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Citation de missmolko1


Lorsque le petit bateau à voile s’écarta du ponton, le temps était calme, mais des nuages bas planaient à l’horizon. Ils emmenaient leur fille en mer pour la première fois.
– On est sûrs que c’est prudent ?
L’homme interrogea sa femme du regard. Elle répondit en opinant doucement. Elle connaissait bien la mer et voulait que sa fille apprenne à l’aimer. L’enfant dormait, abandonnée dans ses bras. L’eau était claire et lisse.
Le ponton disparut rapidement derrière eux. Le premier
coup de vent se fit à peine sentir. Il n’était que quinze heures, mais le soleil semblait sur le point de se coucher. Les vagues se levèrent peu à peu, déchirant la surface de l’eau et battant la coque du navire. L’écume éclaboussait la cabine, les voiles se gonflaient, prêtes à craquer.
La femme serrait sa fille fort dans ses bras. À présent,
une odeur glaciale annonçait la pluie. La petite se réveilla et regarda autour d’elle de ses grands yeux gris. Le ciel s’assombrit d’un coup.
– On doit faire demi-tour ! cria l’homme pour couvrir
les sifflements du vent.
Cette fois, la femme approuva d’un vif hochement de tête, serrant sa fille plus fort encore. La petite, enveloppée dans une couverture, ne bougeait pas un cil. On eût dit qu’elle flairait le danger. L’homme tenta de virer de bord, mais la tempête les avait trouvés. La pluie tombant à verse fouettait les voiles. La fillette gémit et se tortilla dans les bras de sa mère.
Il était trop tard pour revenir.
La mère entonna une chanson, mais le vent cinglant
avalait la mélodie. Les vagues grossissaient, menaçant
d’engloutir l’embarcation.
– Je ne vois plus rien ! s’écria l’homme.
Sa voix se noya dans les hurlements de la tempête. La mère se redressa pour regarder au loin, tout en pressant l’enfant contre sa poitrine. Quelques secondes plus tôt, elle apercevait encore les îles qu’elle connaissait depuis son enfance. Mais à présent, elle ne discernait plus rien. Dans la pénombre, les îles avaient disparu. L’horizon et le ciel s’étaient transformés en une grande nuée grise.
Un décor inconnu et effrayant.
La peur s’abattit sur elle comme une lourde pierre.
– Attendons que ça se lève ! s’écria-t-elle. Essaie de
nous mettre à l’abri !
Le bébé hurlait.
Pendant un instant, le temps sembla s’arrêter. Une vague passa par-dessus le bastingage, telle une créature maléfique déchaînée. La femme vit le fond du bateau disparaître sous ses pieds et le voilier chavira. Jamais le rythme du monde ne lui avait semblé si rapide et si lent à la fois.
Elle sombra dans le chaos, cernée d’eau et de grondements. Elle remonta à la surface après quelques
secondes. Sans même qu’elle en ait conscience, des cris
s’échappèrent de sa bouche :
– Où est-elle ? hurlait-elle, encore et encore, d’une
voix éraillée.
L’homme plongea dans les profondeurs à la recherche de l’enfant. La femme s’élança à son tour, se débattant dans les courants et se forçant à ouvrir les yeux dans l’eau noire et glaciale. Plus la cruelle réalité s’insinuait en elle, moins elle pouvait l’accepter.
La mer lui avait pris sa fille.
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