Il en est des familles comme de la planète : si de plus en plus de personnes réalisent que nous ne pouvons laisser en héritage aux générations futures une Terre abîmée, en voie de destruction, de même, il importe que nos enfants, et leur descendance, n'héritent pas des malheurs et des souffrances de leurs parents et de leurs ancêtres.
Il ne s’agit pas de faire le procès de Freud ni même de la psychanalyse, mais de regarder avec lucidité sa pratique et sa théorie pour qu’elle devienne vraiment efficace. Les « fantômes familiaux » témoignent que l’on peut être hanté aujourd’hui par les traumatismes d’hier, ceux de nos ancêtres. Un être humain est fait de transmissions, héritier des générations antérieures en ce qui constitue leurs vertus mais aussi leurs manques. Il en est de même pour la psychanalyse. Elle est logiquement porteuse de ce qui a présidé à sa conception.
J'ai souvent l'image de la vie humaine comme celle d'une feuille d'arbre entraînée dans un cours d'eau. Si un obstacle se dresse devant elle, elle se met à tourbillonner, souvent en rond, elle fait du surplace. Elle tourne en boucle tant qu'elle n'est pas délivrée de ce qui l'empêchait d'aller de l'avant. Comme les humains.
Le travail psychologique se trouve devant un dilemme: ignorer l'écueil que représente l'amnésie et laisser la victime seule face à son traumatisme ou bien s'atteler à la recherche d'une causalité avec tous les dangers que cela suscite. Le thérapeute doit être d'une vigilance extrême afin de ne pas créer une fausse mémoire; de même, il ne peut adhérer sans réflexion à la thèse de son patient même si elle est faite de bonne foi. C'est dans une recherche commune, patiente, circonspecte, qu'une certaine vérité peut surgir. Son but n'est ni la dénonciation, ni la condamnation - domaine qui appartient à la justice et qui est du ressort de ce que souhaite la victime pour sa propre vie. Ce qui importe est la guérison recherchée, qui exige que l'on sache ce qui est arrivé, comment et avec qui, si possible, sans que cela constitue toutefois une preuve absolue.
[...] Toute phobie est liée un fantôme, c'est-à-dire qu'elle vient inscrire son origine, soit dans un secret, soit dans un traumatisme situé dans une génération antérieure. (p. 131).

Ces dernières années ont vu l'écolsion d'une série de mouvement,s collectifs visant à mettre en pleine lumières les violences sexuelles. Les premières dénonciations - le mouvement #MeeToo - concernaient plutôt celles commises dans le cadre social; des romans, des témoignages personnels ont successivement mis le focus sur d'autres violences, engageant encore plus l'intimité des victimes. Comme s'il avait fallu partir du général pour arriver au particulier: les violences des proches, à travers le livre Le Consentement, puis l'inceste, avec La Familia Grande; d'autres ouvrages tout aussi bouleversants continuent cette quête de vérité.
Tous ces témoignages nécessaires, fondamentaux, vont permettre un changement de nos moeurs. Cependant, pour une large transformation des pratiques de notre société dans ce domaine, il importe, au-delà des témoignages, de pouvoir mettre du sens, de comprendre les mécanismes et les effets des violences. Que se passe-t-il pour les victimes? Comment en arrive-t-on à devenir bourreau?
Y a-t-il moyne de décrire l'indescriptible?
En quête perpétuelle d’identification aux personnes de son sexe, ce qui apparaît comme la base de son homosexualité, Dora tente de se construire en tant que femme et n’y arrive pas. Comme l’avait compris Jacques Lacan, pour Dora "Madame K. représente le mystère, le mystère de sa propre féminité". mais il ne pointe pas plus que Freud l’importance capitale de sa transmission par le maternel. La mère de Dora n’existe pas dans les commentaires de Lacan ; sur les traces de Freud, il la fait d’emblée sortir, lui aussi, de l’étude du cas : « La mère est absente de la situation17. » Absente des commentaires freudiens et lacaniens sur Dora, mais omniprésente par le vide qu’elle occupe.
A travers ce cas exceptionnel, on comprend combien les enfants peuvent être envahis par les histoires non réglées et secrètes de leurs ancêtres, à l'origine de graves troubles dont il est préférable qu'ils soient traités par la psychanalyse transgfénérationnelle plutôt que par les médicaments, quand cela est possible bien entendu. Il faut alors mettre l'éclairage sur les générations antérieures et non pas sur le vécu des parents, car la plupart de ces enfants ont une enfance sans souci majeur. [p. 170]
[...] Tout ce qui n'est pas dit est répété.
Deux phénomènes sont fondamentaux dans les violences sexuelles: le clivage et le déni.