AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Brahim Metiba (17)


La lecture est ce qui caractérise les Français dans les lieux publics.
Commenter  J’apprécie          133
Mon père, pour des raisons que j'ignore, regarde toujours le journal télévisé de TF1. Je me demande pourquoi cette chaine qui, lorsqu'elle montre des arabes vivants en France, ils ont forcément un fort accent qui les rend inintelligibles, et qui, lorsqu'elle montre des Noirs vivants en France, c'est toujours dans le cadre d'un reportage sur les aides sociales, je me demande en quoi cette chaîne peut intéresser mon père.
Commenter  J’apprécie          100
J'habite en France, depuis quatorze ans. Je suis né et j'ai grandi en Algérie. J'ai quitté un système étouffant. Une pensée étroite et figée. J'ai voulu plus de liberté. Le changement a été dur. Ma mère a raison quand elle dit que j'ai changé, j'ai beaucoup changé. Ce changement, en plus d'avoir été douloureux, a eu comme conséquence de m'éloigner de ma mère. Éloignement que j'essaie de réduire en racontant à ma mère l'histoire d'Albert Cohen. Parce qu'il est orphelin et qu'il aime sa mère, et que ma mère aime ces histoires. Mais aussi parce qu'il est juif et que ça me fatigue d'entendre de toute part, d'abord en Algérie puis en France, des idées reçues sur les uns et les autres. Ça me fatigue d'entendre les uns et les autres parler de "vérité", de "sens" et de "Dieu", comme si les uns avaient compris là où les autres auraient échoué.
Je ne peux pas m'attaquer à tout le monde, d'ailleurs tout le monde ne m'intéresse pas. Alors j'essaie de créer un cadre où au moins ma mère, parce que c'est elle qui m'intéresse le plus et que mon éloignement d'elle est le plus douloureux, se remettrait en question, pour qu'elle m'accepte enfin.
Commenter  J’apprécie          90
Je n’habite plus avec ma mère. Il y a quelques années, l’année de mon départ, ma mère a eu l’idée d’installer un portrait de moi au-dessus de la télé. Ma mère est contente d’entendre que la mère d’Albert Cohen fait la même chose avec le portrait de son fils. Elle est également attentive lorsqu’Albert Cohen dit que sa mère vendait ses bijoux pour lui donner de l’argent. Ma mère dit : « Comme moi ». Au moment de la scène qui se passe dans la cuisine, ma mère entend que la mère d’Albert Cohen prépare des boulettes. Elle demande si je veux manger. Je dis : « Non. » Je dis que si, elle cuisine très bien. Elle dit que mon père ne le dit jamais. Ma mère veut savoir ce que signifie la phrase où Albert Cohen dit : « Elle était si adroite pour la cuisine, si maladroite pour le reste. » Je dis que je ne sais pas, que le reste est peut-être l’amour, dans sa démonstration. Ma mère me regarde.
Commenter  J’apprécie          60
Je ne trouve pas de mots pour parler à ma mère. Les mots de son langage n’expriment pas ma vie. Les mots de mon langage n’entrent pas dans son système. Elle ne les comprend pas. Je décide d’aller au bout du Livre de ma mère. Je me dis qu’il pourrait y avoir quelque chose, à la fin. Je me dis que ma mère pourrait trouver une phrase, chez la mère d’Albert Cohen, et qu’elle comprendrait enfin. Je me dis que puisqu’elle aime des histoires où des orphelins sont mis en scène, elle sera peut-être touchée par celle d’Albert Cohen et que je réussirai peut-être à l’amener à une autre vision du monde. Je pense à la distance qui me sépare de ma mère. Je pense à la difficulté de changer de regard. Je me demande si ma mère en est capable. Je me demande si elle a le temps de le faire. Je me demande si j’ai le droit de lui demander de changer de regard. Je me demande si je ne perds pas mon temps, si mon projet peut aboutir. Je me demande si un jour, ma mère pourra laisser de côté son « nous », son « eux », son « vrai » et sa conception des hommes et des femmes.
Commenter  J’apprécie          50
Je vois rarement ma mère. Elle m’appelle régulièrement, nous parlons de cuisine. Je l’appelle régulièrement, nous parlons de cuisine. Je lui demande ce qu’elle regarde à la télé. Elle dit : « C’est l’histoire d’une orpheline… » Je connais l’histoire. C’est toujours la même. Parfois j’aimerais entrer dans l’esprit de ma mère pour savoir ce qu’il y a. Pour faire sortir ce qu’elle ne dit pas. Mais je crois qu’il n’y a rien d’autre que ce que dit ma mère. C’est-à-dire des recettes de cuisine et l’histoire d’une orpheline qui tombe amoureuse d’un garçon riche qui l’aime quand même. Mon rapport à ma mère est silencieux. Elle est assise, jambes droites et dos droit, et je l’observe. J’attends qu’elle parle, mais elle ne dit rien.
Commenter  J’apprécie          40
La peau blonde et les yeux clairs, sont l'idéal esthétique des algériens; hommes comme femmes. Les algériens n'aiment ni leur langue, ni leur physique. Comment peut-on construire un pays, quand on n'aime ni sa langue ni soi? A quel moment l'algérien a-t-il basculé d'un être fier d'avoir libéré le pays, à un être complexé t ne sachant pas quoi faire de ce même pays?
Commenter  J’apprécie          30
La lecture est ce qui caractérise les Français dans les lieux publics. Secrètement ou pas, beaucoup de Français rêvent d’écrire un livre a un moment de leur vie.
Commenter  J’apprécie          10
Papageno se tient derrière la porte. Depuis quelques instants, Tamino joue autour de leur mère. La mère demande à Tamino d’arrêter. Tamino, comme tous les enfants de son âge, n’écoute pas. Il continue de jouer. À cet âge-là, les adultes n’existent que pour servir aux enfants de force contre laquelle s’opposer, un filtre, un mur à franchir, un obstacle derrière lequel il y a un au-delà à habiter. Une étape dans un parcours, une étape nécessaire.
Commenter  J’apprécie          10
...je ne comprends rien à ce qu'il raconte, et il ne comprend rien à ce que je dis. Nous parlons pourtant la même langue: le français. Car comme tous les algériens de sa génération, mon père ne connaît que le français. Les algériens de ma génération parlent algérien: une langue constituée d'une base de français, plus ou moins arabisée c'est à dire phonétisé comme l'arabe;.....L'arabe n'a jamais su s'imposer en Algérie. Ce qui rend les Algériens incapables de communiquer avec le monde: le français n'est pas complètement français pour communiquer avec des francophones; l'arabe n'est pas complètement arabe pour communiquer avec des arabophones. Les algériens sont, pour ainsi dire, coupés du monde.
Commenter  J’apprécie          10
12 h 12, le ticket sonne rouge. « Il a quoi votre ticket ? » me demande le conducteur. « Vous pouvez rester, je suis gentil aujourd’hui », reprend-il. Une dame essaie d’expliquer à son fils : « Ça, c’est la mairie de je-ne-sais-quoi. » C’était la mairie de Paris. Comme si l’on pouvait être à Barcelone ou à Beauvais ! Je demande au conducteur s’il va vers Saint-Michel. Il répond : « Oui. » J’ignore si le bavardage est réussi, mais ma journée a eu le sens que j’ai voulu lui donner.
Commenter  J’apprécie          10
Le parcours de bavardage entre mon père et moi, sera donc un parcours dépourvu d’intérêt. Il ne faudra pas réfléchir, car réfléchir c’est donner à son action un sens déterminé par un intérêt. J’habite Clichy-la-Garenne, je ne prends que le métro, jamais le bus. Le ticket de métro étant également valable pour le bus, je choisis le jour de mon anniversaire, le 24 octobre, pour « bavarder » avec mon père, en bus. Comme il ne faut pas réfléchir, pour que ce parcours soit le parcours de bavardage entre mon père et moi, je prendrai le premier bus qui se présentera, ce sera le cadeau de mon père pour mes 37 ans.
Commenter  J’apprécie          10
Je ne discute jamais avec mon père, nous n’avons pas grand-chose à nous dire, nous bavardons encore moins. Ce jour-là, juste avant de repartir en Algérie, mon père m’avait laissé un mot : « Je n’ai pas eu le temps de bavarder avec toi, je te laisse ce ticket de métro. Ton père. » À côté du mot, il y avait le ticket de métro. L’écriture de mon père, régulière et fière, m’a toujours fasciné. Mon père a toujours besoin de signer « ton père », quand il m’écrit. Comme si, ce jour-là, ç’aurait pu être quelqu’un d’autre. Comme si je ne reconnaissais pas son écriture. Est-il fier d’être mon père, au point de le souligner ?
Commenter  J’apprécie          10
Hélène Cixous parle de la littérature comme un cri. C’est donc naturellement que, en commençant à écrire, j’ai décidé que ce serait à travers le personnage de Papageno que s’exprimerait la voix des vaincus, des oubliés de l’histoire, des faibles. Il s’agit de sa Flûte enchantée.
Commenter  J’apprécie          00
À dix ans, Papageno trouvait chez Nadja toutes les femmes, car elle était toutes les femmes. Il trouvait sa mère et son amie. Lui aussi croyait à l’amitié éternelle, à l’amour. Il se mit à haïr le frère Dieu ; haïr celui qui emprisonnait le cœur de Nadja. Alors Papageno se rapprocha de Nadja. Il était devenu le double de son frère, il essayait de chanter comme lui, il prenait ses poses, il empruntait ses mots ; Papageno demanda à Nadja.
Regarde, tu en penses quoi ?
Nadja regardait ce petit homme se mesurer à Dieu. Elle voulait demander à Papageno de ne pas trop s’approcher du ciel. Nadja voulait prévenir Papageno de la folie. Elle savait pour la mère. Alors elle essayait de rester auprès de lui, elle ne voulait pas l’abandonner, elle disait.
Mon petit Papageno, que fais-tu ? Que fais-tu de toi ?
Mais Papageno continuait d’imiter le petit Dieu ; chaque jour, il s’approchait du ciel, chaque jour il s’approchait de la folie. Nadja regardait le petit homme, elle pensait à son père, elle se dit que Dieu avait déjà fait beaucoup de mal, qu’il pourrait s’arrêter là.
Alors elle prit Papageno dans ses bras.
Papageno, arrête, ne fais pas ça.
Papageno se mit à pleurer pour la première fois face à une autre femme que sa mère. Alors Nadja le serra très fort dans ses bras.
Papageno, je suis là.
Papageno se sentit rejoindre le ciel tout en restant petit homme. Il voulut que le temps s’arrêtât.
Papageno, je suis là.
Papageno entendait la douce voix de Nadja. Une voix venue de loin, une voix qui avait traversé le monde depuis la ville de Haz.
La voix de Nadja portait tous les mots écrits sur les colonnes, toutes les peintures sur les murs, toutes les mosaïques.
La voix de Nadja était la peur dans le regard du père, l’alphabet entier pour dire la peur.
Commenter  J’apprécie          00
À dix-huit ans, Nadja découvrait une horreur plus importante encore que les enfants qui vous traitent de sorcière ; un groupe d’hommes habillés en noir et portant une longue barbe noire avait pris possession de la ville de Haz, alors on vit des colonnes ceintes de dynamite tomber et la poussière grise et dense s’élever dans le ciel.
Commenter  J’apprécie          00
Un vautour royal vole au-dessus des colonnes de Haz. Vieilles de 5 000 ans. Une large étendue de formes, de lettres et couleurs. Nous sommes l’avenir de la Terre. Nous sommes toutes les civilisations. Il y avait des peintures figurant des êtres richement habillés ; sur la mosaïque, des vaches sacrées. Des hommes. Des hommes avaient posé leurs mains, une trace vieille de 5 000 ans, ils voulaient être vus et sus ; ils voulaient être observés, ils disaient c’est pour la postérité, pour que ceux qui viennent sachent ce qui s’est passé. Un vautour royal vole au-dessus des blocs de pierre de toute taille. De vieux os reposent désormais sous cette terre aride, mais inondée par le soleil. Un vautour royal se pose sur les ruines d’une tombe. Gloire à notre roi vénéré.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Brahim Metiba (86)Voir plus

Quiz Voir plus

La peau de Chagrin

Comment se nomme le personnage principal?

Valentin de Raphaël
Benjamin De Villecourt
Raphaël de Valentin
Emile

20 questions
1601 lecteurs ont répondu
Thème : La Peau de chagrin de Honoré de BalzacCréer un quiz sur cet auteur

{* *}