AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

4.38/5 (sur 46 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Bruno Lafourcade est né en 1966 dans le Sud Ouest. Après des études de lettres modernes, il a travaillé dans l’agriculture, la restauration, la publicité et l’enseignement.
Il est l’auteur de romans et de nouvelles (Etché, Le Portement de la Croix, L’Ordre, Les Bostoniens), d’essais (Les Boues profondes de Georges Bernanos, Conseils à un jeune écrivain, Sur le suicide (2014) aux éditions François Bourin), et d’articles pour La revue critique des livres et des idées. Il a également collaboré à la réédition de Monsieur Ouine, de Georges Bernanos.

Ajouter des informations
Bibliographie de Bruno Lafourcade   (13)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Si j’ouvre le téléviseur, c’est pour voir des chanteuses de variétoche s’embrasser à qui mieux mieux, s’examiner et se palper les bretelles de soutien-gorge, se dire qu’elles « s’aiment » en veux-tu en voilà, et pleurer à grands seaux quand le public les applaudit spontanément, c’est-à-dire quand on lui dit d’applaudir. C’est la grande confrérie tâteuse et sangloteuse. C’est plus qu’un autre siècle, c’est un autre millénaire. Les livres, c’est pareil. Dès que j’en ouvre un au hasard, c’est pour y lire les confessions de femmes trompées, battues, trahies, violées ; une littérature du pathos dont je fais remonter les débuts au livre de Duras, La Douleur.

La séparation entre littérature lacrymale et littérature dérisoire correspondrait assez à la séparation sexuelle entre hommes et femmes. Les néo-féministes, en profitant de l’affaiblissement masculin, ont rendu plus nette une coupure sexuelle qui protège leur hégémonie. C’est donc ce que l’on retrouve, assez nettement, dans les livres d’aujourd’hui : ces deux axes, les hommes et les femmes, la gouttelette émerveillée et les grandes eaux souffrantes, le ravissement niais et le gémissement compulsif, pourraient probablement servir de grille de lecture à une bonne part de la littérature française actuelle.

C’est ensemble le sentiment de notre corps et l’expression de nos sentiments qui ont changé. Le plus souvent, je trouve toutes ces attitudes, autant les chanteuses qui s’embrassent que les romancières qui geignent, non seulement fausses, outrées, mais plus encore obscènes – et qui sentent assez souvent leur chantage à plein nez. « Regardez comme je suis malheureuse : mon fils a disparu, mon mari m’a quittée, mon amant m’a battue... »

Jean-Marc : Est-ce que ce ne serait pas un peu misogyne tout ça ?
Daniel : Il faut être un héros pour oser être misogyne aujourd’hui.
Commenter  J’apprécie          250
Bruno Lafourcade
L'humoriste (2° série d'extraits).
La source d'inspiration de la soumission par le rire, c'est aussi le /ça/ - les fonctions basses du corps. Ce segment de marché est occupé par Hanouna ... Ce bonimenteur, on le croirait sorti tout armé des caricatures. Lui, ce qu'il aime, c'est la chierie : tout ce qui pisse et pète lui plaît ; ça le fait sur-jouer ses fous rires. Avec ses gloussements de fosse sceptique, on change de public : on s'adresse aux fans des Tuche et aux cagoles de télé-réalité.
On regarde ce sadique sans sur-moi avec une stupeur mêlée d'horreur : il pousse un de ses salariés à se verser des nouilles brûlantes dans le caleçon, il confesse avoir chié dans les chaussures d'un autre, ou trempé sa bite dans le verre d'un troisième. Avec lui, on dépasse le gras, le laid, le bête - on rejoint le Mal. D'ailleurs, le pétomane est aussi un caïd, que l'on appelle "Tony Hanouna" ; beaucoup d'ailleurs dénoncent ses pratiques : le "chroniqueur" Julien Cazarre l'a même menacé d'un procès pour "menaces de violences physiques" et "appels malveillants".
L'humour contestait, il oppresse ; il libérait, il soumet. Il a ainsi accompli une complète révolution : parti d'un élan vital, il est retourné à l'état fécal.

Eléments, n°179, août-septembre, p. 23
Commenter  J’apprécie          252
Bruno Lafourcade
L'égautiste.
Le fou a jeté son entonnoir, il est sorti de sa clinique ; il n'a plus besoin de se prendre pour Napoléon : il est Napoléon. Zuckerberg a conquis le virtuel, et a laissé à Greta le réel et les ours polaires en péril. On ne dit pas "fou", bien entendu, pour ces deux empereurs du "like" et du voilier décarboné, on dit "autiste" et "Asperger". "Fou", ça sent l'électrochoc ; "Asperger", le génie précoce ; la vérité vient des frappadingues.
Les mots mentent, évidemment, comme souvent : il suffit de voir la grimaçante jeune sorcière de Stockholm et l'effrayante face de cyborg, lisse et plastifiée, de l'informaticien planétaire pour comprendre que ces deux-là ne souffrent pas plus de folie que d'autisme - mais d'égautisme, c'est-à-dire de ce narcissisme maladif, sûr de soi et totalitaire, cet égocentrisme adolescent qui s'impose par le caprice, la geignardise et le trépignement. "You have stolen my dreams and my childhood !"
(...)
Cet aliéné ne se voit pas, ne s'entend pas, et organise sa vie autour de ses bouffées délirantes. Dans l'amour, il a remplacé la conversation des corps par le monologue du sex toy. En art, c'est la musique, en toute logique, que ce sourd a tué en premier : il l'a remplacée par son ennemi : la pulsion et les pulsations du vacarme, dans ses déclinaisons pathologiques afro-américaines... En littérature, l'égautisme a inventé l'autofiction : l'angotisme est par nature égautiste. Or si l'art et le roman parlent seuls, désormais, et n'ont rien à dire sur le monde qui s'effondre, c'est qu'ils sont l'effondrement, et l'exaltation de l'effondrement, puisqu'ils sont la propagande. Le livre dialoguait, le monologue milite ; l'égautiste est donc un idéologue ; il est végan ; il est alerteur de féminicides ; il refroidit la planète en éveillant les consciences endormies par la chaleur du diesel ; et puis il welcome les refugees à coups de pancartes. Tous ses combats ne parlent de que sa grandeur d'âme et ont l'avantage d'offrir des coupables...
(Eléments n°182, février mars 2020, p. 25).
Commenter  J’apprécie          150
Aujourd'hui, tout sert votre propagande, rien de ce qui est populaire ne lui échappe, dont l'essentiel se résume à ceci : si l'on arrive à défendre les Noirs contre les Blancs, les Blanches contre les porcs, les mamans contre les mères, les filles contre leurs pères, les élèves contre leurs professeurs, les cancres contre les bons élèves, Angot contre ses lecteurs, les lecteurs contre Millet, la XVII° contre Camus, le français contre l'Académie, les égorgeurs contre leurs victimes, les écologistes contre les arbres, les arbres contre les chiens, les voitures contre les murs, les murs contre les cons, et les cons contre l'auteur de ces lignes, les Français seront sauvés.

p. 77
Commenter  J’apprécie          110
- Bien, commençons, dit Plenel. D'abord, bonjour et merci d'être venus nombreux parce que vous aimez les livres et ceux qui les font... L'an dernier, je sais que vous vous êtes interrogés sur qu'est-ce que c'est que traiter un homme comme autre chose qu'un homme... Aujourd'hui, on va se demander ce que c'est l'identité... L'identité, c'est quoi ? C'est la question que nous avons eu envie de poser à des écrivains d'aujourd'hui, des écrivains de leur temps, des écrivains qui viennent souvent d'horizons bigarrés... Malika Chebel, vous avez vingt-huit ans, vous êtes née au Mirail, à Toulouse, dans un quartier populaire, un de ceux qu'on dit sensibles, dans une famille originaire d'Algérie. Vous avez dû être une enfant précoce parce qu'on voit sur votre fiche Wikipédia que vous avez sauté la classe de CP... C'est vrai ?
- Oui, c'est vrai, je savais déjà lire... (...)
- A seize ans, vous commencez un premier roman, "La caillera vous salue bien", que vous montrez à votre professeure de français qui est elle-même auteure, qui le montre à son éditrice... Et, huit jours après, vous recevez un coup de téléphone de Grasset. (...) Ce roman, tout le monde le sait, a remporté un grand succès... A votre propos, un critique a écrit ceci : "On l'appelle la Sagan des cités, ou la Bridget Jones du Mirail. Trempée dans le bitume des banlieues, sa plume apporte un vent frais... Dans son premier roman, elle raconte le quotidien d'une adolescente, et elle le fait dans une langue colorée, qui mélange le verlan, l'arabe, et même le français classique, et revivifie l'imaginaire hexagonal par la peinture de la banlieue et des petites gens."...

p. 173-174
Commenter  J’apprécie          100
"Que c'est beau !"
J'ai publié une petite satire dans une revue : il s'agissait d'une parodie d'un auteur français, David Foenkinos ; puis ce texte a été repris sur Facebook : il y était bien précisé que j'en étais l'auteur, et que j'y parodiais M. Foenkinos.
"Que c'est beau !", a dit une dame, qui admire beaucoup M. Foenkinos.
Elle a copié mes lignes sur sa propre page en indiquant que le texte était de M. Foenkinos. Aussitôt un lecteur a félicité cette dame pour la qualité de son texte, croyant que mon texte parodiant M. Foenkinos était de la dame qui elle-même l'avait cru de M. Foenkinos.
Ici, deux hypothèses s'affrontent : la première est que les gens ne lisent pas ; la seconde que les gens lisent. Dans le premier cas, ils voient les mots s'agiter devant eux, et foncent :
"Foenkinos ? Que c'est beau !"
Dans le second cas, la dame a peut-être bien lu ma parodie et, gouvernée par une admiration où la Raison n'entre plus, elle n'a pas vu qu'elle était une charge contre M. Foenkinos ; elle en a même déduit que M. Foenkinos en était l'auteur.
Les gens liraient donc, bel et bien, mais ne comprendraient pas, tout simplement. Leur cerveau serait une tablette numérique, plane, pas du tout meuble, où les mots ne se fixeraient ni ne pénétreraient, et où le sens, immédiat et sans perspective, sans durée ni horizon, resterait à la surface. Ils balayeraient d'un doigt l'écran, et c'est le double fond, le double sens, le jeu, la dérision, la fantaisie, la métaphore, qui disparaîtraient. Ils liraient mais ne liraient pas, comme ils peuvent parler pour ne rien dire ; ils liraient même pour ne pas lire, comme ils peuvent parler pour ne pas entendre : ils produiraient un bruit de fond qui les empêcherait d'entendre et d'atteindre le sens et le fond.
Tous les ans, en hiver, on recommande aux skieurs de ne pas s'éloigner des pistes ; et, en été, aux nageurs de ne pas dépasser les limites imposées par les sauveteurs. Or, comme on sait, la violation de ces règles entraîne des accidents, des noyades, des morts. (...) Peut-être beaucoup de gens ne comprennent-ils plus, peut-être le sens ne parvient-il plus à leur cerveau, peut-être voient-ils "Attention danger" et le traduisent-ils par :
"Que c'est beau !"
Mardi 30 juillet 2019.
p. 299
Commenter  J’apprécie          90
L'existence est un risque, et la peur a ses vertus : elle est bonne conseillère. Elle permet de ressentir le danger, donc de le fuir ou de l'affronter. Encore faut-il ne pas se tromper d'ennemis. Or, en deux ou trois décennies, la société a inversé la peur : elle en a inventé d'imaginaires, à cent trente-cinq euros l'amende, avec des pictogrammes avertissant de l'effet du sac en plastique quand on y enfouit trop longtemps la tête ; et elle nie les réelles, comme celle consistant à croiser un déséquilibré qui s'est fourni au rayon coutellerie du BHV. Elle a ôté à l'individu sa peur légitime, cet instinct salutaire : elle l'empêche de développer cet anticorps naturel, qui est la garantie de sa survie, en lui interdisant moralement de l'éprouver, en la rangeant parmi les fantasmes "qui font le jeu des extrêmes". On finit égorgé, mais l'égorgeur a respecté les normes de sécurité imprimées sur l'emballage du cutter - c'est le principal.

6 mai 2022, p. 343
Commenter  J’apprécie          92
"Nos pensées vont d'abord à la communauté musulmane de France, première victime des ces attentats", osaient dire ces journalistes, ces militants, ces ministres, avant même que les cadavres des Français chrétiens ou juifs d'origine ou de confession fussent froids. On aurait pu croire à une parodie, tant le retournement était spectaculaire ; ce n'était pas une parodie, ou bien le monde était une parodie. Néanmoins, plus aucun Français un tant soit peu éclairé n'était dupe : on pouvait toujours jeter de l'euphémisme sur le pays, de la pudeur sur son sang et un drap de mensonge sur son cadavre, c'était toujours du sel que l'on versait sur ses plaies.

pp. 250-251
Commenter  J’apprécie          90
Nous crevions sous la vertu, que la canaille humaniste nous donnait pour la vérité, quand elle en fut l’inverse exactement ; et la vertu et la canaille n’auraient bientôt plus de cesse qu’elles n’aient corrompu en entier les moins putréfiables d’entre nous. Nous commencions de vivre dans l’atmosphère étouffante de la culpabilité occidentale : la déchristianisation de la charité faisait ses premiers pas dans le monde. […] Nous ne versions pas dans les bons sentiments, nous nous y roulions.
Commenter  J’apprécie          90
Bruno Lafourcade
L'humoriste (extraits).
Il domestique où le policier réprime : on fait taire avec des balles de défense, mais on chloroforme avec du ricanement. Sa prolifération ne s'explique pas autrement, et ses nouveaux noms ("animateurs", "chroniqueurs") disent assez la place qu'il occupe désormais dans le journalisme de propagande.
(...)
Comme le tag sert à ne pas voir (le monument, qu'il salit), le rire sert à ne pas dire (la vérité, qu'il ridiculise). Ruquier ne cache pas d'ailleurs sa vocation de censeur, mi-fantaisiste, mi-journaliste, et s'en flatte, même !
Il a toujours été prêt au pire, c'est-à-dire à salir la vieillesse, la maladie et la mort. Dans les sociétés oppressives, tout est inversé : le rire de domestication puise donc à des sources qui autrefois appelaient le deuil, la compassion, le respect. La mère d'un opposant meurt, une canicule emporte des vieillards, un incendie ravage Notre-Dame* : le ricaneur se déchaîne, car il y a du vampire en lui, et du zombie dans le public hébété que l'on fait applaudir. Il s'agit d'anesthésier les valeurs humaines élémentaires, et de précéder la demande du Marché, qui voit dans le passé un parasite à euthanasier.
Cependant, Ruquier est doublement menacé, et d'abord par Yann Barthès. Celui-ci, avec son sourire permanent qui "fait le malin", comme disait Péguy, s'adresse à un public plus jeune, plus urbain Uber - le trottinettant trentenaire qui a voté Macron. Le danger est d'autant plus réel que Barthès glorifie les forts et humilie les faibles aussi bien que son confrère ; il utilise même mieux le montage, la caricature et la mauvaise foi pour compromettre les opposants.
(...)

* Stéphane Guillon, "L'invité d'Audrey" (LCI 1° mai 2017) ; "Elle a résisté à la canicule", On n'est pas couché, France2, 1° septembre 2018 ; Frédéric Fromet, "Elle a cramé, la cathédrale", Par Jupiter (France Inter, 31 mai 2019).

Eléments n°179, août-septembre 2019, p. 23
Commenter  J’apprécie          70

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Bruno Lafourcade (35)Voir plus

Quiz Voir plus

Harry Potter pour les nuls (niveau facile)

Combien de tomes contient la série Harry Potter

6
7
8
9

7 questions
16980 lecteurs ont répondu
Thème : Harry Potter, tome 1 : Harry Potter à l'école des sorciers de J. K. RowlingCréer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *} .._..