[...]seuls les grands brûlés peuvent savoir la douleur.
Apprend-on encore des poésies aux enfants? On les bourre de compléments alimentaires, mais leur apprend-on encore de la poésie? Leur donne-t-on encore cette discipline rude d'apprendre par coeur, d'imprimer dans sa mémoire, dans son âme, marquée à jamais cette essence d'humùanité que constitue le poème. Parfois, je les vois ces petits errants, tatoués de partout, percés de toute part, et je me demande ceci: n'appellent-ils pas désespérément, par le marquage physique débile qu'ils s'infligent, une réponse à leur besoin de beauté? A-t-on besoin de se planter des épingles dans le corps, de l'encre sous la peau, lorsque vous est offerte la force d'accepter de la boire à celle des pages de poésie? Là où nous devrions élever dans leurs cerveaux les sanctuaires de la beauté, nous les laissons se faire des trous partout. D'où fuient leurs pauvres petites âmes errantes. Ces enfants manquent de poésie comme on manque d'air ou d'eau, vides et secs qu'ils sont de n'être plus nourris, et nous prenons pour de joyeuses irruptions de jeunesse ce qui n'est peut-être rien d'autre qu'une agonie.
Il n'y a pas d'équivalent à la honte de subir la trahison de son corps dans des toilettes publiques. Le pantalon aux chevilles , une bombe atomique dans le ventre, je me vide en tirant la chasse pour couvrir l'explosion sonore de cette reddition physiologique.
Nous y avons beaucoup pensé, pendant des mois : mais elle aussi a été attirée par cette promesse d'argent qui coule à flots, attirée comme un papillon par la lumière. Nous ne manquions de rien, nous étions même très privilégiés, nous avons voulu faire l’expérience d'en avoir encore plus. Tout le reste est une fable. Tout ce que nous avons construit ensuite comme prétextes, ma carrière, une opportunité qui ne se présenterait pas, un monde nouveau à connaître. Rien ne tenait devant la seule raison qui soit pour accepter de travailler pour l'Impératrice : nous voulions notre poids en or.
[...] ici, les salariés sont qualifiés par leur fonction, comme des outils. Comme il y a des trancheuses, et des empaqueteuses, il y a des facturières et des comptables avec des numéros de bureau.