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3.52/5 (sur 24 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Berlin,Allemagne , le 29/05/1923
Mort(e) à : Neuilly , le 11/02/2008
Biographie :

Né dans une famille juive d’origine russe exilée après la Révolution de 1917, Boris Schreiber passe une enfance précaire en Belgique puis en France, où ses parents s`installeront.

Il fera ses études à l`Ecole alsacienne à Paris dès 1936. Il enseignera épisodiquement le français pour gagner sa vie, tout en se consacrant à l'écriture.

Il est l’auteur d'une vingtaine de livres dont Un silence d'environ une demi-heure, un récit autobiographique pour lequel il avait reçu le prix Renaudot en 1996.



Source : Wikipédia
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Bibliographie de Boris Schreiber   (9)Voir plus

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SORTIR : PRIX CONCOURT ET RENAUDOT
Le prix GONCOURT a été attribué aujourd'hui à un premier roman, celui de PASCALE ROZE intitulé "Le chasseur Zéro" et publié chez ALBIN MICHEL. le prix RENAUDOT a été attribué à BORIS SCHREIBER pour son livre "Un silence d'environ une demi-heure" publié au CHERCHE MIDI EDITEUR. - DP foule de journalistes et de photographes au restaurant CHEZ DROUANT / plaque indiquant "Salon...

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...]
Maman est entrée dans la loge de Madame Simon: une carte postale dépassait le rebord de notre casier. Le cœur de Boris et moi a bondi. Et la carte tremblait dans notre main. Un texte court et indéchiffrable sur le moment, mais la signature: André Gide. La carte représentait un poisson naturalisé du British Museum. Madame Simon nous parut sympathique soudain, demandant: «Alors, ça va mieux?» Puis maman, à nos côtés, dans la rue. Et nous lûmes: «André Gide recevra volontiers Boris Schreiber, dimanche à onze heures.» Ecriture fine, raffinée, qui indiquait la date mais non l'adresse. Boris et moi, immobiles sous les marronniers du boulevard Arago, dans une légère panique aussi. Panique de joie qui nous submergeait, et panique d'indécision à cause de l'adresse manquante. Nous étions incapables d'émettre un son.
Soudain, l'exclamation de maman:
- Allons chez Gallimard!

L'autobus U, juste en face, nous y déposait. Cette course, la main dans la main. Cet air haletant, sur la plate-forme. Et maman, ses «Borinka, tu vois!» que le vent d'automne cinglait. Notre deuxième course pour arriver avant la fermeture des éditions. Boris et moi, gorge sèche, avons tendu la carte à la secrétaire qui a inscrit l'adresse sur une feuille: André Gide, 1 bis rue Vaneau. «Près du Bon Marché», précisa-t-elle. Trop tard pour repérer la rue tout de suite. Mais à la maison nous avons compulsé les plans de Paris, métro et autobus. L'émotion de maman, au dîner, pour annoncer à notre père:
- Volenka, Boris est reçu par André Gide, dimanche à onze heures.
Notre père, surpris, puis:
- On verra ce qui en résultera.
Au lycée, Boris et moi n'avons rien dit à personne. Et notre cœur battait, galopait ce dimanche-là, bien avant onze heures. Nos deux cahiers de Diary serrés sous le bras, longeant le Bon Marché, les immeubles cossus, nous approchions, ralentissions, de plus en plus intimidés, comme les pèlerins du Moyen Age sur le point d'atteindre enfin les reliques.

La porte du dernier étage fut ouverte par un homme glabre, en pyjama de velours noir. André Gide lui-même, dont Boris et moi avions vu la photo. Nous l'avons suivi jusqu'à une vaste bibliothèque en rotonde; il nous a fait asseoir près de lui sur un canapé de cuir. Boris et moi, fascinés par son visage au masque japonais, par l'odeur de miel des Craven qu'il fumait, par sa voix sourde et mélodieuse:
- Tu ne fumes pas?
- Non, Maître.
- Tu as raison. D'ailleurs, tu es tellement jeune. Alors?
Nous nous taisions. L'auteur des Nourritures terrestres était là, devant nous, nous observant avec une moue amusée, et nous ne trouvions rien à lui dire. Moins encore que Heine à Goethe.
- Je vois quand même que tu es venu avec deux cahiers.
- C'est mon journal, Maître.
- Je peux?
Et André Gide ouvrit Diary. Cette bibliothèque nous écrasait, nous laissait pantois. Boris et moi n'avions jamais vu autant de livres de notre vie. Nous avons même remarqué une échelle suspendue à une barre de cuivre qui courait tout autour de la pièce. Ce luxe, cette magnificence. Des couloirs, au-delà des portes ouvertes, semblaient s'enfoncer à l'infini; des tapis partout. Gide lisait, soulignait du doigt tel ou tel mot, dans les volutes de sa Craven. Soudain il toussota:
- Curieux, très curieux.

Le halètement nous a repris, dans l'attente épuisante de cette voix à la fois extérieure et issue de nos viscères. La voix d'André Gide que notre panique guettait. Posée, légèrement ironique, en nuances de surprise parfois et, par instants, en inflexions graves.
- J'aime ta défense de l'alexandrin, c'est même courageux de ta part. J'aime aussi certains poèmes, ou fragments de poèmes. Tu notes tout dans ton journal? Uniquement là?
- Oui, Maître.
Gide reprenait sa lecture attentive. Nous trouver devant une sorte d'idole créait des vertiges en nous. Serons-nous capables de nous lever au moment voulu? Nos jambes tremblaient. Boris et moi avions espéré demander quelques explications pour les Nourritures terrestres, à propos de Ménalque, cet homme étrange qui parcourt le monde sur son yacht. Nous ne l'espérions plus. Dans un angle, Boris et moi avons repéré une longue table basse, couverte de lettres classées par étiquettes: lettres à lire, lettres lues, lettres à répondre. Cette irruption soudaine pour Boris et moi de la gloire, des secousses prodigieuses qu'elle suscite! Donc, c'était ça? Cette table couverte de lettres classées en trois sections? Nous nous sentions affolés: cette masse de gloire, d'enivrements donc, et Gide nous recevait avec une telle simplicité. Cette masse de livres, de connaissances donc, et il nous parlait avec une telle simplicité.
- Tu évoques souvent ta mère. Elle est très proche de toi?
- Oh oui, Maître.

Malgré tout, Boris et moi étions surpris. Nous n'avions aucunement l'impression de parler à ce point de maman dans Diary. Nous aurions voulu tout expliquer à André Gide, mais nous étions paralysés. Et à nouveau sa voix lentement intraduisible:
- Curieux, très curieux. A ton âge, des pensées si noires, des images si noires. Ces deux vers par exemple, qui me plaisent: Pour tous c'est un vice, pour moi c'est un mal/J'ai aussi des malades dans mon hôpital. Tu es un enfant prodige!

Il avait refermé Diary. Ses yeux, derrière ses lunettes, leur lueur de surprise, d'ironie, d'intérêt peut-être. Son bras a enlacé notre cou.
- Viens plus près. Tu n'as pas peur au moins? Ta mère me semble exceptionnelle, tu sais?
Son masque japonais frôlant notre visage, son murmure: «Tu es beau.» Et tout à coup, ses lèvres collées aux nôtres. Boris et moi, interdits, notre brusque répugnance nous faisant tressaillir. Mais nous n'osions pas bouger. Gide s'écarta.
- Tu as bien fait de venir. Reviens quand tu veux. Maintenant j'ai à travailler.

Il nous a tendu la main, répéta: «Reviens quand tu veux» et André Gide a refermé la porte. Boris et moi serrions nos deux cahiers de Diary sous notre bras. La rue, le métro, et encore la rue. Boris et moi avions des ailes. Boris et moi avions du plomb. Enfant prodige! Qu'un ami devait transformer en «enfant prodige». Mais si Boris et moi étions prodiges, de quel droit nous avait-il embrassés sur les lèvres? Le dégoût nous contraignait à passer, repasser notre paume dessus pour ôter la sensation intolérable. Pourtant, notre attirance pour Daniel? Pour Plivier? Nous ne voulions pas leur bouche, mais leur être. Nous y incruster. Alors que Gide, trop âgé, trop fascinant aussi... Sa gloire, tel un quotidien coup de grisou grisant. Ce mélange d'incompatibilités. Boris et moi résumions, mal, nos états d'âme à maman. Vingt fois. Diary recueillit plus de détails qu'elle. Pour le baiser surtout. Comme si Boris et moi nourrissions un vague rêve de jardin secret. Notre père a simplement demandé: «Et alors?» Notre récit, bien dans les normes - Boris et moi connaissions Wladimir - avait quand même inclus «enfant prodige». Et notre père, comme désarçonné, puis moqueur:
- Wunderkind! Genetschka, notre fils serait un wunderkind! Mais, Boria, les wunderkind n'ont jamais rien donné!

Boris et moi, à l'affût. A l'affût des attouchements de l'avenir et du Destin. Et nous ricanions, tout en nous, aux prédictions de notre père. Maman aussi ricanait quelque peu, à la maison, au Luxembourg, dans la rue:
- Que veux-tu, Borinka, papouchka est jaloux. On peut le comprendre, il ne faut pas lui en vouloir.
Boris et moi, en vouloir à quelqu'un que nous dépasserons de tant de millions de coudées! Maman de renchérir:
- Tu vois à quel point j'ai raison. Un Gide, universellement connu, dit comme moi!
Dans les allées du Luxembourg, nos leitmotive obsédants: ne jamais travailler dans l'affaire de notre père, rester libre pour la création. Le monde attend notre venue, celle de Boris et moi. Il éprouve un manque, le monde, que seuls Boris et moi comblerons. Il y aura attroupements, foule, acclamations. Boris et moi ne saurons où fuir pour échapper aux bras tendus vers nous, réclamant toujours plus de nos visions effarantes. Maman le savait. Mais alors, pourquoi le monde en voudrait-il? Il est rassasié d'effarement.
- Borinka, parce que tes visions à toi effarent différemment.

Maman semblait voir juste. A notre visite suivante, André Gide précisa son opinion sur Boris et moi. Certes nous avions attendu avant de retourner rue Vaneau. Nous disions à maman:
- Dimanche matin, je retourne voir Gide.
- Borinka, tu ne peux pas aller chez lui comme on va au café. Un tel écrivain!
- Mais il a insisté: «Viens quand tu veux.»
- Ce n'est pas une raison. Tu feras tant et si bien qu'il se lassera de toi. Notre pensée alors: maman serait-elle jalouse de Gide? Elle avait tendance, imperceptiblement, à parler davantage de son infaillibilité à elle que de l'être génial que nous étions, Boris et moi. Même si ce «davantage» n'excédait pas quelques minutes. Il y avait un léger défi, ce dimanche-là, dans notre «Au revoir, maman».
- Borinka, c'bogom! Que Dieu t'accompagne!

Tout cela chuchoté, car notre père n'en savait rien. Maman retrouvait son ardeur pour nous bénir et c'est elle qui nous conseilla de montrer à Gide notre rédaction sur l'épisode du collège Sainte-Barbe. «S'il te reçoit», avait-elle ajouté.
Boris et moi, à nouveau, serrions les deux cahiers de Diary, notre rédaction glissée dedans. Quant au troisième cahier de Diary, l'actuel, nous ne voulions pas le montrer, à cause de notre translation de la visite. Nous mentionnions le dégoût que les lèvres de Gide nous avaient causé. Au sortir du métro, dans les rues, les rares passants nous agaçaient. Nous avions le sentiment qu'ils se rendaient tous chez André Gide, eux aussi. Que ne nous avait-il donné son numéro de téléphone pour nous éviter ce déplacement peut-être inutile? Les autres, ces passants, s'ils se présentaient avant nous, avaient-ils plus de chance que nous d'être reçus? Boris et moi nous sommes mis à courir et malgré l'ascenseur nous étions hors d'haleine en sonnant à la porte. Ce fut une vieille dame, cheveux blancs à f
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Des fleurs, il me faut des fleurs pour maman!
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Face à face indispensable pour surmonter la dureté de notre père, due elle-même à la dureté de la vie.
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