Le Baptême de Clovis : 24 décembre 505 ?
Bruno Dumézil
Éditions Gallimard
Octobre 2019
En 1995, la célébration du XVe centenaire du bapte^me de Clovis avait suscité de nombreuses polémiques. Si cet événement est souvent considéré comme l'acte fondateur de la nation France, peu de certitudes ont été établies. Spécialiste incontesté de cette période reculée, Bruno Dumézil, au-delà des mythes et des légendes, nous dégage la véritable figure de ce roi et de ce pays, devenu « fille ai^née de l'église ».
https://www.laprocure.com/bapteme-clovis-decembre-505-bruno-dumezil/9782072690679.html
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QUAND L'HISTORIEN FAIT LE BARBARE
Le barbare est nécessaire. Surtout s'il appartient à un passé lointain. Les Européens ont donc fait appel aux peuples du haut Moyen-Âge, soit pour se trouver des ancêtres, soit pour dénoncer de soi-disant ennemis héréditaires. Et quand les français ne pouvaient plus voir les allemands en peinture, ils se sont mis à peindre les tableaux montrant les anciens germains. C'est ainsi que le XIXème siècle, âge d'or des nationalismes, a façonné le passé... à son image !
A terme, au milieu du VIIe siècle, tous les hommes libres vivant au nord de la Loire sont appelés Francs. Les indigènes n'ont pas été massacrés ou réduits en servitude. Ils se sont adaptés. Comme les chefs gaulois s'étaient jadis faits citoyens romains, les élites locales ont changé d'identité en devenant franques.
Pour les Ve, VIe et VIIe siècles, le genre littéraire le plus représenté est celui de la vie des saints. Pour illustrer les miracles des évêques ou des abbés, les auteurs rapportent des guérisons miraculeuses, des résurrections de morts, voire des récits de visites dans l'au-delà. Le surnaturel abonde, avec force dragons, monstres et démons. Au XIXe siècle, les historiens qui se sont penchés sur ces textes en ont déduit que les hommes des temps barbares étaient des esprits crédules ou superstitieux, et que toute la période était baignée par l'obscurantisme. Mais ces sources sont-elles représentatives ? La plupart des journaux actuels proposent bien une rubrique de prédictions astrologiques à leurs lecteurs... Que penserait-on si l'on ne conservait de notre époque que ce type de littérature ?
Dans tous les cas, parler de "déclin" ou de "décadence" est un jugement moral. Mieux vaut considérer que la société évolue et se réorganise. Certains en souffrent, d'autres en profitent. Et parmi les hommes qui en tirent le plus d'avantages, il y a ceux que l'on appelle les Francs.
Le premier récit cohérent du règne apparaît sous la plume de Grégoire de Tours, qui achève ses "Dix livres d'histoires" dans les années 590. Alors que le royaume mérovingien est déchiré par les guerres civiles, Clovis doit apparaître comme un fondateur grandiose. Son règne est ainsi présenté par Grégoire à travers une série de scènes saisissantes : les victoires initiales lui permettant de prendre le contrôle du Bassin parisien, le mariage avec une princesse catholique, une bataille difficile contre les Alamans du Rhin suivie par un baptême à l'âge de 30 ans et, enfin, la conquête du royaume wisigoth et la fondation d'une capitale à Paris.
La vie d'Ibn Khaldûn, qu'il nous a contée lui-même dans une sobre autobiographie, ne recèle guère d'éclats ni d'exploit, si ce n'est sa rencontre en 1401, à près de 70 ans, avec l'un des grands fléaux de l'Apocalypse, le conquérant turco-mongol Tamerlan. C'était sous les murs de Damas, promise au sac, au viol, à l'incendie. Ibn Khaldûn, juge et notable, introduit auprès du conquérant pour tenter d'adoucir le sort de la ville, assiste impuissant à ce qu'il comprend mieux que tout autre, ce qu'il a théorisé depuis des décennies. Toute la grandeur d'Ibn Khaldûn est dans la force de la pensée du roseau qui plie, pour le dire comme Pascal, et qui seul comprend le sens de l'incendie qui va le dévorer. La seule aventure d'Ibn Khaldûn fut la pensée.
(Ibn Khâldun, Gabriel Martinez-Gros)

L'apparition de Conan est pensée comme celle d'un corps puissant et indomptable, contemporaine de celle des premiers athlètes acteurs, comme Douglas Fairbanks ou Johnny Weissmuller qui, à partir de 1932, incarne Tarzan au cinéma. L'évolution du personnage du Cimmérien accompagnera d'ailleurs celle des rapports au corps masculin tout au long du XXe siècle. Conan devient ainsi l'archétype de l'homme bodybuildé et imberbe - alors que le barbare était traditionnellement représenté barbu et poilu -, véritable parangon du self-made-man américain capable de se forger un destin à la seule force de ses muscles dans une Amérique traversée par la Grande Dépression. Qu'il ait été incarné trois fois entre 1982 et 1985 par Arnold Schwarzenegger ne doit rien au hasard tant le storytelling entourant la carrière de l'athlète, autrichien de naissance, ressemble à celle du Cimmérien, parti de rien et devenant célèbre grâce à sa seule force physique et son entraînement, dans une Amérique des années Reagan qui porte aux nues ce genre de modèle, avec, par exemple, le personnage de Rocky.
(William Blanc - Conan le barbare)
BASQUES
Dans l'historiographie, l'identification d'une culture ancienne propre aux populations pyrénéennes repose essentiellement sur l'argument linguistique. En effet, l'originalité de la langue basque serait chez certains auteurs la marque de son caractère endogène, dont l'origine remonterait au néolithique ou à l'âge du bronze. Il n'existe cependant aucun argument sérieux en ce sens. (...)
Adrien Bayard
Les auteurs du VI°s ne connaissaient déjà plus les raisons d'être de cette toison qui valut aux Mérovingiens le nom de "rois chevelus". Sans doute ce marqueur physique avait-il des aspects pratiques, puisqu'il permettait de reconnaître le prince légitime ou, selon les circonstances, d'identifier son cadavre. Pour authentifier les actes royaux, la chancellerie franque avait également l'habitude de déposer quelques cheveux royaux dans la cire des sceaux même si, faute de diplômes conservés avant le VII°s, on ignore si la pratique existait au temps de Clovis. Quant aux Byzantins, ils savaient que les Mérovingiens avaient une longue chevelure mais ils préféraient souligner qu'elle était entretenue avec force lotions ; cela les différenciait des Turcs, peuple dont l'hygiène capillaire était notoirement déplorable (Agathias, "Histoires" I, 2-3).
p. 70
Imaginons un instant que les historiens du futur essaient de comprendre la France du XXIème siècle en disposant uniquement de la collection complète du Canard Enchaîné : que penseraient-ils de notre époque et surtout de notre personnel politique ?