En quoi une histoire ressemble-t-elle à un oiseau ? Elle nous maintient dans les airs. Elle vole. Elle part d'un lieu et se pose ailleurs, au hasard semble-t-il. Mais ses mouvements sont soigneusement chorégraphiés et si vous regardez bien, vous saurez exactement où elle ira se percher la prochaine fois.
Elle avait déjà fait cette observation : paradoxalement, il fallait la mort pour qu'on se sente momentanément vivant, vraiment présent, minute après minute. S'y ajoutait encore l'effusion d'amour qui l'entourait depuis son arrivée en Nouvelle-Ecosse. Elle était bien réelle, indéniable, tout comme le chagrin était réel, lui aussi. Ils n'étaient que les deux faces de la même médaille.
Sa mère disait que l'âme était un oiseau qui vivait dans la nuque des hommes. La nuit, il s'envolait par la bouche, et revenait au reveil ; quand on mourait, il s'envolait pour toujours.
Les informations ne cessèrent de fluctuer au cours de la matinée. On parla d'abord de survivants, d'un amerrissage "en douceur". Puis le soleil se leva, et la journée commença - une journée comme tant d'autres en septembre, avec un ciel éblouissant et un vent tiède - , et il fallut se rendre à la douloureuse évidence : il n'y aurait pas beaucoup de survivants, peut-être aucun.
On s'en sortira ; la terre est si proche, Halifax ne peut pas être loin. Nous arrivions sur la colonne vertébrale du monde, surgissant de la nuit, dans les lumières au sodium accueillantes du Canada. Nous heurtâmes à nouveau des nuages, et l'avion trépida ; sur la gauche, l'océan se précipita vers nous, et l'appareil percuta brutalement quelque chose, à droite.
...
Elle retira la ceinture de son violoncelle et commença à défaire les fermoirs.
Aidez-moi ! cria-t-elle à travers son masque.
Elle était prise d'une hâte soudaine, elle tâtonnait, se leva, une hôtesse lui cria de s'asseoir. Je l'aidai à écarter le couvercel de plastique brillant et vis l'instrument niché à l'intérieur - la couleur ambre, le lustre du verni, le grain d'un brun délicat et brillant. Dans sa capsule de velours rouge, on aurait dit une poupée dans sa boîte. Elle glissa un doigt à travers l'ouïe, toucha l'âme et ferma les yeux. L'instrument murmurait une vibration de sympathie.
C'est le ré, chuchota-t-elle.
Le plus joli livre... et aussi le plus triste... que j'ai lu ces derniers temps. C'est un livre sur la vie, l'espoir, l'humanité.
La lune monta dans le ciel. L'écume perlait à ses pieds. Elle dressait le portrait encadré devant elle comme si, en élevant l'image vers les airs, elle pouvait attirer l'âme de sa fille hors de la nuit.
Pars avait pensé : voilà à quoi Ana ressemblait à huit ans, avant le premier souci - on ne quitte jamais tout à fait le visage de son enfance, il se glisse quelquefois en catimini dans les rides et les plis, inopinément, spontanément, comme cet après-midi là.
Un sutra était un fil, une corde, une prière aussi. Elle aimait ce mot, "sutra", et l'idée de ravauder quelque chose qui avait été séparé. Un tissu déchiré. Recoudre les âmes des morts dans l'étoffe de leurs nouveaux corps.
Ainsi les adorables halcyons plongent dans l'océan
et l'on voit réapparaître au loin leur plumage étincelant.