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3.83/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1959
Biographie :


Brigitte Mouchel, née en 1959, est tout autant écrivaine que plasticienne.
Depuis 1999, elle réalise des livres d’artiste en auto-édition qui disent ce partage entre images et mots qui l’habite.
Elle participe à des expositions collectives et individuelles, à des salons du livre (poésie et livres d’artiste) et, depuis 2001, anime des ateliers d’écriture.
En mars 2018 elle a ouvert, avec Julie Aybes, la galerie méandres à Huelgoat, lieu indépendant d’exposition, d’édition et de réflexion, dédié aux arts visuels contemporains et à la littérature.


La plupart des textes sont rassemblés dans :
. Et qui hante, édition Isabelle !sauvage, 2018
. et dans Événements du paysage, édition Isabelle !sauvage, 2010


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Bibliographie de Brigitte Mouchel   (2)Voir plus

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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
À TENTER DE VOIR DANS LA NUIT ‒ UN HOMME ?
Extrait 2


Et ta carcasse raide, le froid au creux du dos, cette
rencontre tactile contre la nuit
où tu ne perçois rien, monochrome ‒ palpite
parfois apparaît une trouée
un faible éclat de jour ‒ ou de vie, de terre et d’humains ‒
qui fait comme un voile
une sorte de visage ‒ la trace d’un visage ‒ à peine un
éclat, même pas, faible, et rien ne peut désemparer
l’éclatante noirceur ‒ l’attente, le temps à peine ‒ ne passe
une vague lumière, des traces voilées comme buée ‒ ta
bouche ? ‒ il n’y a personne
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un beau jour — peu importe…


Extrait 2

on a retrouvé juste un vélo et une chaussure — ils ont
fait des photos de la maison, de la famille, du village,
ils ont posé des questions aux voisins — mais qu’est-ce
qui lui a pris, à cette femme-là ? — à moi, les questions,
la honte, cette femme-là
c’est tout ce qu’elle a dit, elle en a parlé deux ou trois
fois, elle a dit c’est comme quand on oublie de mettre
du sel dans un plat c’est tout ce qu’elle a dit, elle a
parlé des chats dans la maison de son enfance, elle
a dit qu’il y en avait beaucoup, elle a dit leurs noms,
c’est tout ce qu’elle a dit, j’ai oublié les noms des
chats, elle a dit que la chambre avait un papier à fleurs
— une fois, une seule fois, elle a dit qu’elle a souhaité
mourir quand elle a appris — ou bien elle le savait
déjà mais ça devenait insupportable — elle a dit mais
ça ne te regarde pas c’est tout ce qu’elle a dit, elle s’est
remise à plier le linge, avec pourtant des yeux noirs
inquiets, juste des silhouettes qui passent


p.8-9
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un beau jour — peu importe…


Extrait 1

un beau jour — peu importe
    même pas
c’était pas un cri — plutôt un appel, une plainte
une image qui reste, un môme flou, le nez qui coule,
le visage barbouillé, un fouillis, agrippé, insupporta-
blement agrippé
ce môme, un instant
on ne sait pas son nom, on ne sait presque rien — un
môme sans nom, pas même, ou bien pas encore —
ordinaire, son visage, son air pâle
et beau
elle — mère parce que, peu importe
égarée
la femme aux médicaments, la femme aux lames de
rasoir, comme un tableau suspendu de biais, la femme
à la tête dans la cuisinière à gaz — un obscur pressen-
timent, une sorte de honte — elle n’a pas de visage,
pas de nom, on sait seulement de cette femme qu’elle
a récemment — elle est un peu perdue, et lui mais tais-
toi donc — elle a posé l’enfant, clos le sac — paroles
que personne n’ose, aigres comme les petites jambes
maigres, les chats qui tournent autour
...

p.7-8
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un beau jour — peu importe…


Extrait 3

et chaque jour le café à faire et puis secouer les draps,
la fenêtre très haute, et quand on a balayé, on a un
moment tranquille au soleil avant d’éplucher les lé-
gumes— les enfants au fond d’un sac, emballés dans
un vieux journal

— ne sais pas quoi en faire — n’est pas né — n’est
pas, pas très grand encore, pas encore, ne parle pas,
perdue — ne dit pas — l’enfant qui pousse, éplu-
chures, il te ressemble, habite chez toi — le garde en
toi, l’oublier — enfant tu, une boule de chiffon — qui
reste — te souviens-tu ? ni des prénoms — même pas


   tu tué

l’enfant — on a trouvé le corps sans vie enfermé
dans une boîte, gisant dans l’eau — c’est là dans cet
endroit retiré, un étang caché en pleine forêt, enfant
inanimé, corps fragile qui s’abîme vite surtout dans
l’eau — intempéries — aucune piste, on recherche
des témoignages, autour de l’étang, dans la forêt,


p.9-10
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un beau jour — peu importe…


Extrait 9

mettre au
monde un enfant innommable — et fait trou, hors —
chaque jour ordinaire, douloureux, sans éclat et sans
bruit, sans histoire — un geste qu’elle fait — au fond
d’un sac, emballé dans un vieux journal mais qu’est-ce
qui lui a pris, à cette femme-là ? sans promesse d’aucun
autre commencement

on ne sait pas son nom, on ne sait presque rien —
ordinaire, son visage, son air pâle, avait demandé
en silence, invisible, précipitée plus encore — avait
confié une inquiétude vague, diffuse, le vide qui
l’habite — le déchet qu’elle croit être, mieux que
ceux qui l’insultent
ce petit morceau d’elle — mon amour

enfoui au pied d’une souche d’arbre sans que per-
sonne — disparu, l’enfant que personne n’a vu, ni les
autres, des enfants comme des pansements, aucun ne
se souvient de la date, il ne mangeait plus, passait ses
journées puni dans son lit — nommé le désordre du
monde

p.15
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un beau jour — peu importe…


Extrait 4

quelqu’un transportant une boîte, à moins que la mère
ne soit prise — ils disent — de remords — ils disent
cela s’est déjà vu — elle n’a pas de visage, pas de nom
— étouffement — on sait seulement de cette femme
qu’elle a récemment enfanté une petite fille retrouvée,
hier, dans l’étang — un endroit coincé au milieu de la
forêt — sans vêtement ni passé, pas de nom, tout le
monde se connaît ici, se tait — il était gelé, nu, il était
tout blanc, désarticulé, comme un jouet
l’enfant — inanimé, dissimulé dans un sac de courses,
quatre autres conservés dans un congélateur, nés, un
village en campagne, une maison anonyme, l’alerte
a été donnée, la mère reconnaît avoir accouché seule
dans la salle de bains, le père, sa surprise, son abatte-
ment, le village s’est figé, ils vivaient discrètement, la
mère on la voyait peu, elle ne sortait pas beaucoup,


p.10
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un beau jour — peu importe…


Extrait 5

c’est sûr que personne n’avait rien remarqué, la place
fleurie, ils menaient une vie normale, la mère est un
peu perdue, lui tais-toi, mais tais-toi donc — des gens
qui ne parlent pas
elle — huit de ses dix enfants sont morts de causes
mystérieuses on a dit des morts subites, les deux autres
de cause naturelle, on a dit, elle avoua en avoir étouffé
quatre — immersion, enfouissement — elle dit je ne
sais pas, les autres enfants, je ne me souviens pas, il s’est passé
quelque chose — la prison pour avoir failli, son enfant,
failli tuer son enfant — on a dit, un poison, l’enfant
failli et sa mère enfermée, muette — a tué ses cinq
enfants en les noyant dans la baignoire, non coupable
pour folie — elle, la plus mystérieuse, ignore l’enfant
en elle — est né dans la sidération, un bout de chair
dont elle n’a su que faire jusqu’à ce qu’elle en ait croisé
le regard, effrayée, terrorisée — elle reprend aussitôt
sa vie, comme si rien, jamais né, jamais enfoui, jamais
ce regard, jamais quelqu’un
seule avec l’enfant impossible, tu
quand elle dépose le corps de son enfant dans un
sac, elle le caresse comme elle aurait pu caresser son
ventre


p.11
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un beau jour — peu importe…


Extrait 7

un beau jour

que ça se passe vite, que personne ne se rende compte de
rien, qu’enfin je sois débarrassée de ce — j’ai fait vite,
en silence, j’ai mis tout ça dans un sac en plastique que
j’avais sous le lit, j’ai mis tout ça dans le placard, sous
un tas de draps, sous le ventre des chats, une pierre, je
suis repartie dans la cuisine préparer le repas, je l’ai mis
quelque part, la solitude là-dedans, tu essayes de parler,
tu te tais, tu es l’ordure, une tache sur la vie, une chose
— petit morceau de moi, je l’ai gardé tout près, dans le
placard, malgré l’odeur, malgré la peur que ça se sache,
parce que — c’est les semaines de trouille à se débrouiller
comme on peut, seule — ne rien dire et cacher le sang,
laver les draps, faire semblant d’une maladie, d’un petit
problème de femme, ça se calme avec les jours qui passent
et le paquet dans le placard on l’oublie, il est là, c’est tout,
des trucs de la vie qui n’ont pas fonctionné, peux pas en
avoir tant, ne saurais pas en aimer tant, ils t’isolent et
puis te jugent et te condamnent, c’est quoi une bonne mère,
c’est quoi une mère, se déchaînent comme si un monstre


p.13
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un beau jour — peu importe…


Extrait 8

comme si malade, du haut de leur — décortiquent mon
cas, la question sociale qui pèse lourdement, disent victime,
bienveillance, ou bien pas naturel — avoir, vouloir, ne
pas vouloir d’enfant, l’idée de mère, l’idée de mauvaise,
c’est un problème, une galère, une catastrophe mais pas un
enfant, je ne suis pas une mère, faire disparaître, ils disent
des monstres, des folles, les deux à la fois

une bête apeurée restée comme une pierre, la rive du
ruisseau enchevêtrée de joncs, chaque fois un enfant,
bientôt trop, elle ne sait plus, doit les aimer — c’est
évident, infini — l’empêche de respirer, que ça cesse
— tout remonte à la surface de son visage, le silence,
les oublis, la peur, la petite chemise un peu ouverte
sur la peau — sa grâce — les gestes de chaque jour
— et quand on a balayé, on a un moment tranquille
au soleil avant d’éplucher les légumes — elle donne
des enfants, multiplie une fêlure, quelque chose
d’abandon d’elle — a eu lieu — une procession
de petits sacs — le regard se détourne — ne pas
savoir, pas vouloir, les enfants en travers,


p.14
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un beau jour — peu importe…


Extrait 6

elle le caresse comme elle aurait pu caresser son
ventre pendant qu’il était là absent — quand on
trouve l’enfant inanimé dans le sac, elle murmure son
prénom, même, ose, lui donne un peu de vie imagi-
naire, à peine, une ébauche de soin, pour elle-même,
puis suspend sa parole, elle a posé l’enfant dans le
trou, la faille — le silence comme la couture du sac,
le tableau au pull rouge suspendu de biais, ne rien
demander

trop d’enfants, ma mère me le disait, indignée, mon mari
jamais rien dit, jamais parlé ensemble, ne parlait pas, de
toute façon trop d’enfants, si ça continue comme ça, pas
capable d’élever tous ces enfants, pas capable d’aimer tout
ça, ne savais pas quoi faire, quelle bête j’avais dans le ventre
qui aspirait les enfants comme ça, les choses arrivaient
comme ça, et c’est arrivé, qu’est-ce que tu veux faire dans ces
cas-là, je savais mais je ne voulais pas, je savais, pour moi,
on ne veut pas, aussi fort qu’on veut, c’est la même chose,
personne ne voit, on s’arrange, pour soi, un beau jour, on
accouche quand même


p.12
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