Il semble que pour l'enfant l'existence soit une série de périodes sereines, brusquement interrompues, et d'une façon incompréhensible, quand il se trouve projeté dans une situation très dangereuse. Il s'est senti en sécurité, sans l'ombre d'une inquiétude, et, en un instant, tout est changé, et le monde, si amical, devient un cauchemar hérissé de périls. C'est ce qui se produit quand l'un des parents, jusque là tout amour, émet des exigences qui paraissent déraisonnables et des menaces terrifiantes. L'enfant est convaincu qu'il n'y a rien de raisonnable à l'origine de ces choses.Il constate simplement qu'elles existent. C'est la conséquence d'un destin inexorable. L'enfant n'a alors que deux solutions : ou bien il s'abandonne au désespoir ( et c'est exactement ce que font certains héros de conte de fées, ils pleurent jusqu'au moment où un ami magique survient pour leur dire ce qu'ils doivent faire pour lutter contre la menace); ou bien comme Blanche-Neige, il essaie d'échapper à son horrible destin par la fuite, "la malheureuse fillette était désespérément seule dans la vaste forêt et tellement apeurée... qu'elle ne savait que faire et que devenir. Elle commença à courir, s'écorchant aux épines et sur les pierres pointues".
Première Partie - De l'utilité de l'imagination-
Chap Imagination, guérison, délivrance et réconfort
P 251
Les parents ne doivent pas s'adonner à créer l'enfant qu'ils voudraient avoir mais, au contraire, l'aider à devenir ce qu'il est en puissance, à épanouir ses potentialités.
Lorsque les Allemands occupèrent Varsovie, ils enfermèrent de force tous les Juifs dans un ghetto où ils furent voués à la mort. Quand vint l’ordre de transférer les orphelins dans un bâtiment du ghetto, Korczak alla plaider leur cause à la Kommandantur. Comme il le faisait dans toutes les circonstances analogues, il s’y rendit vêtu de son vieil uniforme de médecin de l’armée polonaise et sans y avoir épinglé l’étoile jaune obligatoire. Quand on lui dit qu’il ferait mieux de s’occuper des enfants polonais, il déclara qu’il était juif. Il fut alors mis en prison et jugé pour « conduite outrageante ».
La Gardeuse d'oies comporte une autre leçon, très importante : la mère, même si elle est aussi puissante qu'une reine, est incapable d'assurer l'évolution de son enfant vers la maturité. Pour devenir lui-même, l'enfant doit affronter seul les épreuves de la vie ; il ne peut pas compter sur ses parents pour l'aider à surmonter les conséquences de sa faiblesse.
Le « Vieux Docteur » (Korczak) se soumettait avec joie au jugement des enfants, et pas seulement devant le tribunal. Par exemple, il leur lisait des passages de ses livres et sollicitait leurs critiques, qu’il prenait très au sérieux. Il disait souvent, et il a écrit, que les enfants étaient ses meilleurs maîtres, qu’il tenait d’eux tout ce qu’il savait.
Mais d’où vient cette croyance très rependue qu’il existe des « enfants sauvages » en général et des « enfants loups » en particulier ? Tout d’abord, ces enfants ne sont pas muets, mais ils ne parlent pas ; et c’est la parole, plus que tout autre chose, qui distingue l’être humain de l’animal. Ensuite, tous les « enfants normaux », même s’ils sont faibles d’esprit, cherchent le contact avec d’autres êtres humains qui s’occuperont d’eux ; mais ces « enfants sauvages » évitent la compagnie humaine. Enfin, certains d’entre eux s’attaquent férocement à autrui ; ils griffent et mordent, comme des animaux.
Freud, dans ses écrits autobiographiques, raconte que son choix d’une profession a été dû à un essai de Goethe. Ce grand essai, qui avait trait à la nature, poussa Freud à renoncer à son premier désir ― être un dirigeant politique qui changerait pour le mieux le cours du monde ― et à opter pour les sciences naturelles. Ainsi, le destin de Freud fut en partie déterminé par une œuvre littéraire.
Janusz Korczak, de son vrai nom Henryk Goldzmit, était un descendant de deux générations de Juifs cultivés qui avaient rompu avec la tradition judaïque pour s’assimiler à la culture polonaise. Son grand-père était médecin jouissant d’une haute réputation et son père un avocat connu qui avait fait une brillante carrière. Selon toutes les apparences, le petit Henryk commença sa vie dans des conditions très confortables dans le milieu de la haute bourgeoisie aisées à laquelle appartenaient ses parents. Pourtant il connut très tôt des difficultés émotionnelles. […]. Il n’avait que onze ans quand son père commença à souffrir de sérieux troubles mentaux qui, finalement, nécessitèrent son internement dans un hôpital psychiatrique. Henryk venait d’avoir dix-huit ans quand son père mourut. Le déclin du père avait entraîner pour la famille de grandes difficultés économiques.
Pour pouvoir régler les problèmes psychologiques de la croissance (c’est à dire surmonter les déceptions narcissiques, les dilemmes eodipiens, les rivalités fraternelles ; être capable de renoncer aux dépendances de l’enfance ; affirmer sa personnalité, prendre conscience de sa propre valeur et de ses obligations morales), l’enfant a besoin de comprendre ce qui se passe dans son être conscient et, grâce à cela , de faire face également à ce qui se passe dans son inconscient . Il peut acquérir cette compréhension non pas en apprenant rationnellement la nature et le contenu de l’inconscient , mais en se familiarisant avec lui, en brodant des rêves éveillés, en élaborant et en ruminant des fantasmes issus de certains éléments du conte qui correspondent aux pressions de son inconscient .........
Voilà quelque chose que l'enfant comprend très bien : pour lui, rien n'est plus vrai que ce qu'il désire.