Cali Keys

– Voilà ma dernière création, un cheesecake coulis fruit de la passion avec une touche de chocolat blanc et du citron, m’informe-t-elle en prenant une chaise.

L’odeur douce, sucrée et acidulée du gâteau me donne l’eau à la bouche et je me rue dessus comme si je n’avais rien mangé depuis des jours. C’est un pur régal.

A vrai dire, en y réfléchissant, j’ai toujours été sensible à la sensible à la solitude et à la tristesse des gens que je côtoie, je les repère, je sens leurs blessures et n’ai ensuite qu’une envie : les aider. Bonjour le syndrome du Saint-Bernard. J’ai souvent pensé que la méchanceté et l’agressivité représentaient des signes d’un mal-être profond, mal-être qui pouvait s’atténuer grâce à de la bienveillance, de l’écoute et de la compréhension.

Son visage tout entier raconte les vestiges de son bonheur passé.

Une romancière, une libraire et un bibliothécaire sous le même toit, vous êtes tous liés et soudés par la littérature...Oui je crois qu'on partage les mêmes idées.Les livres peuvent littéralement vous sauver.

Il faut que je me tire au plus vite. Je dois dégager avant qu’on ne m’attrape. Avant que tout le monde sache ce que j’ai fait. Je dois fuir. Encore une fois...
Et vite.
Je sors de chez Emma complètement paniquée, une larme roulant sur ma joue. Je ne la reverrai plus jamais et cette pensée me chagrine malgré tout ce que je lui ai fait.

"J'ai l'impression de sortir d'une poubelle dans laquelle j'aurais passé deux semaines, entourée de poisson pourri et de raclette fondue, et c'est à ce moment précis que mon ex décide de se pointer pour me voir ? Je lève les yeux vers le ciel. Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu ? J'espère que mon air désespéré ne se lit pas sur ma figure parce que, entre la fatigue et l'alcool, je ne suis pas à mon avantage."

Le problème, c’est que je n’ai plus goût à rien. Je me lève, je vais au boulot, je donne du bonheur et de la douceur aux gens avec mes cupcakes puis je rentre, je cuisine, je mange comme une goinfre pour me remplir jusqu’à l’écœurement et je dors. Puis tout recommence. Les jours se ressemblent, les heures se ressemblent, et ma vie a perdu ses couleurs.
Je ne vis plus. J’attends la fin. Parfois je me dis que le plus simple serait que tout s’arrête. J’ai envie de me mettre des claques, c’est tout ce que je mérite.

Je respire profondément, tourne trois fois ma langue dans ma bouche et me force à sourire, paraît que le cerveau ne fait pas la différence entre un vrai et un faux sourire. Cela entraîne donc une production de dopamine et de sérotonine bénéfique à la bonne humeur. Donc, je souris. Et je serre les dents.

Elle lève les yeux du magazine et me fait un petit sourire hypocrite tandis que je prends place à côté d’elle. Apparemment, la hache de guerre qu’elle a déterrée sans raison apparente n’est pas prête à être enterrée sous le sable d’Oahu.

Lisbeth a du mal à contenir son fou rire et pointe du doigt une forme qui se dandine à quelques mètres d’elle. Longiligne, elle se balance de gauche à droite sans que l’on puisse distinguer ou reconnaître un contour humain et mon cerveau tente de comprendre où se trouvent les bras et la tête. Sans succès. Il me faut quelques secondes pour réaliser que Gustave est coincé dans un pull et qu’il se tortille dans tous les sens comme un ver de terre.

Le fait d'avoir un projet commun tisse des liens encore plus forts entre nous.

Je suis en retard !
Et je n'ai absolument pas faim. Pourtant je m'apprête à dévorer un menu qui compte environ quinze plats.

- mais toi, toi tu es différente pour moi.
Tu représentes un danger, tu érodes ma carapace.
J'ai dû me blinder pour survivre dans la rue, sans parents, sans repère. Et, j'ai peur que tu deviennes.. mon nouveau repère. Tu es ma faiblesse, ma faille.
S'il t'arrivait quoi que ce soit, ça me... ficherait en l'air.

Ce regard qui change toute une vie. Ce regard qui lit deux êtres à jamais. Ce regard dans lequel on peut retrouver toute la confiance du monde.

Des flashs l’assaillent et me serrent la gorge. Ils me poignardent. Ils me labourent. Je sens les yeux qui brûlent, le ventre qui se tord, le cœur qui se brise, la flamme qui s’éteint, l’âme qui s’envole, le chagrin qui prend à nouveau toute sa place en moi. 

En réalité, tout ce temps qui s’offre à moi m’effraie. Les minutes et les secondes qui s’égrènent me ramèneront au vide, à l’absence, à la solitude, au désespoir, au drame et à la mort. Serai-je suffisamment forte pour y faire face ? 

Petite, j'avais toujours un livre dans les mains, des romans, des biographies, des classiques plus tard. J'étais fascinée par la créativité, l'imaginaire, les mots. Une belle figure de style avait le pouvoir de m'émouvoir et, à chaque fois que je plongeait dans un livre, j'avais l'impression d'échapper au monde.

- Je t'aime...
- Moi aussi, je t'aime.
Je comprenais pour la première fois comment et surtout pourquoi deux personnes qui s'aimaient étaient obligées de se séparer pour continuer, pour ne pas se détester, pour ne pas sombrer.

Remettez des couleurs dans votre vie. Savourez les nuances, les ombres et les lumières. Vivez.

Elles rient tellement qu’elles doivent tenir leur canne deux fois plus fermement pour ne pas tomber. Je vous jure, si on m’avait dit un jour que j’habiterais dans un immeuble avec deux petites vieilles plus immatures que des adolescentes, je ne l’aurais pas cru !