Citations de Bruno Roy (30)
Bibliothèque : une muraille contre l'ennui.
dans l’éruption de la source
il suffirait d’un saut
pour repartir à neuf
intimement liée à l’instinct
chaque origine au monde est à inventer
tout arrive après ce malentendu
nous manquons d’absence
je parle pour garder
ouverte la parole
j’écris pour garder
ouvert le livre
je saigne pour garder
ouvert mon cœur
je pleure pour garder
ouverts mes yeux
je donne pour garder
ouvertes mes mains
je te regarde
pour me garder ouvert
je fais la page
comme d’autres la rue
j’écris par évitement
sous des toits éphémères
ma feuille fuit
en ruisseaux asséchés
le soleil entre par le sang
j’écris de l’intérieur
quand tout m’obstrue
pour naître de ce temps
lire
comme si on m’avait blessé
comme si le mot me frappait
ces poèmes pour toute conscience
agitant les ailes de l’âme
encore
les désirs veillent tard
le bonheur serait de mourir
en m’élançant vers vous
ma biche ardente
au fond il n’y a pas eu d’attente
seulement un léger bercement du cœur
sur la chaude étendue de nos mains imaginées
Contestation : débourrage de crâne.
tu étais là
au début du monde
le réinventant
pour moi
et le pollen caché de mes doutes
sur un poème fruitier
féconde les baisers de notre avenir
de l’herbe où me coucher
de l’horizon ou m’étendre
ce matin-là pour m’approcher
ce soir-là pour m’apaiser
ce vent-là
comme on souffle
me perdre en toi
à chaque fois
les ailes de l’orthographe
au corps des mots légers
pèsent lourdes
je souscris
à une écriture affolante
en mon cœur déraisonné
les mots s’embrassent
sur la table
de leur débordement
mille plumes brouillent
seule
persiste
la page nue
ni le temps ni les champs
ni les chants ni l’espace
ne s’amoncellent
au lieu d’être
je suis verbe
par ce que je crois
désormais les bruits
en mon lieu public
dire
échelonner les paroles
mes voies sauvages
je suis le non-texte tu
je me livre au verbe
tuant toute sémantique absolue
je m’absente du sens
seul le verbe s’épuise
seul, j’écris
sous la page désertique
lieu de ma mémoire
l’immuable troupeau de flammes
sous les mots s’avance
la lumière se regroupe
le feu conscient attaque
mille pages incandescentes
plaies abandonnées
au feu d’aube
c’est l’incontournable secours
qui dirige le texte
injustices flamboyantes
mille pages anarchiques
au repos de l’aube sur l’herbe
trace l’informe beauté du manque
le poème brûle
Pour Ti-Loup, André est un bonheur d’été; pour André, l’été s’appelle Ti-Loup. Chacun pourra se dire qu’il y a eu, dans la même saison, un revirement à partir duquel tout a basculé.
Je dois au langage (la lecture et l’écriture) de m’en être sorti […]. Apprendre à lire a été l’acte le plus important de ma vie. Il m’a permis de me rattraper, non seulement sur le plan de la formation, mais aussi et surtout sur le plan personnel. Lire m’aidait à comprendre la vie, à comprendre le mensonge des autres, à ne pas y croire surtout.
comme un volcan
l'heure est nue
je cherche un verbe
pour me nommer
fleuve rouge
dans l'infini du ventre
venir au monde
s'est joué dans une noyade
je n'eus d'autre plage
où échouer
je suis plus nu
que le bois mort
je gis
dévasté par la douleur d'une inconnue
grésillement d’accents
sur le disque de l’île
Montréal est un phonographe métissé
qui chante l’invariant de l’oreille
elle trouve sa parole
là où descendent ses rythmes
au fond initial de l’humain
comme dans un paysage
un doux sauvage explore
des amériques vierges
immobile sur l’herbe
où vous êtes déjà
j’attends l’avenir
du jet clair de vos yeux verts
vivre brisé
traverses d’horizon
emportées par des paysages inattendus
je me protège de l’étrangeté de l’oubli
Les enfants de Duplessis ont une version condensée de la Grande Noirceur. (p. 199)