Citations de Boris Akounine (142)
Ce n'est rien, pensa Senka encore tout ramolli. La tête a peur mais le corps agit. L'être humain s'accoutume à tout. On peut, on peut s'accommoder d'être riche.
Même dans l'Evangile on le disait bien, que les gens qui possédaient des richesses étaient les plus indigents de tous.
La vraie mort n'a nul besoin d'amants et de maîtresses.
Le temps viendra forcément où vous ferez la connaissance de cette dame ennuyeuse, chacun à son heure. Aucun de vous n'échappera à cette rencontre.
Où sont donc passés les vrais artistes du crime? J'exécuterais les assassins pour les punir, non pas d'avoir tué, mais d'avoir accompli leur oeuvre de sang de manière aussi triviale et médiocre!
De manière générale, j'ai l'impression que les "transports de volupté" dont parlent les auteurs russes dans un flou éloquent, et les plaisirs de la chair décrits par la littérature française contemporaine avec un bien plus grand luxe de détail, ne sont encore qu'une invention de l'humanité pour donner un peu de romantisme au pesant devoir de perpétuer l'espèce.
La Mort n'est pas de ces fiancées qu'on traîne de force à l'autel.
Les autres, plus fautifs, sont voués à de pénibles travaux de forçat durant soixante-dix, quatre-vingts, parfois même cent ans. Ceux qui parviennent à un âge très avancé sont les pires des criminels, et qui n 'ont mérité aucune indulgence. Et cependant, tôt ou tard, la Mort, dans son infinie bonté, accorde son pardon à chacun.
Tous les être vivants, sans exception, ne sont que scories, rebuts, criminels condamnés au quotidien supplice de la vie pour quelque forfait oublié de nous mais à coup sûr extrêmement grave. Certains d'entre nous sont moins coupables, et se voient pour cette raison condamnés à une peine plus courte. Ceux là retournent à la Mort à peine nés.
Elle se connaissait ce défaut : elle avait la comprenette difficile. Non, elle ne se tenait pas du tout pour sotte (Dieu merci, elle était plus maligne que beaucoup), elle avait simplement l'esprit un peu lent, au point qu'elle s'en irritait quelquefois.
[...] le regard de Fandorine tomba sur une photographie ornée d'un cadre d'argent, posée en évidence sur le bureau. Elle représentait un visage à ce point remarquable qu'Eraste Pétrovitch en oublia le buvard : se tenant de profil, une Cléopâtre à la somptueuse chevelure et aux immenses yeux d'un noir mat le regardait.
Le principal malheur d’un couple qui ne parvient pas à s’entendre, c’est qu’il est très malaisé de se désunir, même si l’union n’a pas été bénie par l’Église . Ce n’est pas même une histoire de paperasses ! La parole de l’honnête homme n’est pas du vent. Dès lors qu’il a offert son cœur et sa main, il ne saurait les reprendre. Certes, on n’est peut-être pas maître de son cœur, mais de sa main, si – le doute n’est pas permis.
Pouvait-on exiger d’un papillon qu’il restât constamment perché sur la même fleur ? Pouvait-on attendre d’une cigale qu’elle vécût comme une fourmi ? Pouvait-on reprocher à une sirène d’être incapable de se passer de la mer et des vagues ? Là était la première erreur. La deuxième pesait également tout entière sur la conscience de Fandorine. Il est au monde des hommes pour lesquels le mariage est physiologiquement contre-indiqué.
Parce qu’on ne peut pardonner un affront. À personne ? Un affront laissé sans réponse rompt l’équilibre de la justice et entache le karma de l’honnête homme, se dit Eraste Pétrovitch, mélangeant sans vergogne bouddhisme et confucianisme.
L’un des sentiments les plus indignes susceptibles de s’emparer d’un être humain est l’impression d’être incapable de soulever le fardeau qu’on a pris sur ses épaules et d’atteindre le but qu’on s’est fixé. Dès lors qu’on accepte de plein gré de se charger d’un faix, il faut considérer qu’on le porte déjà ; quant au but qu’on s’est assigné, rien ne saurait empêcher de l’atteindre, hormis la mort – et encore seulement de manière temporaire, puisqu’en sa vie suivante on l’atteindra de toute façon.
Il est de règle de tenir son nikki chaque jour. Il n’est pas de motif valable qui autorise à l’interrompre. Ni la maladie, ni le chagrin, ni le danger ne peuvent être invoqués pour excuse. Si vous vous trouvez en plein désert, sans papier ni pinceau, écrivez sur le sable avec un bâton. Si vous avez été victime d’un naufrage et que vous flottez sur la mer, étendu sur une planche, promenez votre doigt sur la surface de l’eau.
Le style est d’une extraordinaire importance, en aucun cas on ne saurait en changer.
Ces épanchements quotidiens sur les pages d’un cahier ont pour véritable sens de développer la clarté de l’intelligence et de l’esprit. Quand on considère le journal intime (nikki en japonais) de cette manière, il ne s’agit plus de barbouiller du papier, mais de suivre une Voie, et pas des plus simples.
Si la marine de guerre, à l’exemple de celle d’Angleterre, abandonne le charbon pour le pétrole, les prix vont faire un bond encore plus haut. Je puis vous dire, en tant que spécialiste des moteurs Diesel…
« L’art de la marche furtive » était une science d’une extraordinaire difficulté. Un vrai maître pouvait se déplacer de manière à ce point silencieuse que même l’ouïe la plus fine ne percevait pas le moindre bruit.
Les philosophes avaient raison, qui affirmaient que la majorité des gens n’utilisaient que dans une très faible mesure les ressources dont Dieu ou la nature les avaient dotés : ils ne faisaient que puiser dans la couche supérieure, sans presque jamais toucher celle située en profondeur, qui recelait pourtant les plus grands trésors. Pour atteindre ces gisements, il fallait travailler dur, mais ces efforts étaient généreusement récompensés.
D’ordinaire les gens en colère s’embrasent rapidement et tout aussi vite se consument. Fandorine, lui, quand il était dans cet état (pour lui fort rare), paraissait se figer, et si sa rage ne trouvait pas d’exutoire, en son être s’installait une période glaciaire.