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Critiques de Brady Udall (194)
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Lâchons les chiens

« Nous longeons des hauts fourneaux, des stations-services et des caravanes alignées sur le bord de la route. »



Avec un goût de poussière dans la bouche, le dos fourbu par cette route interminable et cahotante. Je crache par terre le peu de salive qui me reste en bouche. Ma main, par habitude, plonge dans la glacière mais ressort à nue. J'ai déjà bu la dernière bière il y a bien soixante miles. C'est donc avec un sourire salutaire que je tourne le volant, et m'engouffre dans ce qui ressemble le plus à de la vie, un soupçon de vie dans une poussière balayée par le vent. Ferme la vitre ! on n'arrive plus à respirer.



« Il engage sa vieille voiture dans le parking d'un vaste bâtiment en bois surmonté d'un panneau qui annonce 'The Ranch' en grandes lettres malingres. Le soleil commence tout juste à se coucher, mais l'endroit est aussi illuminé que Las Vegas. Toute une armée de pick-up sales encombre le parking. »



Se frayer un chemin entre les rétroviseurs et les pare-chocs chromés et suivre le brou-haha d'une meute gueularde et assoiffée. Un lieu qui n'a pas de nom, comme un ranch sans nom. Un air abîmé, par le temps, la poussière et le fracs de la vie, j'imagine déjà les âmes qui y règnent. De la peine et de la bière qui coulent à flot sur le comptoir et qui déversent son lot de solitude et de tristesse. Être un cow-boy solitaire a son revers, celui de se retrouver seul à boire sa bière, dans la fraîcheur d'une pénombre en coin, ou dans un coin d'une moiteur extrême.



« Nous entrons dans la partie principale qui est plus vaste qu'une salle de bal. Il y a deux bars circulaires au milieu et quelques estrades sur lesquelles dansent des femmes à demi dévêtues. Des tables et des chaises sont disposés dans les coins. La musique est si forte que je la sens rebondir sur ma poitrine. »



Un vieux juke-box distille sa musique, comme des airs de country new-age. Lambchop. Cela change de Johnny Cash, paix à son âme et black respect. Il reviendra lorsque les jeunes auront déserté les lieux pour aller fourrer leur queue dans le cul des serveuses à l'arrière de leur pick-up ou entre les seins des danseuses usées. Il vaut peut-être mieux ça que de voir ces cow-boys souls se fracasser la tête avec des pieds de chaises en bois. Le bruit m'envahit, comme cette nappe de fumée qui s'envole des tables voisines. Je me ferme sur moi-même, une bulle de silence me caresse, le temps de prendre ma bière, en solitaire et l'âme soul mais pas encore saoul.



« On déniche une table inoccupée le long du mur, juste à côté de l'une des danseuses. Elle porte un slip en dentelle noire et un T-shirt coupé qui suffit à peine à dissimuler ses avantages. »



Terres d'Amérique, je roule en pensée à travers l'Utah et l'Arizona, des nouvelles de Brady Udall qui mettent en lumières, néons clignotants de quelques bars miteux et de phares alignés, des pauvres types à mon image qui se demandent ce qu'ils font de leur vie, ce qu'ils font dans cette vie. Ils se sentent seuls et boivent leur bière, parfois même sans saveur, mais continuent leur chemin, sans envie ni rêve. Oui cette Amérique, pas si profonde que ça, est la mienne, et je reste assis à regarder ma bière, sans même m'apercevoir que la danseuse à enlever son tee-shirt, en écoutant Kurt Wagner avec ce goût de poussière en moi.
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Le polygame solitaire

"Pour le dire le plus simplement possible, c'est l'histoire d'un polygame qui a une liaison". Mais comment Golden Richards, pilier de l'Eglise Mormone et à la tête d'une famille composée de 4 épouses et 28 enfants, s'est-il retrouvé dans une situation si inattendue ?



Il faut dire que Golden, depuis qu'il suit la voie du Principe de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, a une vie bien ordonnée. Enfin, disons qu'elle est bien ordonnée par Beverly, qui, en sa qualité de première de ses épouses plurales, amène ses co-épouses à décider dans quelle maison il dormira, et auprès de qui, de ce qu'il mangera et où, quels travaux il devra effectuer en premier, auprès de quel enfant il passera quelques minutes... Golden s'est inventé une comptine pour se rappeler l'ordre de naissance et les prénoms de sa nombreuse progéniture. Le reste du temps, en semaine, il profite de la liberté octroyée par son travail sur des chantiers et du confort relatif de sa caravane-dortoir.



Il est bien embêté pour expliquer à ses confrères mormons et à ses femmes sur quel type de chantier sur lequel il travaille actuellement... La conjoncture est difficile, et l'argent sur le compte en banque file vite, il a donc accepté de prendre en charge la construction de l'annexe d'un... bordel, tout en assurant à ses femmes et à ses condisciples du Principe qu'il s'agit d'un bâtiment qui accueillera des personnes âgées. Entre faux alibis et demi mensonges, la petite machine bien huilée de sa vie modèle est en train de s'enrouer...





Le polygame solitaire est un petit (enfin, un gros) bijou d'humour et d'émotion, avec une analyse fine et très juste des comportements et des sentiments humains.



Les évènements nous sont relatés par Golden, le "patriarche" sans peur et sans reproche par qui tout arrive, et nous découvrons son enfance, les retrouvailles avec son père Royal, sa rencontre avec la foi et avec Beverly, son désenchantement, sa solitude sentimentale également. Nous suivons également le parcours de Trish, la femme "numéro" quatre, jolie encore, qui n'accouche que d'enfants morts-nés et qui cherchait et pensait trouver la sérénité dans sa nouvelle famille. Enfin, nous découvrons également la vie dans cette communauté au travers du regard d'enfant rebelle de Rusty, qui en pince pour sa belle tante Trish et qui s'invente des histoires pour, enfin, être autre chose qu'un numéro dans une fratrie sans fin.



Pour ma part, j'ai appris pas mal de choses sur la vie des Mormons, leurs croyances, leurs rites, leurs difficultés à co-exister avec "le monde normal", quand les enfants vont à l'école par exemple. Je me suis prise d'affection pour... tous les personnages, tant ils sont humains et attachants (même le "dragon" Beverly !). Un des tours de force de Brady Udall est cette faculté d'amener le lecteur vers un drame dont on sent qu'il arrivera au travers d'évènements en cascade qui, paradoxalement, sont drôles voire désopilants.



Un autre point fort de ce livre est de montrer toutes les nuances que peut revêtir la solitude, la vrai, cette solitude intellectuelle et affective, que l'on peut tous ressentir à un moment ou à un autre, que l'on soit entouré ou pas. Je trouve également intéressant que, partant d'une situation "exceptionnelle", une famille Mormone, on puisse autant se reconnaitre dans les personnages ou les situations décrits, que ceux-ci soient si "normaux", ou en tout cas, communs.



Itinéraire d'un homme qui se cherche, ce livre est, comme son nom l'indique, tout en paradoxes, entre aspiration intellectuelle, spirituelle, affective, physique, besoin de reconnaissance, d'autonomie, d'accompagnement, analyse des rapports amoureux et familiaux, des modèles éducatifs, et toujours, le rire et l'émotion. Je ne peux que vous le conseiller, c'est magnifique !
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Le polygame solitaire

Golden Richards est un mormon de la veine la plus traditionnelle, celle qui conserve encore la tradition de polygamie. Époux de quatre femmes, heureux père de vingt-huit enfants, il est certainement considéré comme l'incarnation du mal par les féministes.



Sa vie est pourtant loin d'être idéale. Entré chez les mormons plus par accident que par réelle conviction, il n'a eu jusqu'à présent aucune prise sur sa vie. Sa première femme lui a été imposé par la congrégation, et les suivantes par la première épouse, qui dirige la maison d'une main de fer. Obligé de travailler d'arrache-pied pour nourrir sa tribu, Golden ne rentre chez lui que pour y régler les nombreux conflits internes, tâche éprouvante qu'il tente de fuir à tout prix.



La vie de Golden bascule avec son nouveau chantier. Devoir construire un bordel pose déjà quelques problèmes moraux pour un homme terrorisé par le stupre et la luxure. Tomber amoureux d'une fille qui y vit remet en question toute son existence. Pour la première fois de sa vie, Golden doit faire le choix qui déterminera son avenir.



En parallèle, nous suivons également deux autres personnages : Trish, sa dernière épouse, et Rusty, un de ses fils. Et malgré la cacophonie ambiante, on peut se rendre compte que quand on vit à trente dans la même maison, chacun vit finalement seul. Trish doit partager le peu de temps que son mari leur accorde avec trois autres personnes. Rusty ne reçoit aucune attention de ses parents à part pour les détails administratifs et disciplinaires.



Udall nous livre un portrait réussi d'une famille prête à s'effondrer sous son propre poids, sans céder aux moqueries faciles (ni au prosélytisme d'ailleurs). L'auteur donne la parole à ses personnages, les laisse raconter leur vie et les événements qui les ont conduit dans cette drôle de situation. Souvent drôle, parfois émouvant, les 700 pages de ce roman s'avalent sans s'en apercevoir.
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Le polygame solitaire

Pourquoi diable un homme aurait-il envie de devenir polygame ? Pour le sexe? Un des personnages réfute catégoriquement cette hypothèse (de fait, le héros n'a pas l'air de s'éclater prodigieusement) et en propose une autre: parce que les femmes comme il faut sont légion, contrairement aux hommes bien...

Ce livre insolent, généreux, hilarant et tragique est le grand roman des responsabilités. Et les mormons apparaissent comme le laboratoire idéal d'un refus collectif (quoique plutôt masculin) d’y faire face.

Déjà, c'est pratique: Dieu décide. Ensuite, c'est encore mieux, les femmes gèrent. Les hommes, délestés de la fatigue de choisir (ni leur vie puisque Dieu décide, ni leur épouse puisqu'ils peuvent les additionner, ni leur métier que la communauté valide), délestés également de la nécessité des multiples arbitrages de la vie quotidienne et familiale (domaine féminin) sont prêtres et puis voilà.

Mais parfois, ça dérape. Une enfant qui meurt, une entreprise qui bat de l'aile... Golden veut fuir l'impassibilité à laquelle le contraint son mode de vie. On n'embrasse pas son enfant quand on sait que 27 autres vont se précipiter pour obtenir la même faveur.

Fuyant l'impasse de l'impassibilité, Golden découvre le désir. Le sien. Celui des autres. Et ce n'est pas triste. Effrayé, infiniment reconnaissant quand il croit que Dieu lui sauve la mise avant de s'apercevoir que la situation ne fait qu'empirer (pour la plus grande joie du lecteur qui se hâte de se gausser, se doutant bien que la catastrophe arrive à grands pas), Golden se débat en toute ingénuité entre principes et libido. Aux maisons (il y en a presqu'autant que d'épouses), son émouvant et drôlissime fils Rusty cherche, lui aussi, à s'émanciper en faisant les 400 coups (et ultimus necat).

Et si tragédie il y a, Udall en exonère Dieu: l'homme est libre, donc responsable et éventuellement coupable. Les enfants qui meurent dans le ventre de leur mère, ou qui naissent lourdement handicapés ne sont pas des anges créés par une volonté divine incompréhensible : l'histoire se déroule 25 ans après les explosions atomiques expérimentées à ciel ouvert dans le désert du Montana. L'homme est libre, donc responsable, et il est comptable de de chaque radiation mortelle, de chaque femme frustrée et de chaque enfant rejeté. Qu'il cherche à le nier et à se délester de ce fardeau n'y change rien.

La fin du roman, douce-amère, annonce une nouvelle fuite en avant du héros qui achète un peu de répit avec encore plus de femmes et plus d'enfants et on ne voit pas ce qui pourrait empêcher un tome II assez rigoureusement identique au premier.

Lequel mérite qu'on s'y rue pour rire et pour pleurer - ou pas. Après tout, vous êtes libres.
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Le polygame solitaire

Arrêt sur image sur une bourgade perdue aux USA dans les années 70 où notre personnage principal, fidèle mormon malgré lui, pratique la polygamie.



4 femmes et 28 enfants, ça occupe ! Et Golden, pauvre diable pris en otage dans un écheveau de noeuds impossible à démêler, mène sa triste petite vie qu'il n'a pas choisie. Dès que l'occasion se présente, il fuit cette flopée de de conflits, de disputes, de drames et de malheurs.



Absent de corps et d'esprit, il va cumuler les gaffes et les complications. Plus il essaie de s'en sortir, plus il plonge tête la première dans l'incapacité à régler ses problèmes. Il a une tendance particulière à en acquérir de nouveaux. Il rêve d'évasion et néglige sa famille.



Le style est piquant mais tout de même crédible, comme un bonbon acidulé qui pique mais qu'on aime savourer.



Quelques personnages sortent du lot pour notre plus grand bonheur et ponctuent allègrement le château de cartes qui est devenue la vie de tous ces pauvres hères : Rusty, un enfant en manque d'amour et doté d'une imagination débordante. Incapable de dépasser ses colères et ses pulsions, il aura un destin tragique. L'épouse n° 4 qui se rebelle, conteste cette triste réalité et ose rêver d'une naissante histoire d'amour extra-conjugale est très touchante.



Brady Udall signe ce deuxième opus en maître incontesté du brossage de portraits décapants d'une société et d'un mode de vie à la dérive et au bord du cataclysme.



Humour et tendresse grincent de concert dans cette fable qui barde le réel de fantaisie et d'humour pour mieux le désamorcer.



Epoustouflant moment de lecture.



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Le Destin miraculeux d'Edgar Mint

Tout commence un jour d'été où le petit Edgar Mint, métis amérindien, se fait rouler sur la tête par la camionnette du facteur. Laissé pour mort, Edgar résiste : coma, séjour à l'hôpital. Il gardera comme séquelles l'impossibilité d'écrire et quelques crises, de temps en temps. Edgar est un miraculé, Edgar est aussi abandonné : seul à l'hôpital, sa mère alcoolique s'étant évaporée dans la nature, son père ayant tourné les talons avant sa naissance, il crée de nouveaux liens avec ses autres compagnons de chambre, et particulièrement avec Art, miraculé lui aussi. Art lui fera un beau cadeau : une machine à écrire, une Hermès Jubilé, compagne précieuse avec laquelle Edgar noircira des pages et des pages, comme un exorcisme à son existence délabrée.

Le temps de guérison est venu, Edgar doit partir à l'institution Willie Sherman, là où on place les enfants indiens dont on ne sait que faire : misère sociale et intellectuelle, violence, harcèlement, rien ne lui sera épargné. Edgar survivra, une fois de plus. Puis, il sera placé dans une famille mormone et verra pour la première fois à quoi ressemble une vie de famille. Mais, ayant toujours en tête de retrouver le facteur qui lui a roulé sur la tête et qui le croit mort depuis toutes ces années, Edgar repartira et trouvera, enfin, une réponse à beaucoup de ses questions.



Brady Udall nous offre un récit percutant, à l'écriture à la fois distanciée et empathique, à la fois dure et humoristique, comme un remède aux horreurs que vit Edgar.

Roman d'apprentissage, Le destin miraculeux d'Edgar Mint est aussi un road movie à travers l'Ouest des Etats-Unis, avec une galerie de personnages haute en couleurs.



Une très belle surprise dans cette quête d'un auteur en U pour le challenge ABC.
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Le polygame solitaire

La sécurité est dans le nombre. C’est ce que pense un des personnages mormons de ce vaste, tendre, hilarant et pourtant nuancé roman. Golden Richards a environ 40 ans au milieu des années 1970. Surnommé le Yéti par un de ses fils, il brille surtout par son absence. Mais comment faire autrement quand on cumule 4 épouses, 28 enfants et trois maisons, qui tous attendent subsistance, affection et compréhension de sa part alors qu’il est contraint d’aller travailler de plus en plus loin ? Et que ses rares moments chez lui se passent en interminables réunions et offices religieux, ce qui ne lui déplaît pas entièrement car c’est une manière commode de fuir les demandes trop pressantes des uns et des autres.



Evidemment la vie n’est pas sûre et tout semblera se liguer pour le lui prouver jour après jour. Il n’est pas mormon de naissance, a connu une enfance et une adolescence solitaire en compagnie d’une mère dépressive et d’un père absent. Alors le nombre, même excessif, vaut mieux pour lui que son contraire.



Il est la tête d’une petite entreprise de bâtiment. Pour l’heure il travaille à réaliser une aile supplémentaire dans un bordel (une maison de retraite pour ses femmes et enfants). Il y rencontrera Houila, une jeune femme guatémaltèque qui s’avèrera être la femme du patron de l’établissement, ce qui va lui causer bien des déboires. Pour la première fois de sa vie il tombe amoureux. Ses quatre femmes, il a le sentiment qu’elles lui ont été imposées par ses supérieurs dans la foi, ce qui n’est pas faux.



Ce roman est foisonnant de personnages. Si Golden est au centre, d’autres points de vue que le sien s’y font entendre. Inoubliable en particulier le destin de Rusty, un de ses fils, ado en manque de reconnaissance et en proie à un maelstrom pubertaire pas piqué des vers.



Si vous voulez lire un roman généreux mais pas mièvre, passionnant de bout en bout, n’hésitez pas. Brady Udall n’est pas très prolifique (deux romans et un recueil de nouvelles à ce jour) mais il vaut le détour !

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Le polygame solitaire

J’avais beaucoup aimé Le Destin miraculeux d’Edgar Mint de Brady Udall, et quand je suis tombée sur un autre pavé du même auteur, je n’ai pas résisté malgré l’épaisseur du livre ! Le titre, un oxymore plein d’humour, Le Polygame solitaire, a piqué ma curiosité. Dès les premières phrases, l’auteur nous dévoile ce dont il s’agit : « Pour le dire le plus simplement possible, c’est l’histoire d’un polygame qui a une liaison. Mais bien sûr, c’est beaucoup plus compliqué. La vie d’un polygame, même dépourvue de mensonges, de secrets et d’infidélités, est tout sauf simple. » Voilà donc l’histoire de Golden Richards, quarante-cinq ans, quatre femmes, vingt-huit enfants, trois maisons, entrepreneur en bâtiment dans le Middle-West, et dotée d’une embarrassante propension à laisser les autres décider pour lui.

***

En voyant le graphique proposant les prénoms des quatre femmes de Golden suivis de ceux de leurs enfants, j’en ai fait une photocopie. C’est tout à fait inutile : on repère très rapidement chacune des femmes et on ne suivra en détails que trois des enfants, essentiellement Rusty, un peu Faye et Glory. Brady Udall est lui-même issu d’une famille de mormons, mais pas des mormons polygames (son arrière-arrière-grand-père paternel l’était cependant). Le roman est dédié à ses huit frères et sœurs et dans une intéressante interview donnée à bookbrowse (https://www.bookbrowse.com/author_interviews/full/index.cfm?author_number=792), il explique qu’il a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Rusty et qu’il y a transposé une part de ses difficultés à exister au sein d’une si grande fratrie. Pour écrire ce livre, l’auteur a dû se documenter sur la polygamie contemporaine qui, selon lui et l’intervieweur, semble exercer une certaine fascination sur les Américains. Pourquoi ? le sexe, répond-il brièvement…

***

Dans ce style de vie atypique, difficile à concevoir (pour moi), évoluent pourtant des personnages qui nous ressemblent beaucoup. Si le quotidien demande une gestion sans faille, celle d’une communauté plutôt que celle d’une famille classique, les relations humaines se révèlent remarquablement semblables. Comme dans Le Destin miraculeux d’Edgar Mint, une très grande place est accordée à l’enfance et à ses traumatismes dont on ne se relève pas, ou alors bien mal, amputé d’une part de soi. C’est le cas de Golden, de ses quatre femmes, plus particulièrement Beverly et Trish, tous traînent leurs blessures et leurs carences dans leur vie d’adulte. C’est aussi le cas de Rusty qui, éperdu par son besoin d’amour et de reconnaissance, fait tout ce qu’il peut pour qu’on le considère, et obtient des résultats contraires à ce qu’il espérait. Il est beaucoup question de solitude. Le titre nous invite déjà à réfléchir sur ce point, et le sujet est abordé sous plusieurs angles. Brady Udall aborde un douloureux sujet dont peu d’auteurs traitent : les essais nucléaires qui ont eu lieu dans le désert du Nevada et leurs conséquences sur la santé des habitants des États limitrophes. Je réalise que ce commentaire est assez sombre. Le roman l’est parfois, mais il est toujours plein d’humour. J’ai beaucoup souri, mais j’ai aussi éclaté de rire (le chewing-gum !), et ça ne m’arrive pas si fréquemment en lisant… Un roman pareil, j’en redemande !
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Le polygame solitaire

Le polygame solitaire est le deuxième roman de Brady Udall que j’ai entre les mains.

C’est principalement grâce au challenge ABC que j’ai découvert cet auteur, car il faut reconnaitre que les auteurs dont la première lettre commence par la lettre U ne sont pas pléthore.

Et je suis tombée sous le charme du « fabuleux destin d’Edgard Mint », ce qui m’a permis d’anticiper le plaisir que j’allais avoir pour cette nouvelle lecture.

Cela m’a d’ailleurs aidé à m’y lancer, dans cette lecture, car j’avoue qu’un livre traitant la polygamie chez les mormons n’était pas forcement ce que j’aurais choisi en priorité.

Le titre, le Polygame solitaire peut paraitre un peu ambivalent. En effet, comment un homme affublé de quatre épouses et de vingt-huit enfants peut-il se sentir seul ou être solitaire ?

Nous allons effectivement avoir des réponses à cette question en suivant plus particulièrement trois membres de cette famille pas comme les autres : le père, Golden Richards, une de ses épouses, ( la quatrième ) Trish, et un de ses fils Rusty, 11 ans.

Golden Richards, devenu mormon sans trop savoir comment, a le chic pour se mettre dans des positions délicates. En tant qu’entrepreneur, il se retrouve responsable d’un chantier de construction d’une maison close. Il n’osera pas l’avouer à ses épouses et parlera de la construction d’une maison de retraite, ce qui est plus prestigieux, évidemment… Il fera aussi la rencontre d’une jeune femme qui risque de bouleverser son existence…

Sa quatrième épouse Trish, dont nous suivons l’histoire jusqu’à son mariage avec Golden est en plein questionnements…Son histoire de vie douloureuse lui laisse un sentiment d’insatisfaction et être une quatrième épouse n’arrange rien…

Rusty, surnommé « Le terroriste « par les différents membres de sa famille, semble avoir de la peine à trouver sa place .

Finalement, à travers ces trois personnages, on découvre certes les caractéristiques et fonctionnements de ces familles pas comme les autres, mais aussi que l’on peut y être très seul. Le petit Rusty en est l’exemple le plus frappant et aussi le plus triste, car finalement, tout ce qu’il demande c’est un peu d’attention et qu’on le reconnaisse en tant qu’individu à part entière…

Une histoire douce-amère, qui se lit avec plaisir et intérêt.







Challenge ABC 2019/2020

Challenge Pavés 2020

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Le polygame solitaire

De Brady Udall, j'avais déjà lu le Destin miraculeux d' Edgar Mint avec le sentiment que cet auteur  atypique avait un humour et une façon crue de raconter des histoires pas forcément drôles que j'appréciais .



Donc, le polygame qui est le héros de ce roman, si on peut l'appeler ainsi , Golden ,  a quatre épouses et vingt huit enfants et vit entre les trois maisons familiales , il fait partie d'une Eglise de type mormon   bien sûr  sinon ce serait pêcher alors que là, cette grande maisonnée doit être source de fierté et de devoir religieux bien remplis .



Mais  Golden est arrivé à un stade que l'on pourrait qualifier de "burn out "s'il s'appliquait à ce genre de situation , non seulement son entreprise de bâtiment bat de l'aile , ses chantiers l'entrainent de plus en plus loin des domiciles conjugaux mais en plus , il construit une annexe à un bordel , détail qu'il cache aussi bien à ses épouses qu'à sa communauté qui ne plaisante pas avec ce sujet ...

Et, source éminente de complication, il tombe amoureux de la femme de son patron !

Plaignons ce pauvre homme dans ses galères ...



Pas question , bien entendu , de s'appesantir sur l'ensemble de la famille , le roman est déjà suffisamment gros : entre les déboires du père, intéressons nous à Trish, la quatrième épouse qui n'a pas encore 30 ans et qui désespère d'avoir son mari dans son lit autrement qu'endormi pour envisager une nouvelle grossesse, elle est tellement malheureuse d'avoir eu 3 enfants morts-nés .



 Rusty, un des nombreux rejetons de la famille,  n'arrive pas à se plier aux règles de cette vie menée à la baguette par la première épouse Beverly et fait les 400 coups tout en se racontant des histoires , ne serait-ce pas pour essayer d'attirer l'attention de son père un peu plus que les autres enfants : un énorme besoin d'amour .



La toile de fond de ce roman fait froid dans le dos, ces gens habitent dans la zone des essais nucléaires au Nevada, bombes qui ont été expérimentées dans les années 1950 "en plein air" ce qui représentait pour la population locale une distraction, tel un gigantesque feu d'artifice et dont les retombées se sont manifestées pendant très longtemps sur leur santé , ils seront pour la plupart touchés à plus ou moins longue échéance et leur descendance ...



Un petit bijou qui allie l'humour au tragique du quotidien,  avec doigté et finesse , ce n'est jamais vulgaire ni larmoyant : du grand art !





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Le polygame solitaire

Je ne connaissais ni le roman, ni l’auteur mais, les jours passant, je devais absolument lire un livre dont le nom de l’auteur commençait par U pour achever le challenge ABC de cette année !

Ayant beaucoup aimé le film Le destin miraculeux d’Edgar Mint, j’empruntais à la bibliothèque Le polygame solitaire.



Dès les premières pages, je sus que ça allait être un énorme coup de cœur ! Golden Richards, mormon polygame, est un personnage complexe, attachant, pudique, sensible, complètement dépassé par un coup de foudre, lui qui a déjà 4 épouses et 28 enfants.



La description de ce mode de vie, des relations intra-familiales est extraordinaire et on se laisse presqu’aller à comprendre les motivations de ces mormons restés attachés à la famille plurale, en dehors de toute légalité. On suit particulièrement, parmi tous les membres de cette immense famille, Trish, épouse numéro 4, à la maternité douloureuse qui a perdu deux enfants, éprise de Golden qu’elle doit partager, souffrant d’une solitude immense malgré la présence de ses sœurs-épouses.



Il y a Rusty, une dizaine d’années, surnommé le « terroriste de la famille », fils de la 3ème épouse, qui ne trouve pas sa place au sein de la fratrie et le manifeste par des comportements drôles mais inadaptés. L’enfant, rejeté par tous, trouve un peu de réconfort auprès de Trish et de son nouvel ami, June. Udall évoque avec beaucoup de talent les émois de l’enfant, son besoin de reconnaissance et d’attention ainsi que les pulsions vengeresses qui l’animent à l’égard de ses proches.





Comment peut-on être polygame, à la tête d’une si grande famille, et solitaire à la fois ? C’est bien la thématique du roman : chacun doit gérer ses frustrations, mettre en sommeil son individualité, ses désirs et attentes au profit du collectif qui toujours supplante la personne. Golden est écrasé par le poids des responsabilités : il doit subvenir aux besoins de sa famille plurale, contenter chacune de ses épouses, être un père attentionné pour ses enfants dont il se répète en litanie les prénoms quand il doit s’armer de courage. Jusqu’à la rencontre avec Houila, qui chamboule tout, qui l’amène à reconsidérer ses choix, à devoir arbitrer entre ses désirs individuels et la communauté - sa communauté.



Au cœur du roman, à la moitié, le récit de la mort de Glory, une des filles de Golden. De l’évitement initial lié aux malformations et troubles du développement de l’enfant, puis quand Beverly lui impose en douceur d’assumer l’accompagnement des soins, au déploiement d’une relation précieuse, de qualité avec la fillette très déficiente qu’il se prend à aimer peut-être plus ou mieux que les 27 autres. Magnifique passage de l’évocation du chagrin inconsolable d’un père, des manifestations de sa culpabilité insurmontable.



J’ai dévoré ces 700 pages dans lesquelles l’auteur excelle par les dialogues, les descriptions, les intitulés de chapitres à maintenir une vigilance chez ses lecteurs, à questionner leurs valeurs et leurs croyances. La polygamie ? Quelle horreur ! Et pourtant, ici, malgré les impasses (les enfants ne sont que des numéros, ils aspirent à avoir leur fête d’anniversaire, leurs vêtements, l’attention de leurs parents ; les épouses se languissent à attendre les faveurs de leur époux, leur tour pour bénéficier d’un peu d’affection …) ; les frustrations et souffrances de chacun des membres, le projet social est plutôt intéressant, pas si patriarcal au final : c’est bien Beverly, 1ère épouse, qui fixe les règles…



Je sors émue et enthousiaste de la lecture de ce roman ! Parce que la structure familiale décrite est éloignée de la nôtre, l’auteur vient interroger avec acuité nos certitudes, notre vision des relations conjugales, filiales. Avec beaucoup de délicatesse, de tendresse pour ces personnages Brady Udall nous entraîne dans une histoire rare et précieuse. Un grand roman, à ne pas louper.



Challenge MULTI-DÉFIS 2021

Challenge ABC 2020-2021



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Le polygame solitaire





Paradoxe non, d'être à la fois un polygame doté de quatre femmes et vingt huit enfants et d'être esseulé ? Pourtant c’est le cas de Golden devenu mormon un peu par hasard et qui se voit plus ou moins imposer tous les éléments de sa vie, son métier, ses femmes. A la tête d'une entreprise de bâtiment, il doit aller de plus en plus loin pour trouver des chantiers afin de pourvoir aux besoins essentiels de sa famille. Mais cela ne lui déplait pas tant que cela, il peut ainsi, lui, échapper à l'absence d’intimité, au bruit incessant, aux querelles au sein de sa nombreuse famille.

Ce qui ressort le plus dans ce roman est la quasi absence de libre arbitre. Les enfants ayant été élevés dans des familles polygames choisissent plus ou moins volontairement de rejoindre à leur tour une famille polygame ou de vivre dans une totale solitude. Golden, mari de quatres femmes, est réparti entre elles selon leurs règles, l’enfant surnommé ”le terroriste de la famille” ne peut s'empêcher d’agir de façon à exaspérer tout le monde…

En fait ce livre de plus de 700 pages qui m’a tout à fait absorbée, m’a surprise dans sa description d’une famille mormone. Le père loin de régner sur sa famille est balloté, perdu, ne sait comment agir et réagir.

L’histoire, vue par différents membres de la famille, est prenante.

L’humour est très présent et je ne me suis pas ennuyée.

Je me suis demandé si l’auteur avait lui même été élevé dans une famille polygame ou s’il en connaissait de près. D’après l'interview (en anglais) lié à l'article de wikipédia, il a grandi dans une famille mormone de neuf enfants mais monogame. En revanche il a fait des séjours dans diverses familles polygames pour écrire ce second roman.





Challenge ABC 2016-2017

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Le polygame solitaire

Golden Richards est un père de famille nombreuse, en effet, il a 28 enfants de 4 femmes différentes...car Golden est polygame et cela n'a rien de facile à vivre dans l'Amérique d'aujourd'hui !

Entre les guerres domestiques que se livrent ses épouses et sa trop grande progéniture à élever, Golden voudrait bien un petit peu de sérénité !!!

Il compte donc sur son travail pour le « reposer » mais là aussi, tout se complique toujours quand Golden est là !

Car le chantier qu'il gère n'est pas du tout la construction d'une maison de retraite comme il l'a dit à toute sa famille, mais une maison close !



Ce « pavé » de plus de 700 pages devrait ravir les dévoreurs de livres car l'humour y est présent à chaque page.

L'auteur a su nous raconter le quotidien débordé de cet homme sincère, qui au fond, ne désire qu'une seule chose, une vie sereine et honnête.

Nous apprenons également à mieux connaître certaines de ses épouses et de ses enfants, leurs divers points de vue apportent alors un éclairage nouveau sur cette drôle de famille.

J'ai dévoré ce gros roman à toute vitesse, et j'étais presque triste de devoir tous les quitter.
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Le Destin miraculeux d'Edgar Mint

Quel roman surprenant ! Je viens de refermer à l'instant "le destin miraculeux d'Edgar Mint" et oui, vraiment, je suis surprise. En ces temps oisifs de vacances de Pâques, je n'ai pas le courage de former des phrases et des paragraphes cohérents, logiques. J'aborderai alors l'intérêt du roman en trois points, trois éléments constitutifs du livre de Brady Udall, parfaitement subjectifs et aléatoires.



1) la narration. Dès les premières pages, j'ai été intriguée par l'étrange choix narratif de l'auteur qui écrit tantôt à la première et tantôt à la troisième personne. Il alterne les deux au sein d'un même paragraphe, voire d'une même phrase. Cela donne un grain d'écriture assez particulier, qui m'a semblé fort chaleureux, comme si un Edgar plus âge regardait de haut le petit Edgar.



2) la religion. J'ai été étonnée de la place qu'elle prenait dans le roman. Ça m'a dérangée au départ, surtout lorsque le petit emménage dans une famille de Mormons qui semblent absolument parfaits, alors qu'à mon sens, personne n'est parfait. Et puis on aperçoit les failles, les fêlures chez ces derniers autant que chez les autres catégories de personnages... J'ai fini par apprécier cette thématique de la spiritualité. Quoique moi-même non-croyante, cela m'a amené à d'intéressantes réflexions.



3) Amérique. J'aime bien les romans qui me font voyager au travers des différents états d'Amérique, mais seulement quand c'est bien fait. Ressentir la chaleur étouffante du désert, ou la fraîcheur de territoires plus verdoyants, passer d'une ville à l'autre, chacune ayant une ambiance particulière. Ici le voyage est garanti.



Bref, lisez ce roman qui vous fera rire, rêver, pleurer peut-être, mais ne vous décevra pas, j'en suis sûre.
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Lâchons les chiens

Drôle, humain et touchant.



Certaines nouvelles, plus loufoques, donnent envie de croiser la route d'un de ces personnages.



Brady Udall choisit une écriture ordinaire, pour des personnages ordinaires, mais qui créent une ambiance totalement extraordinaire.



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Lâchons les chiens

[Coup de cœur] Pour une bonne surprise littéraire c’en est une. Les 11 nouvelles de ce livre sont toutes extraordinairement bien écrites. Brady Udall nous entraîne dans son univers entre l’Utah et l’Arizona avec des personnages très communs et des récits ordinaires. Mais cet écrivain sublime le récit par son style entre la drôlerie et l’émotion.



On peut rire et pleurer à travers les lignes de Brady Udall mais une chose, c’est que l’on est suspendu à son récit. Son écriture est simple comme celle de Jim Harrison. Il ne me reste plus qu’à découvrir d’autres livres de Brady Udall.

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Lâchons les chiens

Porté par sa peu commune lettre U, Udall devient petit à petit un rendez-vous annuel pour ma liste du challenge ABC. Lâchons les chiens est son premier recueil de nouvelles, et le livre qui l'a fait connaître auprès du grand public.



On sent dans chaque nouvelle la volonté de l'auteur de rester proche de la réalité. Pas d'hommes d'affaires importants vaquant dans les grandes métropoles, Udall ne met en scène que des hommes venant d'un village perdu au fin fond de l'Amérique et vivant de petits boulots. Souvent un peu paumés, récemment divorcés ou veufs, ils doivent prendre une décision importante pour leur avenir.



Il m'a manqué un petit quelque chose pour accrocher vraiment à ces histoires. Il est assez difficile de s'impliquer dans des tranches de vie ordinaires de gens ordinaires. Même si Udall propose des personnages un peu en marge de la société, ils ne le sont pas suffisamment pour me marquer. À la rigueur, un fil conducteur fort entre tous les récits aurait aussi pu faire l'affaire, mais là encore, je suis resté sur ma faim.
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Le Destin miraculeux d'Edgar Mint

Ce livre est formidable. Je ne m’y attendais pas, l’ayant pris au hasard car bousculée par le temps. J’ai eu la main heureuse: j’aime les romans d’apprentissage et c’en est un.



Edgar Mint est un jeune métis de Blanc et d’Apache, abandonné par son père, délaissé par sa mère alcoolique, apprenant la vie de vilaine manière , à l’hôpital tout d’abord car la voiture du facteur lui a roulé sur la tête, puis dans un orphelinat ghetto où il devient le souffre-douleur de garçons plus âgés, enfin dans une famille de Mormons un peu bancale après la mort récente du dernier enfant. (L’auteur lui-même a été élevé chez les Mormons).



Racontée ainsi, l’histoire semble très triste et en effet, ce n’est pas un destin bien gai que celui d’Edgar Mint et pourtant on s’attache vite à cet enfant et l’intérêt pour son évolution ne cesse de s’accroître au fil des pages. Il est très attachant, sorte d’Oliver Twist moderne, plein de ressources, de charme, d’humour, de force et de fragilité à la fois., d’autres l’ont comparé au jeune Garp d’Irving. On voudrait le protéger, l’avertir des dangers qui l’entourent et le quitter au bout de cinq cents pages est un vrai déchirement.

Ce roman est très riche, poétique, sans temps mort, digne des plus grands, bref un coup de cœur que mon pauvre résumé, écrit à la va vite, trahit à la façon d’un squelette: toute la chair en a disparu.


Lien : http://liratouva2.blogspot.f..
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Lâchons les chiens

Une révélation... En un mot, voilà qui résume mon coup de coeur, en forme de coup de poing dans l'âme, pour Brady Udall et ses "gueules" de l'Amérique profonde.



Cela faisait longtemps que je n'avais plus lu de recueil de nouvelles. Et encore plus longtemps que j'avais pris du plaisir à en lire. Un peu lassé. C'est donc avec une certaine appréhension que j'avais sélectionné un recueil de nouvelles dans le cadre du Challenge ABC (il y a assez peu d'auteurs en "U").



L'Amérique d'Udall, c'est celle des subprimes, des délocalisations, des vieux pick-ups rouillés, des latinos sans papiers qui bossent dans des ranchs, des divorces, des coups de sang... ce n'est pas l'Amérique qui gagne de Donald Trump... Et l'auteur nous présente des portraits. Des tronches, des caractères trempés à la Bud, chemises à carreaux et bottes usées.



On peut faire la fine bouche, et dire "toutes les nouvelles ne sont pas de la même qualité"... Je me marre. Même chez Maupassant, Mérimée, Carver, Oates, Ishiguro... toutes les nouvelles ne sont jamais de la même qualité. Ce qui compte c'est qu'elles fassent mouche. C'est qu'elles atteignent le coeur de la cible... et ça, c'est fait.



Onze nouvelles pleines d'espoir, surtout. C'est ce que je retiendrai. Au-delà des douleurs, des drames, des ruptures, il n'y a pas d'apitoiement, pas d'abandon. On est le plus souvent face à des gens qui ont perdu tout ou presque et qui luttent...



1. « Lâchons les chiens ». Une rencontre improbable entre deux laissés pour compte de la société américaine. Chacun essaie de s'en sortir, vaille que vaille... Mais ils semblent trouver dans leur rencontre une motivation pour aller de l'avant... mais jusqu'où? La chute est lourde de sens. Une vraie merveille.



2. « Raid nocturne ». Un père qui rend visite à son fils... mais façon Udall, donc la nuit avec une chèvre vivante dans les mains...



3. « Buckeye le Mormon ». Un portrait au vitriol de la société WASP. Une boule au ventre, une tranche de vie.



4. « La ballade du boulet et de la chaîne ». Une claque dans la figure... La lente descente aux enfers d'un type qui s'enchaîne (?!) à sa culpabilité... au point de voir partir sa femme, et de la comprendre. Pourtant elle n'attendait qu'un signe...



5. « Basket à la casse ». Udal revisite le mythe américain du basket.



6. « Le contraire de la solitude ». La version de Udall d'une histoire d'amour... entre esprits fêlés, moteur cassé et coeur en berne... Une de mes favorites.



7. « La perruque. Deux pages, tout est dit. Là, si votre coeur n'explose pas, je n'y comprends plus rien. Et pourtant, l'écriture montre la force du père.



8. « Vernon ». Une balade dans un état auquel Udall fait une pub incroyable...



9. « Le serpent ». Tout le génie d'Udall, utiliser un serpent , le mettre au centre de l'histoire pour mieux mettre en valeur les personnages qui gravitent autour.



10. « La beauté ». Un road trip à la Udall, une amitié qui se noue. Les liens forts doivent se rompre, car c'est ton destin (diraient les Inconnus).



11. « Il se saoûle profondément et fameusement ». Aaaah... comme j'ai angoissé en dévorant la nouvelle... "pourvu que..." me disais-je à chaque page. Udall nous dépeint un désir de vengeance et l'instant où tout peut basculer... très fort. Puissant. Poignant.



Ce qui est incroyable avec Brady Udall, c'est que le type que l'on croise à la station-service dans une nouvelle, cela peut être celui qui va pêcher dans la nouvelle suivante, ou qui se tire de chez lui deux nouvelles plus loin. Bien sûr, Udall ne le dit pas. Les personnages, les lieux, les moments s'entrecroisent au fil de ses récits.



Udall nous fait rêver. Il donne à voir, il donne à penser, il lance des arabesques dans le ciel et la magie opère. Un grand auteur.
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Le polygame solitaire

Une famille de Mormons dans les années 1970. Le père, Golden, n'a pas l'envergure pour assumer vingt-huit enfants et quatre épouses, dont une tyrannique qui mène tout le monde à la baguette. Partagé entre les exigences de ses fonctions à l'Eglise, ses préceptes religieux, la lourde responsabilité d'une grande famille, il est mou, lâche, il préfère aller travailler au loin sur un chantier pour échapper toute la semaine à ces contraintes. C'est un brave homme, mais on peut avoir envie de le secouer tout en le trouvant bien sympathique malgré tout. Il ne veut peiner personne, il ménage la chèvre et le chou, mais tout son petit monde est frustré, forcément. Une de ses épouses, Trish, vit très mal cette situation, et plus encore un de ses fils, Rusty. Ce petit gamin de douze ans est formidablement attachant. Solitaire, malheureux, mais intelligent, imaginatif et rebelle, il ne voit que des "trouducs" dans sa famille, et un Yéti en la personne de son père. Seuls sa 'mère/tante' et un voisin compréhensif savent l'aimer et lui apporter l'attention et la tendresse dont il a tellement besoin.



Alors voilà, j'ai appris (un peu) sur le mode de vie mormon, je me doutais que le mariage plural n'était une sinécure pour aucun des membres de la famille, même si, ici, la cohabitation entre femmes n'est pas trop conflictuelle. J'ai adoré le petit Rusty, ses aventures, ses refus, ses inventions, ses ruses, ses réflexions, ses subterfuges pour soulager une libido naissante, impérieuse mais tellement encombrante avec la perspective du "regard de Jésus"... Les difficultés de Golden pour se débarrasser d'un élément indésirable sur son anatomie et les lectures de Rusty m'ont beaucoup amusée. J'ai été touchée et révoltée par un passage sur le nucléaire... MAIS qu'est-ce que j'ai pu m'ennuyer tout au long de ces sept cents pages !!! Mon avis global sur ce roman est donc négatif, ce qui ne m'empêchera pas d'en conseiller la lecture à quelques personnes qui sauront l'apprécier, s'en régaler, même. J'en resterai là avec cet auteur, je pense.



--- avis 2.4/5
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