Brigitte Harrisson lors du lancement du numéro spécial de Québec Science sur l'autisme
Les professionnels neurotypiques ne savent pas se taire. Ils ne connaissent pas les autistes et ne leur permettent pas de terminer leur manœuvres. Ce qui est encore plus grave, c'est que souvent ils parlent pour calmer leur propre anxiété alors qu'ils sont supposés aider les autistes. Après, ils se demandent pourquoi ceux-ci sont très anxieux. Toute personne neurotypique qui veut travailler en autisme doit apprendre à se taire, à savoir quand et pourquoi garder le silence. C'est vital.
La structure autistique statique cause déjà de l'anxiété. Les participants (« non autistes », c'est moi qui rajoute cette parenthèse et non l'auteur) à qui nous enseignons les situations anxiogènes en autisme, sont très étonnés de la quantité de situations qui causent de l'anxiété. Ils nous mentionnent qu'ils n'auraient jamais pu imaginer cela puisque par exemple, manger, ou prendre une douche ou même se déplacer d'une pièce à l'autre n'est pas anxiogène pour un neurotypique.
Tous les programmes, toutes les interventions sont construits sur la structure de pensée neurotypique. Et dès que les autistes seront en colère de ne pas être aidés, ils vont recevoir l'étiquette de personnes ayant des troubles du comportement. Comme ils ne peuvent pas communiquer convenablement, ils ne pourront pas se défendre avec des mots. Il existe une loi de la nature : quand on ne peut pas dire ce qu'on vit, on le montre.
Il est très anxiogène pour un individu TED de ne pas comprendre ce qu'une personne dit. Souvent les Asperger vont refuser de parler à quelqu'un, uniquement parce qu'ils ne comprennent pas ce qui se dit. Et comme tout le monde parle aux Asperger continuellement sans aide conceptuelle, ils vont vivre de l'anxiété en continuité.
La compréhension des consignes va dans le même sens. La journée se passe d'échec en échec pour les individus TED les plus conscients.
(…) il est important de savoir qu'un autiste qui crie beaucoup, tente de communiquer mais n'a pas de mots. Il lui faut enregistrer les représentations mentales pour donner le sens du son et ces images passent par les outils visuels statiques et ensuite dynamiques. Il est probable qu'on ne lui ait pas donné accès aux images de la manières adéquate. Donc, on ne devrait jamais laisser un autiste qui crie sans système de communication : il le demande en agissant ainsi.
Les individus TED se comportent selon leur cadre de référence. Ils ne savent pas qu'ils ne savent pas. Il est donc très important de ne pas oublier que le TED est présent 24 heures sur 24 et non seulement selon la disponibilité de l'entourage ou des services ! On ne peut pas être « TED à temps partiel ». Et même si on parle, on est encore autiste... L'autisme touche la structure cognitive et non le système langagier.
La personne Asperger, parce qu'elle parle et que l'information entre trop rapidement, ne saisit que des bouts de phrases ou des morceaux de mots. Elle tente donc de se construire une espèce de cadre de référence cohérent à l'intérieur avec toute cette information. Le processus est nettement plus rapide chez l'Asperger que chez l'autiste de haut niveau. Pourtant, l'Asperger n'a pas la capacité d'assumer cette rapidité. Il n'est pas plus équipé que l'autiste à l'intérieur. Comme ça va beaucoup plus vite et que c'est fait de manière plus consciente, les effets négatifs peuvent beaucoup plus grands sur la personnalité de l'Asperger. Son cadre de référence est plus rigide parce qu'il a beaucoup plus de données et que cette réalité soutenue par la mémoire lui échappe facilement. Cela provoque énormément d'anxiété.
L'autiste ne voit pas non plus venir ce qui se passe à l'intérieur de lui-même. Le fonctionnement décrit pour les données provenant de l'extérieur, est tout aussi valide pour l'information qui vient de l'intérieur de la personne, soit les réactions physiques. L'autiste est donc parfois coincé avec une émotion lorsqu'elle est assez forte pour déranger. C'est la même chose pour l'appétit, la fatigue ou la sexualité. Comme il ne peut pas expliquer ou transposer, il ne sait pas quoi faire avec ça. C'est pourquoi, IL EST TRÈS IMPORTANT QU'ON LUI EXPLIQUE DE L'EXTÉRIEUR CE QU'IL VIT, AU MOMENT OÙ IL LE VIT (c'est moi et non l'auteur, qui mets en majuscules) afin qu'il puisse identifier et intégrer cette information.
Quels sont les bénéfices d'un aveugle d'être aimé si on ne lui enseigne pas à communiquer (il ne saura même pas qu'il est aimé...) et qu'on ne lui donne pas accès à l'information concernant sa particularité ? De quoi auront l'air son identité et son estime si on le pousse à faire des tas de trucs sans tenir compte de sa perception ??? « on va te montrer à traverser la rue. On te le dit, apprends-le par cœur, mais on ne te parlera pas du fait que tu ne vois pas... et ensuite, on se demandera pourquoi tu exécutes mal et que tu ne généralises pas ce que nous t'enseignons, on ne comprendra pas pourquoi tu es anxieux... »
(…) moins on a l'air autiste, plus on est conscient de la différence, plus on travaille fort pour la traverser, moins on a le droit de se tromper et moins on nous accorde l'effort qu'on fait !!! C'est comme si, quand ce n'est plus visible, les gens prennent comme acquis qu'on doit être comme les autres !!! Et c'est là que ça devient très frustrant et décourageant pour nous parce que même si l'autisme devient presque invisible, notre structure reste autiste. C'est une des plus grandes erreurs des professionnels à ce niveau.