Line Gagliano

Je me demande juste ce quí a bien pu se passer dans la vie d'un enfant pour qu'il ressente le besoin de s'oublier en s'imaginant dans la peau des autres.

Il me comprend mieux que quiconque, et il est le seul à me connaître véritablement. À connaître non pas celui que je me force à montrer, mais plutôt celui que j’aime cacher. J’apprécie sa compagnie, d’autant plus qu’avec lui, je peux être moi-même et je ne suis pas forcé de me dissimuler derrière ce masque que j’ai appris à porter depuis tant d’années

Chapitre 5 :
Élise
«… Sauf que je me déteste maintenant d’avoir dévoilé mon prénom et de vouloir continuer à entretenir une conversation inutile avec un type tout aussi inutile qui va croire que je m’intéresse à lui. Alors que c’est complètement faux. Je n’oublie pas que Monsieur Arrogant est justement très… sexy… arrogant.
– Très joli prénom, Élise, minaude-t-il d’une voix grave en pivotant sur son siège en cuir pour se placer face à moi.
Oh, non.
– Merci, réponds-je sèchement avant de lui tourner le dos.
– Et, au cas où vous n’oseriez pas à me demander, moi c’est Joshua.
Joshua.
Seigneur, quel magnifique prénom.
C’est comme s’il avait été créé pour lui et son joli minois de jeune premier.
Refusant de me retourner à nouveau pour lui montrer le moindre intérêt qu’il détournerait à son avantage, je me contente d’un simple coup d’oeil par-dessus mon épaule et d’une phrase sanglante que je regrette aussitôt prononcée mais qui fait pourtant son effet :
– Est-ce que j’ai l’air d’en avoir quelque chose à faire ... »

Chapitre 4 :
Élise
«… Je continue de tourner sur moi-même et commence à créer un bouchon malgré moi alors qu’une main se place sur mon épaule et me fait sursauter.
– Pas de panique, votre « valise » est là-bas.
J’écarquille les yeux, je crois même que j’arrête de respirer.
Cette voix.
Cet accent.
Cette main.
Je n’ai nul besoin de me retourner pour comprendre que l’homme qui se trouve derrière moi n’est autre que le mec ingrat et arrogant qui m’a volé mon taxi de la plus odieuse des façons il y a à peine une heure. Et lorsque je me retourne et que je jette un regard haineux sur sa main qui est toujours posée sur mon épaule, je suis soulagée de voir qu’il la retire d’un geste assuré sans avoir besoin de me contrarier. Et je peux reprendre ma respiration en le détaillant d’un air méprisant, malgré moi.
Pourtant furieuse, je me surprends à le découvrir, et, pire, à aimer ce que je suis en train de voir même si je ne devrais pas... »

Chapitre 4 :

Jude

«… Tous les jours, des routiers, automobilistes et touristes font escale dans mon bar, haletants et inquiets, et je peux dire pourtant qu’ils n’ont pas la sérénité de Madison.

Loin de là.

– Et, en plus, t’as rencontré un barman canon, la taquiné-je avec un sourire en coin. Les coïncidences, parfois.

Les joues de Madison se mettent à rougir alors qu’elle détourne le regard encore une fois. Étrangement, la fille entreprenante du début de soirée semble s’être calmée au profit d’une autre un peu plus calme et rangée.

– Ne va pas t’imaginer des trucs, non plus, ajoute-t-elle en pinçant ses lèvres.

Je secoue la tête en agitant une main entre nous.

– Aucun risque.

Ses grands yeux accrochent les miens et nos regards s’affrontent pour tenter d’en déceler le vrai du faux. Je dois dire que c’est un jeu délicieux dont Madison semble connaître les règles à la perfection. …»

Chapitre 3 :

Madison

«… À ce moment précis, je n’ai plus qu’un seul sens en alerte. Les autres ne sont plus que de vagues souvenirs, partis foutre le camp en emportant avec eux ma raison qui décline.

– Dieu est d’humeur joueuse, aujourd’hui, ricané-je. Je vois pas autre chose.

L’homme penche la tête sur le côté et me lance un regard teinté d’incompréhension.

– Qu’est-ce que Dieu a à voir là-dedans ?

Je réponds sans réfléchir.

– Vous êtes la preuve vivante qu’il me met à l’épreuve et qu’il se joue de moi, réponds-je en riant, parfaitement consciente de paraître loufoque à cet instant. Sauf que je ne suis pas certaine d’avoir envie de jouer.

Soudain, je me mets à rire nerveusement et ce n’est pas l’expression médusée de l’homme devant moi qui peut m’en empêcher. Au contraire. …»

Me voilà de nouveau emprisonné dans mon propre corps lorsque mon esprit dérive pour me faire revivre ces moments insupportables, alors que je donnerais mon âme et ma vie pour les oublier. Je hurle de toute ma voix, à ressentir de la douleur jusque dans mes cordes vocales, pourtant, aucun son ne sort de ma bouche. Je tape des poings, en vain; ils atterrissent dans le vide même si je me débats et que je lutte de toutes mes forces pour me réveiller. Je suis pleinement conscient d'être enfermé dans mon rêve tel un oiseau en cage, mais je ne peux rien y faire, à part subir une nouvelle fois. Et je sais que pour sortir de cet enfer, il n'y a qu'une chose à faire: attendre.

Alors, je vais lui parler de Darren. Du vrai Darren. L’homme caché au fond de moi, qui ne se montre jamais, car bien trop peureux pour ça. Celui dont la vie est étrange. Celui qui n’a aucune confiance en lui. Celui qui est dévasté.

Je suis pleinement conscient d’être enfermé dans mon rêve tel un oiseau en cage, mais je ne peux rien y faire, à part subir une nouvelle fois. Et je sais que, pour sortir de cet enfer, il n’y a qu’une chose à faire : attendre.

Mon cœur fait un bond virulent sous ma poitrine et mon estomac se crispe douloureusement lorsque je percute son regard qui me bouscule de plein fouet. Le charisme qui se dégage de cet homme est tel que le monde semble s’être arrêté de tourner. Il est beau, imposant et maîtrise à la perfection chacun de ses atouts. Il est dangereux, imprévisible et diaboliquement séduisant. A cet instant, je ne souris même pas, je suis juste désemparée. Les yeux de Jude me transpercent avec une telle intensité que embarrassée, je me détourne…