Rien n’était prévu à l’avance. C’est le genre d’itinéraire que l’on établit au fur et à mesure, d’une petite ville illuminée à une autre. On relâche le frein à main et on se laisse dériver au gré de son cœur. Et ce n’est pas si facile que ça.
Pense à tous les poulets, les cueilleurs de haricots, les ouvriers des usines de conserve, les cultivateurs de tomates, les routiers du monde qui ont sué sang et eau pour que tu aies le ventre plein et que tu prennes des forces. C’est comme un médicament. Et on n’en sera pas dignes si on ne leur en est pas reconnaissants.
Dans ton cœur se niche une beauté terrible, dont la cicatrice est pareille à un sceau, recouvrant la ville fêlée et dure comme une pellicule aux couleurs criardes. Sur ton visage, en surimpression, se dessinent les traits que tu affichais quand tu étais avec moi dans les montagnes. Un visage plus lumineux, plus jeune, plus doux, à l’image du climat. Tu liras des livres – des livres de poche –, cherchant des phrases qui te permettront de raviver tes blessures. Et tu dois les raviver. N’oublie jamais cette douleur. N’oublie jamais ce que tu as vu avec moi. Tes souvenirs te sauveront. Tu seras comme un pommier poussant au milieu des immeubles couleur cendre de cette ville de granit.
– Quand quelqu’un te fait un compliment, la politesse requiert que tu dises merci.
Un jour , dit-il, on louera une caravane. Argentée, comme celles d'il y a cinquante ans, Tu auras dix-sept ans, tu porteras une jupe longue et tu auras les cheveux attachés avec un foulard jaune à pois. On parcourra le pays, allant de marchand de glaces en marchand de glaces. On planifiera bien à l'avance pour qu'on arrive dans une nouvelle ville se soit l'apogée du printemps-une brise fraîche, des bourgeons blancs, et tout ça. Un beau soleil, des restes de pluie qui gouttent des arbres, le retour des oiseaux et toi, avec ton foulard jaune.
Sois forte. Quand tu as la chance de connaître un amour comme le nôtre, il faut ensuite être assez forte pour le supporter. Un amour comme le nôtre coûte cher.
A la longue, elle en viendrait à le considérer comme un caprice, une erreur, une période étrange de sa vie à laquelle elle avait survécu quand elle avait onze ans. Dans ses souvenirs à lui, elle serait tous les jours plus belle, plus précieuse. Dans les siens, il deviendrait un monstre.
Une chose ne peut grossir indéfiniment sans se dégonfler ensuite, comme si elle répondait à une loi tacite de l’univers que tout le monde connaît mais oublie involontairement.
Les amis, ça fait parfois des erreurs et de mauvais calculs, mais ça reste des amis, non ?
En vieillissant, tu commences à apprécier combien la vie est courte. Vraiment courte.