Tout est sombre. Jésus est le seul élément lumineux du tableau. Peut-être que Rembrandt a voulu traduire concrètement, matériellement, les mots qui disaient que le Christ était la LUMIERE DU MONDE ?
Exactement comme dans les films.
Ou alors c'est moi qui vois ce que j'ai envie de voir.
Parce qu'il faut que tout soit beau, maintenant.
Quand même, je le sens, il faut que je fasse quelque chose de marquant durant ce voyage. Et je m'aperçois qu'en plus, j'ai oublié mon appareil photo.
Double dose de déprime : c'est malin, pour une fille qui est peut-être en train de perdre la vue. Bon, peut-être pas.
Il va falloir photographier le plus de choses possible dans ma tête, pour qu'elles y restent. Si seulement je savais quelles images valent la peine d'être enregistrées.
Je pourrais peut-être aller dans des musées, tout ça, voir des tableaux importants, les plus beaux, peints par les plus grands artistes, les meilleurs, ceux qui étaient les plus forts pour regarder le monde.
Il y a quelque chose d'absurde à voyager de cette manière, traverser une frontière par-ci par-là, se réveiller dans un nouveau pays.
Le train, quelquefois, c'est plus qu'un moyen de transport.
A condition qu'il ne reste pas à l'arrêt pendant des lustres, qu'il ne soit pas bondé et qu'on n'ait pas à en changer trop souvent, on voyage comme ça, presque en rêve, on se laisse emporter dans une espèce de douce somnolence, pas besoin de penser,
et moi, justement, ça me fait beaucoup de bien.
Ce tableau-là [la crucifixion de Grünewald] donne l'idée qu'il y a de l'espoir.
Plus c'est noir, plus la lumière est forte.
"-Il m'arrive aussi de me dire que tuer des gens, c'est plus simple que de les aimer. Enfin, je ne sais pas. C'est sans doute une petite phrase que j'ai lue quelque part, et que je répète pour faire maligne.
-Mais l'amour, ça t'obsède?
-Je suis une grande théoricienne
Jan me regarde avec ses yeux très bleus et un sourire gêné aux entournures.
Viiiouuufff !
Pile à ce moment-là, la foudre tombe sur moi, gronde en moi : je suis probablement raide morte amoureuse.
La vérité, la voilà : je serai seule. Seule avec ma peur.
Et je me dis que même si je ne deviens pas aveugle, un jour, de toute manière, je mourrai. De toute manière, le noir se fera.
C'est peut-être tout ce qu'on peut faire les uns pour les autres ?
Pas de réparations. Pas de trucs magiques. Juste chanter, consoler, prier.
L'art est un mensonge qui dit la vérité