Qu'est-ce qui était le pire ? Ne rien ressentir, ou souffrir de l'absence d'une chose dont on ne se souvenait plus ? Bien sûr, en oubliant, on oubliait aussi d'être triste. Était-ce ca le but ultime ? Pourtant, cette anesthésie emportait une part de soi. C'était comme avoir des petits trous dans l'âme...
- Un livre se doit d'être beau. Même si personne ne l'ouvre. Peu importe. C'est une question d'honneur, de respect pour les gens... comme les sépultures d'antan.
When the letter came I was out in the fields, binding up my last sheaf of wheat with hands that were shaking so much I could hardly tie the knot. It was my fault we'd had to do it the old-fashioned way, and I'd be damned if I was going to give up now; I had battled through the heat of the afternoon, blinking away the patches of darkness that flickered at the sides of my vision, and now it was nightfall and I was almost finished. The others had left when the sun set, calling good-
byes over their shoulders, and I was glad. At least now I was alone I didn't have to pretend I could work at the same pace as them. I kept going, trying not to think about how easy it would have been with the reaping machine. I'd been too ill to check the machinery - not that I remembered much, between the flashes of lucidity, the summer was nothing but echoes and ghosts and dark aching gaps - and no one else had thought to do it, either. Every day I stumbled on some chore that hadn't been done; Pa had done his best, but he couldn't do everything. Because of me, we'd be behind
all year. I pulled the stems tight round the waist of the sheaf and stacked it against the others. Done.
- Vous êtes comme des médecins, n'est-ce pas ? lâcha-t-il. Vous venez tirer le pus. Le pus d'un gros furoncle, de la taille de la vie de quelqu'un. Puis vous vous lavez les mains, en déclarant que tout va bien, que ça sentait la rose. Et vous repartez les poches pleines, jusqu'à la prochaine fois. De bons docteurs, donc. Pour le bien de l'humanité. Sauf que vous faites ça parce que des gens comme mon père aiment boire le pus...
Vous cherchez une histoire, jeune homme ? Meurtre, inceste, infamie ou gloire, ou peut-être une histoire d'amour si déchirante qu'il vaut mieux l'oublier, ou bien un récit du cộté des ténèbres ? Vous avez frappé à la bonne porte, mon petit seigneur. C'est ici qu'on trouve la meilleure marchandise, la crème de la crème. Ces livres-là vous racontent la vérité poignante, la passion, la violence, le grand frisson.
Ce que je veux, en fait, c'est oublier tout ça. Je veux rentrer chez moi, l'esprit aussi vide qu'une page blanche. Dormir sans angoisse. Je serais prêt à tout pour ne plus être ce que je suis. Je me demande si la femme d'hier m'a oublié aussi. Je l'envie. Enlivrer ses souvenirs, c'est comme passer une porte qui mène dans une pièce déserte. On peut alors changer de vie, recommencer à zéro.
Qu'est-ce qui était le pire ? Ne rien ressentir, ou souffrir de l'absence d'une chose dont on ne se souvenait plus ? Bien sûr, en oubliant, on oubliait aussi d'être triste. Était-ce ça le but ultime ? Pourtant, cette anesthésie emportait une part de soi. C'était comme avoir des petits trous dans l'âme...
Ma mère disait que c'était de la magie noire, une abomination. Siphonner comme ça les souvenirs, la honte, la douleur, les regrets... C'est pour cela que les enlivreurs vivent si longtemps, elle disait. Parce qu'ils sucent la vie des autres.
Ma gorge se noua. Puis une joie se déversa en moi, comme si elle avait été enfermée dans un pot depuis des années, un pot brisé mais dont les morceaux seraient restés en place jusqu'à ce que quelqu'un le secoue. Je me mis à sourire aussi.
On s'embrassa comme si nous pouvions faire cesser la terre de tourner, comme si nous étions autant ennemis qu'amants, comme si jamais nous n'allions nous revoir.