaux de drogue, et ceux qui ne veulent surtout pas, se rappelant le désastre récent qui a entraîné la mort d’un policier infiltré.

De l’autre côté, nous avons le chef du réseau. Il est un homme qui a plus de points communs avec les policiers qu’on ne le pense. Il réfléchit toujours à ce qui se fait, ne se fait pas, est bouleversé par la mort de Mandy parce que franchement, il n’avait absolument pas voulu cela, et croit ses hommes quand ils lui disent qu’ils n’ont pas tiré sur elle. Il tient à une certaine forme de respectabilité : il a une maison somptueuse (qui n’est pas sans rappeler celle du chef de la police), il est séparé de sa femme et a la garde de ses enfants (la justice est bien faite), Il a aussi des contacts privilégiés avec un policier, qui le tient, moyennant finance, informé de beaucoup d’événements, et ne rêve que d’une collaboration plus poussée avec la police « comme cela existe ailleurs », dit-on. Autant vous dire que l’image de la police en prend sérieusement un coup si tel est le cas ! Le livre a été écrit en 1996, et je trouve bon de m’en souvenir, et aussi de lire des polars des années 90, un peu oublié à notre époque où l’on zappe énormément. En tout cas, c’est quasiment la guerre dans les services de police, pas seulement une guerre ouverte, non, mais une guerre où toutes les ruses sont permises pour parvenir à ses fins, surtout quand un (oui, il suffit d’un) policier est un « ripoux » . Je ne me permettrai pas de juger son intelligence : son sens de la ruse, du louvoiement, son instinct de protection sont très forts. Pour le sens de la justice, le véritable rôle de la police, vous repasserez.

En lisant ce livre, j’ai vraiment eu l’impression de voir une police débordée, débordée par l’ampleur du trafic de drogue, qui contamine même les tous jeunes adolescents, débordée par les luttes internes, le mal-être des policiers, la corruption aussi, et les « gangsters », ayant un souci de respectabilité, tout en subissant des luttes, internes et externes. Je n’ai garde d’oublier les vies sentimentales des uns et des autres, très compliquées. Et si les « gangsters » s’expriment de manière châtiée, ce n’est pas vraiment le cas des policiers.

Un auteur que je suis ravie de (re) découvrir.




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Retour après la nuit

« Lorsqu’elle fut assassinée de trois coups de couteaux dans la poitrine sur un parking de gare, Megan Harpur rentrait chez elle dire à son mari qu’elle le quittait pour un autre homme. »

Ainsi s’ouvre ce dixième volume consacré à Colin Harpur et son chef, Desmond Iles. Le meurtre de Megan Harpur sera bien entendu au centre de ce roman dans lequel Bill James décide d’utiliser un nouveau type de narration qui alterne les chapitres qui remontent à contretemps la journée de la femme de l’inspecteur depuis son assassinat, et ceux consacrés à l’enquête et surtout au deuil d’Harpur. Moins que la recherche du coupable, ce à quoi s’intéresse ici Bill James c’est la mort progressive du couple formé par Megan et Colin que cet acte de violence, en fin de compte, vient parachever symboliquement. Reste à Harpur et à ses deux filles adolescentes, non pas à gérer l’absence de Megan, mais le fardeau des reproches que tous peuvent se faire maintenant qu’il n’est plus besoin de faire comme si de rien n’était.

De fait, les infidélités d’Harpur et de sa femme, n’éclatent pas stricto sensu, au grand jour, puisque tout le monde, y compris leurs filles, était au courant. Mais le fait qu’elles soient enfin actées rend d’autant plus pathétique leur histoire. Et l’agitation créée par l’enquête et les obsèques vient encore ajouter au tragique et, parfois, au ridicule. Déterminé à retrouver l’assassin de sa femme comme pour tenter de donner à cette dernière une ultime preuve de l’amour qu’il a pu éprouver pour elle, Colin Harpur doit cependant composer avec l’attitude erratique de ses filles, l’immixtion d’Iles dans sa vie privée, et Denise, sa jeune maîtresse qui veut autant le consoler que se sentir protéger.

Bill James, par le biais de cette enquête lente qui touche à l’intimité de l’un de ses héros principaux met en place un roman intimiste où la tendresse réelle qu’il éprouve de toute évidence pour ses personnages n’empêche pas à leur égard une forme de cruelle lucidité : ils ne sont que des femmes et des hommes comme les autres quand bien même ils sont confrontés à des événements exceptionnels et se révèlent souvent médiocres sur le plan humain. Quant au deuil, il n’efface ni l’égoïsme, ni les jeux de pouvoirs et ravive même certaines tensions. Comme toujours, les dialogues, les confrontations entre Iles et Harpur ou entre ce dernier et son indic, Jack Lamb, sont des monuments de cynisme et de mesquinerie que vient parfois polir une velléité chez l’un ou l’autre d’exprimer de la compassion ou simplement un peu d’amitié à l’égard de son interlocuteur.

Une fois de plus on est impressionné par la cohérence du monde que créé Bill James en avançant dans sa série, par la manière dont des graines semées dans l’un ou l’autre des volumes se mettent à pousser deux, ou trois romans plus tard. Et puis on rit, ou plutôt on ricane, et même jaune souvent, alors que l’on perçoit de plus en plus la vision pessimiste pour ne pas dire désespérée qu’a James de l’espèce humaine. Retour après la nuit n’est donc pas le plus joyeux des romans de la série, mais il est certainement celui qui met le plus à nu ses personnages avec une appréciable élégance dans le cynisme.


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À cheval sur une tombe

Ralph Ember, dit Ralph la Panique, patron du Monty, le club dans lequel se retrouve toute la pègre de la ville, mais aussi une partie de la police, a commencé à prendre de l’importance dans la série de Bill James avec le roman précédent, Club. Il est totalement au centre d’À cheval sur une tombe.

En effet, après le braquage décrit précédemment et ses conséquences aussi désagréables pour une partie des braqueurs et des braqués que pour la police, Ember se retrouve assis sur une partie du magot. Bien assez pour susciter des convoitises, mais trop peu à son goût. Sous la surveillance étroite de Harpur et Iles et celle de quelques anciens complices qui se sentent lésés, Ralph cède quelque peu à cette panique à laquelle il doit son surnom. Une panique qui peut s’exprimer de diverses façons : paralysie, crises de culpabilité et besoin de réparer qui va avec, ou explosions de violences. Quand cette incapacité à tenir ses nerfs se mêle non seulement à son avidité mais aussi à son besoin maladif de reconnaissance, il s’engage sur une pente particulièrement glissante. Le meurtre de l’organisateur du braquage, le redouté Oliver le Diplomate, puis l’enlèvement de la fille adolescente de ce dernier et la demande de rançon qui va avec mettent Ember en porte-à-faux. Coincé entre la femme du Diplomate, sa propre famille, la police et les mystérieux ravisseurs, la Panique se retrouve de fait à cheval sur une tombe qui pourrait bien être la sienne.

Ce huitième volet des enquêtes de Harpur et Iles, plus encore que le précédent, laisse un peu les deux policiers de côté pour se concentrer, donc, sur la manière dont Ralph Ember semble, une mauvaise décision en entraînant une autre et le poussant à s’enfoncer un peu plus, creuser sa propre tombe. Ce tourbillon de choix regrettables qui poussent peu à peu Ember dans l’impasse est parfaitement construit par un Bill James qui paraît prendre un véritable plaisir à le malmener et à le peler comme un oignon de roman en roman pour nous en révéler chacune des facettes et construire ainsi un personnage d’une rare complexité.

À la périphérie, Iles et Harpur ne demeurent pas figés. La relation entre les deux hommes évolue lentement mais, sous le couvert de l’humour, les piques se font plus acérées et l’on sent une véritable tension s’installer, laissant présager de heurts à venir.

« - J’adore cette notion, la mer reconquiert des espaces que l’homme a investis, déclara Iles. Il y a des gens que cela terrifie, bien sûr. Ils redoutent l’apocalypse. Personnellement, je me suis toujours senti une affinité avec l’océan déchaîné.

-J’ai entendu certaines personnes évoquer cette ressemblance, chef, dit Harpur.

-Avec quel océan ? demanda Iles.

-Oh, un des meilleurs, chef. »

Bill James maintient le cap : ses romans demeurent de purs romans noirs, et de terribles études des travers humains, en particulier de l’égotisme de ses personnages, flics, voyous, femmes des uns et des autres. L’humour, tout à la fois salutaire et cruel, vient encore renforcer cette noirceur en la teintant d’une bonne dose de cynisme et certainement d’un soupçon de misanthropie. Bref, tout cela est toujours aussi réjouissant.


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Protection

Quatrième volet des enquêtes de Colin Harpur et de son cynique supérieur, Protection est une nouvelle plongée au cœur des mondes définitivement poreux des policiers et des truands. Ivor Wright, figure du Milieu, a été travaillé à la lampe à souder par son concurrent Bernard Mellick, dit Le Tendre. Pour se venger, il fait enlever Graham, onze ans, l’enfant mentalement attardé du Tendre. Mis au courant par son informateur Jack Lamb, Harpur est dans l’impossibilité d’agir car Mellick refuse de mettre la police au courant lui-même et parce qu’une intervention directe révèlerait le rôle de Lamb.

Le titre du roman fait bien entendu référence au fait que Harpur doit trouver le moyen de protéger Graham Mellick, mais aussi à la façon dont Mellick entend protéger son fils seul, à celle dont Harpur protège son informateur et, surtout, au fait que la police veut protéger sa réputation. En effet, Hubert Scott, policier aux méthodes peu orthodoxes vient de prendre sa retraite et la police des polices s’intéresse de très près aux relations que ce dernier a pu entretenir avec Mellick. Relations particulièrement fructueuses pour Scott, qui quitte la police avec un compte en banque bien garni. Il s’agit donc pour Harpur, sous les ordres d’Iles, de trouver un moyen de dédouaner Scott qui détient par ailleurs beaucoup d’informations sur les entorses au règlement des uns et des autres.

Ce sont toutes les manœuvres des deux camps pour tenter de trouver une porte de sortie honorable qui sont au cœur de Protection et, partant, Bill James dresse un portrait acerbe des truands comme des policiers, deux organisations au fonctionnement finalement très proches, obéissant à des règles présentées comme des codes d’honneur que l’on piétine dès que l’on a quelque chose à perdre à les suivre.

Comme toujours, personne ne sort grandi du roman de Bill James, impitoyable metteur en scènes des travers humains, de la jalousie, de la trahison et de la bassesse des uns et des autres. Seul un enfant attardé trouve finalement grâce aux yeux d’un auteur qui, pour être sans pitié à l’égard des faiblesses humaines ne tombe pas dans la misanthropie. Sans excuser ni accuser, il donne à voir des hommes et des femmes mus par leurs peurs et leurs ambitions, tiraillés par leurs contradictions et qui, pour la plupart, sont tout à fait conscients de leurs propres défaillances.

Cela n’empêche donc pas, dans cet océan de noirceur, un peu de compassion et même d’humour. Il y a bien entendu quelques truands bas du front mais fidèles à leurs engagements comme l’inénarrable Idem Repeto qui passe son temps à répéter ce que disent ses comparses pour se convaincre que les idées viennent de lui, mais aussi ces policiers obsédés par leur réputation et tiraillés entre leur désir non pas de sauver le monde, mais d’apparaître comme des sauveurs, et tellement peu fiables eux-mêmes qu’ils sont incapables de faire confiance à qui que ce soit. Iles en est l’archétype et son cynisme et sa franchise déroutante, roman après roman, ne cessent de se renforcer la tonalité amère de cette série aussi âpre que réjouissante.

« -(…) De temps en temps, je passe ma langue sur une tasse dans laquelle elle a bu.

-Une tasse ? Quel genre de tasse ?

-Allons, Col. Vous savez ce qu’est une tasse, non ? L’objet qu’on pose sur une soucoupe. Vous n’avez jamais fait ça ?

-Non chef, je ne pense pas que ça me soit arrivé, je ne sais pas pourquoi.

-Quand elle rentre tard, elle se fait du thé.

-C’est un sédatif, chef. Je fais ça, moi aussi. Vous aimez être au contact de quelque chose qu’elle a touché avec sa bouche ? Je trouve cela très émouvant, chef.

-Il y a un goût de bite là où ses lèvres ont bu.

Harpur conduisit en silence un moment.

-Je sais, reprit Iles, vous allez dire que vous ne seriez pas capable de reconnaître ce goût.

-Je ne veux pas jouer les moralisateurs, chef.

-Je présume qu’avec tout cela, je vous fais l’effet d’avoir des mœurs bizarres.

-Est-ce qu’elle… ?

-Sait ? Me voit faire ? Est-ce que je lui dis ? Bien sûr que non. Que je lèche la vaisselle ? Pour qui me prenez-vous, bon Dieu ? Écoutez, un jour je rencontre des membres de la famille royale lors d’une réception, j’échange des mondanités sur Mahler u notre nouveau centre de loisirs, et le lendemain je… Enfin, de qui aurais-je l’air ?

-Eh bien, vous devez avoir beaucoup de sentiments pour Sarah.

-À ma manière, oui, je le crois. À ma manière.

-Je pense que nul ne pourrait mieux dire, chef.

-Trop aimable.

-Je maintiens cependant que vous pourriez vous tromper à son sujet.

-Vous voulez dire qu’on a inventé des sachets de thé avec un parfum spécial pour femmes frustrées ? »


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Le Cortège du souvenir

Romans, récits autobiographiques ou films, la figure du policier infiltré dans une organisation criminelle est devenue un motif habituel du genre noir ou policier. Pas étonnant qu’on la retrouve chez Bill James qui, en 1987 (date de parution originale), décide d’en faire le thème du Cortège du souvenir.

L’infiltré, ici, s’appelle Ray Street. Jeune policier ambitieux, il a, sous les ordres de Colin Harpur, pénétré au cœur de l’organisation de Jamieson. Plus encore, il a pénétré le lit de Jamieson, chef de gang sociopathe tombé amoureux de celui qu’il croît être un jeune voyou dévoué. Mais une livraison de drogue à laquelle participe Street se passe mal ; la police veut faire tomber Jamieson et retirer au plus vite Street du dispositif. Sauf que ce dernier est allé trop loin pour accepter d’abandonner une mission pour laquelle il a franchi nombre de barrières morales.

Ça n’est là que le début de ce troisième volet de la série mettant en scène Harpur et Iles. Car Bill James, aime les ruptures et commencer réellement ses romans là où d’autres arrêteraient les leurs. La destinée tragique de Street est inéluctable. On le sait très tôt. Et les dilemmes qui agitent Harpur, coincé entre un Street trop impliqué pour vouloir se retirer et une hiérarchie effrayée moins par les risques que prend leur agent que par ceux de voir révélées les compromissions qu’il a acceptées pour mener sa mission, ne font que mettre l’accent sur cet inévitable dénouement fatal.

Street va mourir. On le sait et, d’une certaine manière, lui-même comme Harpur, Iles ou le chef Lane le savent aussi, ce qui n’empêche nullement Bill James, dans une première partie de son roman de faire progressivement monter la tension et de captiver le lecteur.

Vient ensuite le temps de la justice. Ou, comme cela apparaît très vite, le temps de la vengeance. Car pour traduire un criminel devant la justice, il faut des preuves. Et un criminel aussi retors que Jamieson n’en laisse pas. Il convient donc de les fabriquer. Et James de jouer encore une fois avec ses personnages principaux. Harpur, encore et toujours accablé sous le poids de divers fardeaux – la mort de Street dont il se sent nécessairement responsable, sa liaison avec Ruth Avery – et Iles, cynique, opportuniste, toujours prêt à sacrifier des pions pour sauver sa place mais par ailleurs convaincu qu’il est impossible pour son institution de montrer un quelconque signe de faiblesse vis-à-vis du crime organisé. Ainsi se joue une nouvelle alliance de circonstances qui ne fait que tendre encore les relations entre les deux hommes et les placer en porte-à-faux vis-à-vis de leur hiérarchie, mais aussi de leurs troupes.

D’un motif classique, Bill James arrive donc finalement à tirer un roman très dense derrière une structure étonnante qui utilise volontiers l’élision pour mieux avancer sans accumuler les explications fastidieuses. Il pose par ailleurs un certain nombre de questions morales – et notamment sur la manière dont on s’accommode ou pas des arrangements avec la sienne propre – et, surtout, creuse encore et toujours l’étude de caractères de ce groupe de policiers en équilibre sur une ligne jaune qu’ils franchissent régulièrement.

Conjuguant la force de l’intrigue et l’épaisseur du fond, Le cortège du souvenir apparaît comme l’un des meilleurs romans de cette série d’une rare qualité.


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Raid sur la ville

Raid sur la ville paraît en 1985 et est centré sur le personnage d’Harpur, Iles apparaissant à la marge. Super intendant de la police dans une ville côtière jamais nommée, Colin Harpur prépare dans ce premier roman de la série un coup de filet d’importance. Des pointures du crime londonien doivent braquer une succursale de la Lloyd’s sur le territoire d’Harpur et celui-ci, informé par Jack Lamb, un truand local, a décidé de les attendre de pied ferme. Pour cela, il a monté dans les jours précédents une équipe de choc dans laquelle il a intégré Brian Avery, non sans arrière-pensées :

« Avery était un policier au potentiel intéressant, et Mme Avery avait, elle aussi, du potentiel. Ce travail en équipe, ça vous incitait à côtoyer l’épouse et la famille d’un collègue. Les membres d’une bonne équipe devenaient très liés, se retrouvaient chez l’un ou chez l’autre, pas seulement au poste, buvaient souvent ensemble, amenant parfois leurs femmes avec eux. Il avait très envie de trouver un chemin qui le mène à Mme Avery, et s’il choisissait Brian, il serait tout tracé. »

Et, comme de bien entendu, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Les braqueurs vont reporter leur coup, Brian Avery va vouloir faire cavalier seul et disparaître, les truands vont écumer la ville pour se débarrasser des potentiels informateurs de la police et le hold-up va finalement avoir lieu mais prendre au dépourvu l’équipe d’Harper et faire des victimes. Et Harpur va tenter de surnager dans ce chaos… tout en gardant un œil intéressé sur Mme Avery.

Bill James met ici en place ses personnages et les liens qui les unissent. Harpur avançant sur la ligne ténue qui sépare le bon flic du corrompu, qui se voudrait moralement droit mais peine à réfréner ses pulsions sexuelles, fraye avec Jack Lamb, voleur et receleur dont la réussite dans le crime lui a permis d’intégrer la bonne société locale, et ne sait comment concilier ce qu’il est et ce qu’il fait avec l’image qu’il voudrait avoir de lui-même. Jack Lamb qui montre l’assurance du truand qui a réussi mais passe son temps à regarder par-dessus son épaule avec la crainte de voir un de ceux qu’il aura dénoncé assouvir sa vengeance. Megan, la femme d’Harpur, qui tente de garder son mari dans un chemin qui soit à peu près droit et de sauver leur couple. Iles, l’adjoint au directeur de la police, soucieux d’éviter toute mauvaise publicité à son institution et prêt pour cela à basculer sporadiquement du mauvais côté.

Dans ce Raid sur la ville, Bill James met en place une mécanique bien huilée et resserre peu à peu l’étau sur ses personnages, les poussent dans leurs derniers retranchements et les confrontent à leurs limites, à leurs craintes les plus intimes et à leurs défaillances. Harpur va ainsi devoir se poser des questions sur la manière dont il traite Jack Lamb, criminel de haut vol bien installé dans la société d’un côté, acceptant même de se faire manipuler par lui, et de l’autre Royston Paine, petit dealer de cité, lui aussi son informateur, mais pour lequel il éprouve un net mépris, au risque de le sacrifier à son enquête. Il devra aussi assumer ses manœuvres visant à séduire la femme d’Avery, y compris lorsque, totalement ravagée par la disparition de son époux, elle compte sur son aide.

Derrière tout cela, James, par petites touches, évoque la société des années Thatcher, les carences institutionnelles de la police et la manière dont les ambitions personnelles semblent prévaloir sur l’intérêt général. Il le fait de manière souvent abrupte, avec un cynisme consommé, un humour à froid terrible qui met en relief la terrible noirceur de son histoire.


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Question d'éthique

L'inspecteur Colin Harpur est amoureux d'une jeune étudiante, Denise. Celle-ci est amie avec la compagne de Jack Lamb, un indic de Harpur, mais ignore la relation entre les deux hommes. Voyant Denise se rendre régulièrement chez Lamb et chez Harpur, des truands veulent l'éliminer...



Personne mieux que James ne décrit le monde à la morale fluctuante où se croisent flics et truands. Du polar à l'ancienne chez rivages. Du polar pur et dur, du roman noir comme on l'aime. Du très bon, de l'excellent polar.

Lu et approuvé !
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