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Critiques de Camila Sosa Villada (106)
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Les vilaines

La nuit, le parc Sarmiento à Cordoba, en Argentine, devient le territoire des prostituées trans. Leur petite communauté est fédérée par Tante Encarna, sorte de figure maternelle pour ces filles pas comme les autres, échouées dans ce bois après un parcours douloureux et chaotique, et éternellement exposées à la vindicte et aux violences. Lorsqu’un soir elles découvrent dans les fourrés un bébé abandonné, elles décident de l’adopter clandestinement.





Quelle claque que ce premier roman, fictif, mais manifestement nourri du vécu de l’auteur dont la narratrice porte le prénom. Le récit nous fait entrer de plain-pied dans la réalité de ces filles nées dans un corps de garçon, stigmatisées dès leur plus jeune âge par leurs proches comme par la société toute entière, dans un rejet doublé de violences d’autant plus ouvertes que leur différence suggère généralement l’idée d’une monstruosité perverse, à redresser par tous les moyens, et, en tous les cas, à cacher honteusement. Pour Camila et ses semblables, assumer leur nature et leur identité - vivre tout simplement -, a très tôt signifié fuir leur famille et devenir filles de rues. Car ce monde qui les condamne et les repousse n’en a pas moins l’hypocrisie de les utiliser sexuellement, dans des conditions si misérables qu’elles ne leur laissent souvent qu’une bien brève espérance de vie.





Sans s’appesantir ni se plaindre, Camila expose calmement le parcours implacable et le quotidien éprouvant de ces êtres réduits à l’ombre, nous faisant toucher du doigt leur extrême solitude dans l’exclusion et dans la honte, leur rage de ne pas trouver droit de cité parmi les humains, les tourments qui accompagnent leur enfermement dans un corps qui les aliène. Mais aussi, leur indéfectible solidarité, les trésors de tendresse dont elles débordent, leur incroyable résilience et leur sens du bonheur et de la fête, grâce auxquels le récit, comme leur vie, réussit à demeurer optimiste et à s’habiller de merveilleux. Alors, pendant un temps, le roman emprunte au conte de fée, piochant dans le fantastique les éléments d’un lyrisme flamboyant qui, seul, semble pouvoir rendre supportable une réalité tristement sordide.





Le résultat est un détonnant mélange de rire et de larmes, de trash et d’amour, le tout écrit dans une langue lucide et sincère où l’emportent la rage de vivre et une dignité déterminée, celles qui permettent à Camila et à ses sœurs de garder la tête haute et d’essayer de ne pas sombrer dans le gouffre du désespoir. Souhaitons que ce cri pour la tolérance et le droit à la différence soit entendu par le plus large public possible.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Les vilaines

Les Vilaines m'ont invité dans le parc Sarmiento, à Córdoba, en Argentine. Ou c'est plutôt une certaine Camila Sosa Villada qui m'y a invité. Elle nous raconte une histoire sans doute très proche de la sienne.

J'ai découvert dès les premières pages la communauté trans qui habite ce lieu, comme un territoire protégé. Doublement protégé. Il y a l'endroit tout d'abord, et puis il y a la pension aux murs roses de la Tante Encarna. Celle-ci protège tout ce petit monde de prostituées trans qui est en quelque sorte sa famille.

Une des premières scènes du récit est touchante : il s'agit de la découverte d'un nourrisson au fond d'un bosquet. Deux bras vont l'extraire parmi les griffes de ce buisson, c'est comme un acte de renaissance, ce passage est beau comme un conte de Noël. D'ailleurs, qu'à cela ne tienne, on l'appellera Éclat des Yeux.

Oui il y a ici quelque chose qui relève du conte, de la fable. Mais ce récit est fortement inspiré de l'histoire de Camila Sosa Villada, une sorte d'autobiographie teintée d'onirisme et parfois même d'un fantastique débridé comme la littérature sud-américaine sait parfois si bien nous offrir.

On y rencontre des Hommes sans Tête fuyant les guerres d'Afrique où ils ont été décapités, on y croise des Femmes Corbeaux qui descendent des beaux quartiers avec une impunité de classe, ce sont des trans hautaines presque méprisantes qui ne s'assument pas forcément, continuant d'avoir une aura de garçons.

Mais ici, celles que nous allons côtoyer durant plus de deux cents pages d'une écriture formidable, viennent de la rue, évoluent dans la rue, mourront peut-être dans la rue, même si l'une d'elle se transforme peu à peu en oiseau...

Le parc Sarmiento est un territoire de deux cents pages grand comme le désir et l'amour. Furieux comme l'incandescence. Violent comme la misère et la répression.

Les pages suivantes nous plongent de plein pied dans la réalité du monde trans et de cette communauté ; plus qu'une communauté elle est devenue une famille de soeurs, d'amies que Camila Sosa Villada nous invite à mieux connaître dans une sororité sensible.

Être trans est une fête, clame-t-elles toutes d'une même voix, avec l'amertume cependant d'être un peu orphelines puisque leurs vraies familles les ont abandonnées à la rue ou bien dans des foyers insalubres. Mais au fond, Tante Encarna est sa maison rose n'est-elle pas leur vraie famille désormais ?

Le récit oscille entre la vie diurne des hétérosexuels et la vie nocturne des trans. Ce sont deux mondes si différents qui se couturent par l'itinéraire que nous raconte Camila de son propre chemin.

La vie diurne c'était cette vie respectable qu'on voulait si bien lui apprendre. La vie familiale, la vie universitaire, la vie que l'on voulait ordinaire...

D'un garçon qui s'appelait Christian elle va peu à peu devenir Camila. Elle est ainsi devenue Camila.

Un jour elle a eu envie de tourner le dos à cette vie, quitter ce corps de garçon qu'elle pensait « avoir usurpé sans aucune permission », s'enfoncer peu à peu dans la vie nocturne.

« Dès notre naissance, on nous avaient jetées hors du placard, nous étions les esclaves de notre apparence. »

Cette beauté ressemble à un chant crépusculaire.

Camila Sosa Villada parle de ses soeurs, de leurs corps comme une patrie. La joie se mêle aux peurs, aux drames. Ce sont des mots lyriques pour dire cela, tantôt drôles, tantôt désespérés, toujours sincères dans une rage de vivre, dans un cri de vie lucide.

La description de ce quotidien est parfois crue, c'est sans filtre, mais jamais ce n'est vulgaire, jamais ce n'est obscène. Ce qui est obscène ce sont les regards des autres.

Ce qui est obscène, c'est ce père alcoolique qui veut, à toute force, à coup de ceinturon, faire rentrer son fils dans un corps d'homme.

Ce qui est obscène, c'est la méchanceté quotidienne, les petits rires en coin, les rebuffades...

Ce qui est obscène, c'est le mépris des policiers, leur menace, leur malveillance cupide car ils aiment bien profiter un peu de leur pouvoir le soir au fond des bois, avant de rentrer de leur dernière patrouille, juste avant d'uriner sur les corps déjà souillés par leur barbarie...

Ce qui est obscène, ce sont les guerres saintes de leur voisins bien-pensants taguant les murs de la pension avec des mots et des dessins indignes que les pensionnaires ne prennent plus la peine d'effacer.

On pourrait les prendre tour à tour pour des renardes, des louves, des sorcières. Ce ne sont que des femmes, nées dans des corps d'hommes. Mais quelles femmes ! Ce sont des créatures de lumière que les regards humiliants des autres transforment en animaux de l'ombre.

Ce récit est une ode pleine d'humanité aux minorités.

Ce texte est aussi une confidence que j'ai trouvé poignante.

« Je sens qu'une partie de moi meurt dans ce récit. »

C'est une lecture âpre et flamboyante, vertigineuse. Cela faisait longtemps qu'une lecture ne m'avait remué de cette manière. Un vrai coup de poing ! Et ça fait du bien !

Camila Sosa Villada est aujourd'hui une actrice de théâtre, de cinéma et de télévision, chanteuse et écrivaine transgenre. Les Vilaines est son premier roman et je pense que c'est déjà une grande autrice dont on en entendra j'espère encore parler par de prochains livres.

Les Vilaines, livre empli de résilience, c'est la beauté de la différence.



Lu dans le cadre du Prix du roman Cezam 2022.

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Les vilaines

Dans ce monde en folie

Qui nous montrait du doigt,

nous stigmatisait, nous reniait

nous insultait et nous frappait



Nous avions toutes rêvé un jour

de quitter le couteau qui nous servait d'appendice

donné à la naissance comme par erreur





Nous étions la Meute en colère,

Nous étions les Reines de la fête,

Nous étions les Orphelines,

Nous étions les Vilaines







Le Parlement hongrois a voté le 15 juin 2021 une loi visant à interdire la promotion ​de l'homosexualité ou du changement de sexe auprès des mineurs.

Elle entrera en vigueur ce jeudi 8 juillet 2021 malgré les protestations qui ont été soulevées dans toute l'Europe.







La loi adoptée en juin 2021 prévoit que la pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l'identité de genre, le changement de sexe et l'homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans​.





Ces éléments seront introduits dans les lois suivantes : loi de protection des enfants, loi sur les activités publicitaires des entreprises, loi sur les médias (tout contenu de ce type relèvera de la catégorie V – inapproprié pour les enfants – et la publication de tels contenus sera interdite dans les annonces des services publics), loi de protection de la famille et loi sur l'éducation publique (de tels sujets ne pourront faire partie de l'éducation sexuelle et les écoles ne peuvent inviter ni intervenants extérieurs ni ONG à des fins d'éducation à la culture sexuelle, à la vie sexuelle, à l'orientation sexuelle ou au développement sexuel​).





Concrètement, les programmes éducatifs, les productions culturelles ou les publicités d'entreprises démontrant une solidarité avec la cause LGBT ne devraient plus être autorisés. Les personnes qui violent ces règles s'exposeront à une amende ou à une suspension de leurs émissions​, regrette Amnesty International.

Le texte de la loi est, à dessein, très ambigu​, analyse le représentant du comité Helsinki (HHC) Zsolt Szekeres dans des propos rapportés par l'AFP. Les cours d'éducation sexuelle devront être assurés par des organisations agréées par l'État et devront respecter l'identité constitutionnelle ​du pays et sa culture chrétienne​.





Mais au-delà, toutes les actions pour dénoncer les actes homophobes ou transphobes dans la rue pourraient être interdites. Comment m'assurer que ce que je vais dire n'arrivera pas aux oreilles de quelqu'un de moins de 18 ans, qu'un enfant ne passera pas dans la rue lors d'une Gay Pride ?​​, se demande ainsi Zsolt Szekeres, représentant du comité Helsinki (HHC), une organisation de défense des droits humains.





Rappel:

En mai 2020, le Parlement hongrois avait déjà adopté une loi interdisant la reconnaissance de l'identité de genre des personnes transgenres et intersexuées à l'état civil en Hongrie. Il introduisait la notion de sexe à la naissance ​défini comme le sexe biologique ​dans la loi.



En décembre 2020, l'adoption par des couples de même sexe avait été interdite et la notion traditionnelle de genre ​inscrite dans la Constitution. Cette dernière stipule désormais que la mère doit être une femme et que le père doit être un homme​.





"Nous les oubliées nous n'avons plus de nom

C'est comme si nous n'avions jamais été là."





Premier Roman écrit en langue espagnole en 2015 par l'Argentine Camila Sosa Villada, femme comme elle le revendique haut et fort, qui a vécu elle-même cette vie de reine de la nuit et de paria.





Sans fioritures, parfois crûment, l'Auteure nous raconte ici son histoire,

celle de Camila, la narratrice qui trouve un temps refuge auprès de la communauté Trans du parc Sarmiento, à Córdoba, sous un arbre symbolique de la protection offerte par Tante Encarna et par les fourrés qu'il offre pour les cacher des regards.



Auprès d'une meute qui peut aussi bien se bouffer le nez entre elles après avoir ri de concert que faire face ensemble lorsqu'un danger se présente, qu'il vienne d'un client violent, de la police, d'autres soeurs prises de folie.





Une écriture à la symbolique empreinte d'onirisme poétique nous en présente quelques unes :





Maria, emprisonnée dans son handicap de sourde et muette, devient par souffrance et par douleur une femme oiseau si petite qu'elle peut tenir dans la main d'un enfant: - Eclat des Yeux, trouvé en forêt, abandonné sous des feuilles mortes pour qu'il y connaisse le même sort, adopté par Encarna et par la communauté, il deviendra leur sève, leur oracle, leur lien, leur enfant.





Natali se transformant en louve-garou les nuits de pleine lune, qu'il faut enfermer et enchaîner pour que sa fureur se calme





Et bien sûr, Tante Encarna, plus que centenaire, la Mère de substitution qui accueille en son sein gonflé d'huile de moteur d'avion, toutes ces orphelines avant de se consacrer totalement à l'enfant miraculé.





Parallèlement, Camila, la narratrice, l'Auteure, nous parle de sa propre enfance, comment elle s'est réveillée dans un sexe qui n'était pas son âme et comment elle a galéré, rejetée par sa propre famille.





Il s'agit ici aussi des femmes qu'elle a côtoyées, toutes ayant une histoire différente, avec un point commun: être rejetées par leur corps d'abord, leur famille et par la société ensuite.





Camila nous raconte la protection, la solidarité qu'elle a trouvées un temps auprès de la communauté Trans toute jeune débarquant de sa province, prise sous l'aile protectrice d'Encarna, leur mère d'adoption.





Et comment cette communauté a volé en éclats lorsque les autorités ont décidé de fermer le parc, comment Eclat des yeux (l'enfant) a atterri dans leur vie à toutes, les unissant encore plus, elles qui ne pouvaient donner naissance, couteau entre les jambes.

Comment celui-ci a grandi au milieu d'elles toutes et comment cela a fini.





"Nous les oubliées nous n'avons plus de nom

C'est comme si nous n'avions jamais été là."





Ne les oubliez pas - les différences font peur certes, elles dérangent

Quand commence-t-on à devenir différent au regard des autres ?

Pourquoi ces différences quelles qu'elles soient devraient elles être pourchassées, bannies, punies - tant qu'elles ne font pas de tort,

de mal aux autres je n'en vois pas la raison, personnellement.





Ce roman a reçu en 2020 le prix Sor Juana Inés de la Cruz, du nom de la Poétesse des Amériques qui incarne aujourd'hui un certain archétype de la femme savante, indépendante et féministe.

- À une époque où les études supérieures étaient réservées aux hommes, cette femme a envisagé de se travestir pour écarter cet obstacle.

Sor Juana Inés de la Cruz, aurait vécu pendant la seconde moitié du XVIIe siècle au Mexique. Malgré son succès, elle s'est retirée dans un couvent pour dédier sa vie à l'art et à l'écriture.





Les Vilaines, publié en français en janvier 2021 a reçu le grand prix de l'Héroïne 2021 Madame Figaro Magazine.





Un témoignage fort et émouvant plutôt qu'un Manifeste.

Il nous permet d'appréhender un monde étrange, différent,

rempli des fureurs, des douleurs, des pleurs & des rires des "Trans"

Et d'essayer de comprendre plutôt que d'en avoir peur et de le rejeter.





"Una canción es una herida de amor que nos abrieron las cosas"

Gabriela Mistral





" le Parc est un espace rempli d'arbres qui ont poussé tout seuls, ils se sont retrouvés là par hasard et ont développé des racines profondes, ils sont un refuge naturel pour les oiseaux. Et également pour les prostituées Trans

qui sont aussi nécessaires que les arbres.

Je les vois de loin riant aux éclats. Celle qui rit le plus c'est Tante Encarna --



Moi je répétais encore Camila, Camila, et elle souriait, elle trouvait que c'était un très joli prénom, très féminin mais moi je savais ce que mon prénom signifiait : celle qui offre des sacrifices."





C'est en raison de l'actualité que j'ai choisi de lire ce roman maintenant

pour mieux comprendre et ---





Il est fini le temps des sacrifices

Enfin, je l'espère sincèrement.

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Les vilaines

Les noms d'oiseaux ou les appellations imagées, la communauté transexuelle du parc Sarmiento à Cordoba en Argentine les collectionne, une guirlande de fleurs pourries offerte généreusement par la population : " la manivelle, les gros paquets, les suceurs de bite, les culottes au parfum de couille, les travelingues, les ladyboys, les Osvaldo..". Il n'y a guère qu'entre elles que les prénoms circulent, ceux qu'elles se sont octroyés dans leur quête féminine, souvent refoulés par la société civile.

Il en va ainsi de Christian devenu Camila, narratrice de ce microcosme déchainé où l'on fait la connaissance de personnages grandiloquents, tante Encarna en figure de proue avec "son huile de moteur d'avion qui l'avait aidée à modeler son corps", véritable tata poule pour ces âmes écorchées, qui du haut de ses cent-soixante-dix-huit ans tient la pension qui les réchauffe après leurs pérégrinations nocturnes de prostitution déglinguée. Une pension comme un petit cocon d'entraide, de tendresse et d'humanité désenchantée en guise de refuge aux violences de l'extérieur, faites de chasse au trans, de bagarres avec les clients, de souffrances ou de découverte de cadavre, et synonymes de vieillissement prématuré. Mais au sein du foyer, il y a aussi Eclat des Yeux comme un ralliement des coeurs de toutes ces maternités impossibles, bébé adoptif d'Encarna découvert dans un buisson, appelé ainsi parce que "nous toutes, en vérité, nous retrouvions l'éclat de nos propres yeux lorsque nous étions avec lui."

Le périple est agrémenté d'exubérance et de fantastique, comme une accentuation du réel qui colle naturellement au "petit monde rose trans", partagé entre souffrances et fête d'être trans. Croiser ainsi Maria la muette dont les flancs s'agrémentent de plumes, ou Natali qui se transforme en louve les nuits de pleine lune, découvrir une statuette de vierge de Guadalupe aux chaudes larmes, ou les 178 ans de tante Encarna, "cette déesse aux pieds de boue et aux mains de boxeur", tout cela fait partie du décor exacerbé et théâtral, teinté de symbolisme.

Camila Sosa Villada entremêle aux péripéties de la communauté des parts supposées biographiques de sa construction transexuelle, érigée sur la peur générée par un père et "ses accès de violence après l'alcool", même si elle croit que" lui aussi éprouvait une terrible peur" pour elle." Il se peut que telle soit l'origine de toutes les larmes des trans : qu'elles viennent de la terreur réciproque qu'éprouvent le père et la toute jeune trans. "

Au final, Les vilaines donne une belle consistance à la communauté trans, en plus de prénoms. Porté par une écriture alerte et saisissante, c'est un premier roman immersif et bouillonnant, naviguant entre fantastique et construction intime, qui réussit à toucher, déconcerter, révolter et passionner.
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Les vilaines

Au parc Sarmiento, à Córdoba, Argentine, la nuit.

Elles sont nées dans un corps d'homme, elles sont transsexuelles, et prostituées.

Dès l'enfance, elles ont été raillées, moquées, méprisées, maltraitées. Rejetées.

Par les gamins de leur âge, par leur famille, à cause de leur différence, de leur « monstruosité », comme disent certains.

Alors elles ont fui leur environnement et trouvé refuge dans le giron plantureux de Tante Encarna, figure maternelle et fédératrice de ces oisillons tombés d'un nid trop étriqué et intolérant.

Au parc Sarmiento, la nuit, elles travaillent, vendent leur corps et leur âme.

Conscientes des dangers, de la cruauté des hommes et de la police, elles veillent, se protègent et parfois se sauvent les unes les autres.

« Etre trans est une fête », clament-elles, arrogantes, à la face du Destin et du monde. Et parfois elles font vraiment la fête, s'amusent comme des gamines, oublient leur drame et la violence dans la danse, l'alcool ou la drogue ; parfois même dans l'amour – le Vrai. Mais parfois la fête se termine mal, il y a le sida, les agressions, les overdoses, le désespoir.



C'est cet univers trouble que nous dévoile Camila Sosa Villada, elle-même ancienne prostituée, dans ce récit (sans doute en partie autobiographique), qui prend des allures de conte parfois féerique parfois horrifique, imprégné de réalisme magique.

C'est aussi un cri de rage, un manifeste, une tribune, un portrait, un choeur, un hommage, un chant d'amour douloureux et solitaire. C'est cru, c'est trash, furieux, sordide, digne, sensible, flamboyant, lumineux, sensuel, passionné, puissant. Entre joie et souffrance, tendresse et âpreté, c'est une histoire de sororité bourrée d'authenticité et d'humanité.
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Les vilaines

«  Nous sommes là pour qu'on écrive à notre sujet. Pour être éternelles , dit Camila» .

«  Ce que la nature ne te donne pas, l'enfer te le prête » .



«  .Personne ne nomme les trans, nous sommes les seules à le faire. Nous , les trans, sommes la manivelle, les gros paquets, les suceurs de bite, les culottes au parfum de couilles , les travelingues, les ladyboys, les Osvaldo, d'autre fois, les sidaïques, les malades , voilà ce que nous sommes » .



«  Nous, les oubliées nous n'avons plus de nom .... »



Quatre extraits de ce récit hors norme dont la dernière phrase .....signe la fin de l'ouvrage.

Autobiographie, témoignage , conte et littérature fantastique , terreur, fable poétique , délirante, condition trans en Argentine , voilà le décor .



Comment qualifier ce premier roman à la fois tragique , envoûtant , lumineux , hypnotique , fougueux , coléreux , bouleversant ?



Bienvenue au Parc Sarmiento , au coeur de la ville de Córdoba , centre incandescent de cette communauté de prostituées déclassées.



Parmi elles , deux sont femmes , dont tante Incarnat, déesse aux pieds de boue, et aux mains de boxeur, la «  gourou » , la mère protectrice , sorte de figure de maman pour ces filles aux abois, échouées là suite à un parcours douloureux et chaotique .

Le reste de la communauté , une dizaine , damnées en tant qu'homme étaient donc devenues trans ..

La nuit , le parc Sarmiento devient leur territoire .



L'auteure , ancienne prostituée, entremêle les péripéties de la communauté à la part supposée biographique transsexuelle, fondée sur la peur irrépressible de son père , surtout de ses accès de brutalité après l'alcool .









Cet ouvrage reflète la violence d'un milieu et la réalité saisissante de ces filles nées dans un corps de garçon , stigmatisées depuis leur enfance par leurs proches et leurs familles, l'auteure a souffert d'être la Honte de LA FAMILLE.

Elle expose crûment , le parcours implacable, le quotidien accablant de ces êtres réduits à l'ombre .



Mais la communauté est soudée dans la fureur, le rire ,le drame et les larmes .

C'est un livre lyrique , entre désespoir , sororité , prostitution, pétri d'humanité , de fougue , d'horreur , de joie mêlées .

Ce récit physique , visuel , à l'écriture âpre, alerte , originale, flamboyante , sensorielle, noire , magnifique , doté d'une bonne dose de fantastique liée à une construction intime , partagé entre souffrances et larmes au réalisme magique donne une belle part d'humanité à ces trans magnifiques .



Une lecture coup de poing qui ne se laissera pas oublier.



Elle secoue, remue , passionne et déconcerte ..... sans misérabilisme , sans auto - compassion .

Une force de survie furieuse et poignante , fulgurante ,pétrie d'humanité .

Elle montre comment et pourquoi on vend son corps .

Et comment on aime .

Lu d'une traite , emprunté car exposé à la médiathèque.
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Les vilaines

Attention : roman flamboyant et coup de poing pour cette rentrée de l'hiver littéraire et il nous vient tout droit d'Argentine, une patrie qui a souvent l'habitude de ce genre de choc littéraire .



Pour son premier roman qui emprunte largement au récit fictionnel, mais en l'agrémentant d'une pointe de merveilleux assez admirable, Camila Sosa Villada raconte les joies et les difficultés d'une femme trans en Argentine, dans un fulgurant premier roman Les Vilaines qui parait , demain, le 14 janvier 2021 aux éditions Métailié.



Camila Sosa Villada- connue aussi en Argentine comme actrice et chanteuse- est à la fois auteur et personnage de ce roman qui mêle avec un baroque flamboyant réalisme documentaire et romanesque à la lisière du merveilleux.Son récit nous plonge au sein de cette incroyable communauté de prostituées trans qui squattent le Parc Sarmiento au cœur de la ville de Cordoba en argentine et qui vivent sous le joug de Tante Encarna, figure maternelle et et protectrice qui ne dérapareillerait pas, tous comme l'ensemble des protagonistes du livre dans un mélodrame d'Almodóvar.



On pense aussi pas mal au cours de notre lecture aux Jolis Jolis Monstres de Julien Dufrene Lamy, avec ici, en ingrédients supplémentaires, une flamboyance tout sud américaine aux



Des personnalités incroyables aux vies aussi cabossées que mues par un espoir et un optimisme à tout crin dans ce récit de survie et de fureur pour qui " être une trans est une fête" .



Un conte de fées trash et lyrique, plein de fièvre, de sincérité, de rires et de larmes sur l’identité transgenre.



Impossible désormais d'oublier Camila, mais aussi, Patricia ou Maria ses compagnonnes de tenacité et d'infortune, une fois la dernière page de ces bien belles vilaines refermées !




Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Les vilaines

Camila, l’une des figures de ce roman sombre et lumineux, nous conte son enfance et la découverte de son homosexualité. A 15 ans, elle n’en peut plus de son corps de garçon et se transforme peu à peu en femme

C’est dans la capitale de la province qu’elle apprend à être transparente, la meilleure façon d’éviter les ennuis, même si la violence, la précarité et la solitude forment son ordinaire jusqu’à ce qu’elle elle trouve refuge chez Tante Encarna, protectrice d’une communauté de transexuelles.

Ce roman fort parle de la rage et du mépris, mais aussi de la beauté et de la solidarité. Le merveilleux permet de rendre supportable la tragédie de vies fauchées dans un combat quotidien.

La vie de ces femmes brimées par une société qui ne leur laisse pas de place est décrite sans concession, avec une écriture flamboyante qui donne au roman une énergie folle, et place en son centre une sororité teintée de poésie et de fantaisie, nécessaires à la survie en milieu hostile.

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Les vilaines

Camila Sosa Villada est une femme trans et auteure argentine. Pour son premier roman, elle nous propose une immersion dans le monde de la nuit, dans un parc de Cordoba en Argentine où les filles trans se prostituent et sont réunies dans la maison rose de tante Incardona, leur mère à toutes.



Quand un bébé est retrouvé, tante Incardona décide de le garder et s'en occupe comme de son propre enfant. Elles le nomment Éclat des Yeux.



Camila, auteure et aussi narratrice, nous raconte son parcours difficile de transsexuel dans un monde machiste et intolérant. Dès très jeune, Camila, né Christian, sait qu'elle est une femme dans un corps d'homme et subit la violence de son père et de son entourage.



Les autres filles du parc n'y échappent pas non plus. On se rend compte du danger permanent de leur vie, maltraitées par les flics, les gens et les clients aussi. Elles subissent brimades et humiliations tous les jours, toutes les nuits. La langue est crue, mais pas que.



Camila Sosa Villada a le don d'apporter beaucoup de poésie et de beauté au sordide des situations et nous offre une galerie de portraits haut en couleurs et pleine d'humanité. Le réalisme magique, typique de la littérature latino-américaine, n'est pas loin. De belles métaphores et des éléments du conte apportent de la fantaisie au récit.



Dans toute cette noirceur, on trouve beaucoup de sororité et d'entraide. Ce roman permet de faire entendre la voix de ces femmes en colère qui aspirent tout simplement à trouver leur place dans la société.



Un seul petit bémol, j'aurais aimé entrer davantage dans la tête de Camila et de ses amies, mais sa démarche semble plus sociologique que psychologique.



Un premier roman lumineux et poétique ! Une belle voix que j'espère relire.



Sélection prix du roman Cezam 2022.
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Les vilaines

C'est un roman attachant.

Il y a différents ressentis : la haine, l'amitié, la violence, la tendresse, la honte, le rejet et l'amour…



Je réside en Charente donc je croise peu de transgenre et pourtant :



Je me souviens dans les années 80, il y avait une maison qui accueillait les prostitués en toute inégalité. Tout le monde connaissait cet endroit, aujourd'hui disparu. Et me voilà gamine, passant sur cette route avec mes parents. Une femme de peau d'ébène à talon haut, traverse devant ma voiture. Moi, je reste bouche bée en la regardant traverser. Elle était magnifique, une mannequin. Robe moulante rouge, des bijoux scintillants et un déhanché à faire pâlir tout individu normalement constitué.

Mes parents ont cet air de dégoûts et lance tout bas « c'est un homme ». Et moi, petite maline de 9 ans, je dis. « Non, c'est vrai ». Mon père avance la voiture avec indifférence. Moi, je me retourne, pour m'en mettre plein les mirettes et je me dis : « je veux être comme ça plus tard. Une vraie femme ».

Ce que je n'ai jamais osé être…



Et puis, il y a l'autre homme que je croise dans les magasins parfois. Il est déguisé en femme, sans maquillage, robe à fleur, ayant appartenu à sa mère certainement. Des talons hauts qui à chaque pas le font basculer. Et puis, il y a l'indifférence de ma part, une sorte de honte pour lui… Et puis, il y a les rires autour de lui, les moqueries ouvertes, la méchanceté gratuite… Et il y a moi qui ne dis rien et qui baisse les yeux pour ne pas voir et entendre l'horreur et la cruauté qui se masse autour de moi.





Ce roman, c'est tout ça… cette beauté et cette haine.





Bonne lecture !
Lien : https://angelscath.blogspot...
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Les vilaines

Ce que j’ai ressenti:



▪️ « Nous sommes là pour qu’on écrive à notre sujet. Pour être éternelles. »



Tant qu’il y aura des ensorceleuses, comme Camila Sosa Villada, nous pourrons lire ce genre de livre flamboyant…Tant qu’il y aura des reines, la nuit et du désir, nous pourrons approcher la beauté féroce au détour d’un parc…Tant qu’il y aura des MAUNSTRES, des arbres et de l’amour, nous pourrons être transpercé par l’émotion…Tant qu’il y aura la liberté et la fête, nous pourrons danser sur les trottoirs de l’enfer…Tant qu’il y aura de la tendresse, nous pourrons entendre les confidences sans fard, de ces fleurs transformées…Qu’Elles soient Les Vilaines ou métamorphosées, nous pourrons toucher de près, la transparence et l’éblouissement…Et puisque l’art est capable de transcender la tristesse, alors nous pourrons saisir de la fulgurance de cette histoire…



▪️ « La lumière nous dénonce, nous expulse. »



Suivre Camila, c’est battre le pavé, entrer dans l’univers du travestisme, lever le voile sur les réalités de la prostitution, voir les ravages de la pauvreté…Mais suivre Camila, c’est aussi, rencontrer des femmes fortes, sentir une sororité puissante, accueillir une forme d’amour étonnante…En faisant le choix d’une fable, avec quelques notes de magies parsemées, mais aussi avec une sincérité désarmante sur leurs souffrances, ce premier roman fait jaillir l’éclat de nos yeux, quand ce n’est pas des larmes en abondance…Parce qu’il en faut de l’énergie pour être unique et différente, parce qu’il faut en offrir des sacrifices pour être soi-même, Camila nous ouvre les portes de la grande maison rose, et de toutes celles qui ont bien voulu nous laisser voir leurs intérieurs…Et c’est bouleversant, parce que c’est aussi beau que désespéré…Même parées de tous les atours, les reines ne rayonnent qu’un temps, avant de disparaître dans l’anonymat…Et alors, qui saura qu’elles auront été là, un jour, dans le Parc de Sarmiento? Qui saura que par pur altruisme, elles ont sauvé un enfant? Qui saura jusqu’où peut aller l’amour inconditionnel de ces femmes?



▪️ « Ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête. »



Je n’ai pas pu lâcher cette lecture. C’est vraiment ce genre de livre entre conte fantastique et plume sensorielle, qui me fout toujours le bordel dans le cœur…Et c’est pour cela, que j’aime passionnément la littérature argentine, pour l’explosion de sensations. Avec ce premier roman, Camila Sosa Villada et Les Vilaines m’ont appris l’ère des fleurs et la fête…Et même si c’est un chemin de ronces et de sang, meme si c’est éphémère et violent, elles m’ont touchées. Dans leurs recherches de liberté, dans leurs mots furieux, dans leurs résistances acharnées, elles sont fascinantes de bienveillance. Et forcément, j’en reviens pour vous dire que de cette lecture, a jailli un coup de cœur…





Ma note Plaisir de Lecture 10/10
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Les vilaines

Je vous entraine dans le parc Parc Sarmiento , au coeur de la ville de Córdoba en Argentine. Là on va découvrir les Villaines, des prostituées trans qui ont fait de ce parc leur QG

C’est Camilla qui nous invite à la suivre, elle se fait notre guide. Elle nous présente sa communauté. Une communauté trans, réunie autour de la figure de Tante Encarna qui vit dans la zone rouge de Cordoba.

Oh la vie de ses filles n’est pas toujours rose, bien au contraire. D’abord il a fallu s’accepter et se débarrassé de ce corps encombrant de garçon. Mais avant cela, il y a eu le rejet de la famille, du père en particulier.

C’est ce que nous raconte Camila, ce père alcoolique et les coups de ceinturon pour que son fils soit un vrai garçon, un dur, un pur…Et puis la fuite et la rue…La prostitutions, le trottoir, les humiliations, les flics pervers usant de leur petit pouvoir. Mais les filles partagent tout, elles font de leur vie, une vie faite d’échanges, et de résistance aussi, surtout face à la police et aux clients mais aussi aux voisins et leur intolérance

Heureusement il y a « La maison rose de tante Incarnat ». Un havre de paix, la solidarité entre Frangines, la sororité. Là elle rêve devant les télénovelas, elle rêve d’une vie révée…

Et puis … Un jour, elles trouvent un bébé qu’elles adoptent clandestinement, le nommant Eclat des yeux.

Et une autre histoire peut commencer…

On trouve tout cela dans ce court roman de 200 pages. 200 pages terriblement émouvante, emplie de craintes, de douleurs mais aussi d’aspirations et d’optimisme

Un livre, un roman empli d’humanité. De sororité aussi…De sentiment souvent contradictoire. Les filles arrivent à passer de l’horreur à la joie, du désespoir à l’espoir.

L’écriture de notre autrice est multiple elle aussi, souvent onirique, elle peut être âpre et sensible à la fois. Ce qui est certain c’est qu’elle est originale et flamboyante et hypnotique et envoutante tout comme l’est Camila, notre héroïne.

Le style est empreint de réalisme magique. Ce roman a des allures de conte de Fée. On adore la fougue qui se dégage de ce texte, on aime sa tendresse, sa fantaisie. Tout cela est alerte, c’est une ode à la tolérance, à la différence.

On ressort de là grandi, émue et on a envie de crier : « que vive la diversité, la différence, les différences, vive l’inclusion, vivant tolérant-e , ouvert-e aux autres »

Vous l’aurez compris j’ai adoré cette histoire tragique et lumineuse à la fois, une histoire quasi autobiographique et je vous recommande vivement ce roman qui nous rend meilleur.
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Les vilaines

Un transsexuel nous raconte sa vie de prostitué(e), et celle de ses ami(e)s qui travaillent dans le même parc d'une ville argentine. Elle (comme il se nomme) raconte aussi son enfance et son adolescence. Le mépris à son encontre et le refus elle a fait l’objet dans sa famille et presque partout est difficilement supportable. Le rencontre d’autres personnes comme elle, des femmes dans des corps d’hommes, fut une grande chance.

Alcool, drogues, et violence sont omniprésents, mais l’auteure le traite avec un savant mélange de réalisme et de tendresse.

L’histoire et l’écriture méritent le détour, mais la métaphore exagérée autour de Maria l’Oiseau gâche un peu le tableau.



Cette lecture attire l’attention sur les ravages causés par l’intolérance, et dénonce un conformisme social à la fois violent et hypocrite.

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Les vilaines

Les vilaines est un roman douloureux. Très douloureux. Mais c'est aussi une lecture qui nous invite à tendre la main à la différence, à ceux qui ne peuvent pas être ce qu'ils veulent être et à ceux qui marchent avec la mort derrière eux. Ce livre a touché mon cœur, sans ignorer les parties désagréables (macabres/dévastatrices/choquantes) de l'histoire de Camila Sosa. Parce que ces parties sont réelles, elles sont la vie des "vilaines" , ces femmes qui sont nées des hommes, qu'elles cherchent mais aussi repoussent. Mais, surtout, ces femmes qui se défendent bec et ongles, démontrant un lien sans précédent.

"Nous sommes là pour qu’on écrive à notre sujet.

Pour être éternelles." dit Camila Sosa .

Et c'est exactement ce qu'elle fait : représenter ceux qui n'apparaissent jamais sur la photo, se concentrer sur ceux qui ont vécu en marge de la lumière, pointer du doigt ce qui a toujours été réduit au silence. L'autrice raconte la recherche de son identité durant son enfance/ adolescence dans un environnement hostile, appauvri et la nouvelle vie qui, comme une prophétie ou une malédiction, l'attendait dans une grande ville qui la dévorait.

Le récit tresse les souvenirs d'enfance avec l'histoire de sa vie d'adulte: le cru, la poésie et la magie servent à Camila à raconter comment elle a été accueillie dans une confrérie de prostituées transsexuelles qui gagnaient leur vie dans l'ombre d'un grand parc, et comment elle a trouvé sa maison dans une pension gérée par une matriarche travestie qui l'a aidée à survivre à des expériences difficiles qui ne peuvent se produire qu'au plus profond de la nuit.

La cruauté et la douleur traverse chaque page, chaque paragraphe, chaque ligne, traverse les doigts, inonde les yeux. Camila sait nous montrer une grande partie de cette douleur à travers un témoignage honnête et déchirant.

Les Vilaines est un conte de fées ou les personnages sont puissants et complexes. Maria, une femme muette qui se transforme en oiseau. Natali, celle qui se transforme en loup les nuits de pleine lune. La Machi, une guérisseuse qui soigne avec la magie du Brésil. Les hommes décapités, des hommes qui ont perdu la tête dans les guerres et qui pensent désormais avec le corps et la tante Encarna, qui est la mère de tous ces êtres mythiques. À travers ces pages, l'autrice rend hommage à ces femmes qui ont pris soin d'elle et l'ont hébergée, elle entoure de magie la coquille qui l'a protégée pendant de nombreuses années.

La prose de Camila Sosa Villada est hypnotique. Malgré le flot des misères, on garde toujours un sourire tendre sur le visage, qui petit à petit se noie dans une larme qui nait doucement au coin de l'œil, sans qu'on se rende compte.

Je clôture mon avis en vous recommandant chaleureusement ce livre et avec un extrait qui exprime tellement des choses à la fois ...



"En attendant, nous étions des Indiennes maquillées pour aller à la guerre, des fauves prêtes à chasser, la nuit, ceux qui étaient assez imprudents pour s'aventurer dans la gueule du Parc. Et nous étions toujours fâchées, rudes, même pour la tendresse, imprévisibles, folles, rancunières, fielleuses. Et puis, il y avait cette envie perpétuelle de mettre le feu à tout : à nos parents, à nos amis comme à nos ennemis, aux maisons de la classe moyenne avec leur confort et leurs routines, aux jeunes de bonne famille qui avaient toujours la même tête, aux vieilles grenouilles de bénitier qui nous méprisaient tant, à nos masques qui coulaient, à notre propre rage peinte sur la peau, la rage contre ce monde qui ne voulait rien entendre, qui se payait sa bonne santé sur notre dos, et allait jusqu'à nous sucer la vie avec tout cet argent qu'ils avaient et que nous n'avions pas."



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Les vilaines

Et si je vous invitais à battre le pavé ce soir ? A le battre vraiment, du talon, un deux trois, un deux trois, plus vite, plus fort, défouler le corps et le cœur.



Et si je vous invitais dans l'antre des "monstres", au cœur du parc Sarmiento, en Argentine. Au milieu des prostituées. Et des hommes esseulés.



Je n'aurai pas besoin de vous parler de la beauté de ses femmes, de la beauté de tous leurs éclats, de rire, de colère, d'amour. Surtout d'amour. Parce que vous les verrez bien sûr. Vous verrez Camila et sa soif éperdue de tendresse. Angie et son sourire contagieux, parce qu' "être transe est une fête". Maria qui vous pleurera bien quelques plumes. Encarna et l'homme de sa vie, un tout petit homme sauvé une nuit froide, abandonné là. Comme elles toutes. Abandonnées là.

Et puis survivre quand même. A la violence des autres. Et à celle que l'on s'inflige. A la maladie aussi.



Je n'aurai pas besoin de vous parler d'elles, et de toutes les autres. Un livre portrait. Chaque personnage tracé finement, précisément, sans concession, sans fausse pudeur. Un livre qui vous embarque, ne vous laisse pas le choix. Et plus la lecture avance, plus vous vous demandez s'il faut vraiment tant de violence pour ajouter du relief à toute cette beauté. A toute cette tendresse.



🤍 J'ai aimé ce livre. Je l'ai aimé à la folie. J'ai aimé chaque personnage, chaque phrase, chaque mot.

J'ai aimé cette merveilleuse couverture, et la belle traduction de Laura Alcoba.

Merci aux éditions Metailié pour cet instant de grâce.

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Les vilaines

Ces vilaines se sont un petit groupe de transexuels, sous la maternelle protection de Tante Encarna, qui se retouvent presque chaque soir en quête de clients au Parc Sarmiento, à Córdoba en Argentine. Tante Encarna en loge aussi quelque unes dans sa grande maison rose.



Ce roman considéré d’autofiction, puisque l’auteur s’inspire de sa vie, nous fait découvrir le quotidien, la réalité, que vivent la communauté trans encore aujourd’hui en Argentine … amitié, violence, corruption, solitude, hypocrisie de certains hommes qui les désirent mais qui les condamnent également. Un monde de grande joie, de solidarité qui parfois s'effrite, d’amour impossible … de désillusions … Mais comme elles disent souvent pour se remonter le morale “être trans est une fête" … même si …



Roman bien traduit, d’une grande richesse de détails, rempli de violence et parfois de lyrisme … Bien aimé !

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Les vilaines

Presque soulagée de tourner la dernière page, tant l’histoire est douloureuse, les parcours de ces prostituées trans sont infiniment tristes malgré les paillettes, les perruques et les talons vertigineux comme autant d’efforts pour conjurer le désespoir du quotidien.

La narratrice est née garçon, dans un village d’Argentine, auprès de parents qui rejettent la part de féminité qui très tôt apparaît chez leur fils. Famille pauvre, père alcoolique, mère battue, l’enfant grandit dans la terreur et respire seulement la nuit lorsqu’il se travestit et part danser. Quelques heures volées à son destin de garçon, quelques heures où il peut être Camila – mais aussi très rapidement la difficile confrontation au regard des autres, souvent fascinés mais toujours méprisants, insultants.

La fuite vers Cordoba amène un peu de répit mais le chemin vers la prostitution est déjà tracé – le rejet, la violence sociale, les premières expériences sexuelles associées au viol mais aussi la misère économique, tous les éléments sont réunis, cela semble inéluctable à Camila.

« Arrive le soir où la chose devient facile. C’est aussi simple que ça. Le corps fabrique de l’argent. On décide de l’argent fabriqué et du temps que cela prend. Puis on dépense l’argent comme on veut : on le claque, la mécanique qui permet de l’obtenir est tellement simple. On maîtrise déjà le truc. On a déjà assumé notre propre histoire, la décision que tous ont prise, et chacun séparément : que nous soyons des prostituées. Notre âge n’a aucune importance. »

La rencontre avec la tante Encarna, âgée de 178 ans (😊), mère protectrice de toutes les trans qui se prostituent dans le jardin Sarmiento, va donner le sentiment à Camila d’appartenir à une communauté, petite famille qui se réunit dans la maison rose d’Encarna. Là, on fête les menues joies du quotidien, on vient se soigner, se réfugier quand le compagnon a tapé trop fort ou que le client s’est avéré incontrôlable, se reposer d’une vie sans avenir.

Chaque trans a son histoire, aucune n’est gaie, aucune ne finit bien. Le cœur et le corps abimés, toutes espèrent l’amour, la sécurité, une réconciliation avec des familles hostiles mais… le sida, les clients barbares, la brutalité policière, l’exclusion sociale, les addictions, autant d’obstacles têtus sur une route qui mène souvent à une impasse.

On sort de cette lecture un peu groggy, l’auteur n’épargne à aucun moment son lecteur. Le propos est soutenu par un style souvent poétique, qui donne toute sa puissance à ce récit que l’on devine en partie autobiographique.

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Les vilaines

Les vilaines" c'est un roman touchant, douloureux, trash, avec des passages extrêmement difficiles sans jamais tomber dans le misérabilisme ou le pathos.

C'est également une ode ,un message d'amour à la communauté transgenre.

L'autrice le dit: "nous sommes là pour qu'on écrive à notre sujet".

C'est ce que j'appelle, une lecture "apnée", une lecture où l'on ne reprend son souffle qu'en refermant le livre.

N'hésitez pas, entrez dans les allées du parc Sarmiento de Cordoba, poussez les portes de la pension de tante Encarna et découvrez "les vilaines".
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Les vilaines

Abandon

La rencontre n'aura pas eu lieu avec cette héroïne!

Je n'ai pas été emportée par l'histoire qui manquait de structure à mon goût et surtout un énième moment d'humiliation pour Camila m'aura fait dire stop.

Ce livre, témoignage ou roman, peut-être un peu des deux, nous entraine au sein d'une communauté de prostitués trans où la solidarité est de mise pour faire face à la violence, l'humiliation, le rejet, la maladie.

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Les vilaines

Je ne connaissais rien aux transgenres, seulement des caricatures et des blagues salaces lancées surement par des personnes qui souvent ont plus peur de l'inconnu qu'autre chose.

J'ai donc découvert un monde inconnu, douloureux pour ces hommes/femmes mais aussi pleins de tendresse, d'amour, de solidarité, de rire et de sourire.

Un roman biographie touchant qui m' a ouvert les yeux sur un monde très lointain de mon quotidien.
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