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Citation de Cannetille


Nous les avions baptisées les Femmes Corbeaux, car elles aimaient se mêler à la charogne, mais en réalité nous sentions qu’elles étaient là pour des raisons que nous ne connaîtrions jamais : comment imaginer ce qui poussait ces deux-là à s’approcher d’un troupeau aussi compliqué que le nôtre, constitué de filles des rues qui avaient fui des foyers que l’on ne pouvait supporter qu’à condition de devenir insensibles au point de ne plus exister, purement et simplement ? Elles, en revanche, habillées avec les corsages élégants de leur mère, relevées par les parfums les plus exquis, venaient nous rappeler nos racines misérables : nos toiles cirées, nos meubles en pin jaunâtres et fragiles, les jetés de lit tachés de graisse qui avaient couvert nos ancêtres avant de couvrir nos propres corps.
Nous nous méfiions doublement d’elles en raison de leur vie d’hommes. Je ne vais pas mentir, un grand nombre d’entre nous retrouvaient parfois leur aspect masculin. Mais si nous engagions ce retour, c’était sur le chemin de la honte, entrer dans notre ancien corps, c’était retrouver une image que nous rejetions et que parfois même nous haïssions. Mais les Femmes Corbeaux emmenaient avec elles cette aura de garçons qui nous retournait les tripes chaque fois que nous les avions près de nous. Ce n’était pas seulement parce qu’elles ne s’assumaient pas. Elles s’y refusaient parce que c’était plus commode comme ça. La position confortable qui était la leur révélait le caractère inconfortable de la nôtre : nous n’avions jamais eu l’opportunité de nous cacher dans un placard. Dès notre naissance, on nous avait jetées hors du placard, nous étions les esclaves de notre apparence.
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