Citations de Camille Brissot (126)
J’ai survécu à un tsunami, puis au choléra, au typhus, ainsi qu’à toutes les autres saloperies qui traînent ici. Et c’est finalement l’ennui qui me tue.
C'était une chose que d'imaginer ce que Sam devait endurer au quotidien. Cela en était une autre que de faire face à ces regards emplis de mépris. Pour Charlie, ce fut aussi violent qu'une claque en pleine figure.
Vous n'avez jamais assisté à de véritables funérailles, Daniel. La moitié des gens y pleurent le disparu, tandis que les autres pleurent la douleur des premiers.
Car, lorsqu’une journée est trop longue, il ne reste qu’une chose à faire: y mettre soi-même un terme.
Sérieusement ? Des limbes, des sangsues, et maintenant des chiens ? Quelle serait la prochaine surprise : des arbres carnivores ?
- Quel adorable petit coin de forêt ! ai-je soupiré.
L’amour ne nous est pas tombé dessus, Daniel. Nous l’avons laissé venir, puis se développer.
– Comme une plante ?
– Comme une plante, confirme-t-elle. Solide et fragile à la fois.
Lorsqu'elle n'était pas là, Skype prenait le relais. C'est peut-être paradoxal, mais la distance peut rapprocher, vous savez. Quand l’autre n'est pas là physiquement, il ne nous reste que ça : sa parole, sa voix... On discute jusqu'à ne plus rien avoir à se dire, et c'est à ce moment que ça devient intéressant - car lorsqu'on n'a plus rien à raconter sur son quotidien, on est obligé d'aller plus loin. On gratte les couches, on les perce l'une après l'autre, on se dévoile...
Le chagrin consume, et rien ne brûle sans combustible. Il emporte quelque chose de vous.
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Face à un deuil, on est toujours seul, il me semble. C’est un gouffre qui se creuse en nous, et personne ne peut en imaginer la profondeur car il faudrait oser s’en approcher, se pencher au-dessus du vide, perdre soi-même une partie de son équilibre. Et tout ça pour quoi ? Pour découvrir l’épaisseur du chagrin qui se cache au fond et réaliser que la petite flamme que l’on a apporté s’y noiera aussitôt.
- La mémoire est un socle. Quand on la perd, on perd aussi un peu l'équilibre.
Renommer les choses ne suffit pas à en changer la nature.
Derrière la tête de Pepper, qui souriait de toutes ses dents, et celle d'Armand, pâle et crispé, on apercevait Mme Mesmer, son fusil à la main, les yeux exorbités et les lèvres retroussées sur un terrible rictus.
Je détourne les yeux. Ce n'est pas la première fois que j'assiste à une cérémonie de la Dernière Nuit: mon père à toujours tenu à ce que je sois à ses côtés. Seulement, je ne parviens pas à m'y habituer. Toute cette souffrance inutile, cette fi imposée...
Comme chaque fois, je me surprends à croiser les doigts pour que ce soit la dernière.
- Ton tombeau, et maintenant ton château... commenta Tamara.
Décidément, tout semble tourner autour de toi, Balti.
- C'est bien vrai ! Mais que voulez-vous ? C'est cela, d'être quelqu'un d'important !
- Sacrée performance, dit Lisa d'un air appréciateur. Ce type est vraiment un professionnel de la lose !
Anne approuva d'un gloussement, Charlie se contenta d'un sourire.
C'était vrai, Samuel était une sorte d'expert dans son domaine. Il ne manquait jamais une occasion de se ridiculiser. Mais il lui faisait de la peine, aussi. Charlie s'imagina un instant à sa place. Être en permanence seul, raser les murs pour éviter les railleries et insultes...
- J'étais si furieux tout à l'heure... Maintenant, je... j'ai l'impression d'être vide.
- Oui, acquiesse-t-elle. Le chagrin consume, et rien ne brûle sans combustible. Il emporte quelque chose de vous.
Le chagrin consume, et rien ne brûle sans combustible. Il emporte quelque chose de vous.
Mais c'est quoi, le temps, au fond? Est-ce qu'on en profite plus quand on en a moins? Et pourquoi est-ce qu'on a l'impression que c'est un contenant vide, un truc qu'on doit absolument remplir pour qu'il prenne de la valeur? Est-ce qu'il n'est pas précieux par nature? Une heure à réfléchir, allongée dans son lit, ça vaudrait moins qu'une heure à boire des cocktails sur le pont d'un yacht?
Parfois, je me sens piégé. Je suis comme une plante qui a arrêté de pousser à mi-hauteur, bloquée entre deux âges. Je n'arrive plus à monter, mais je ne peux pas redescendre non plus. Pourtant, ma place n'est pas au milieu, je le sens...
- Alors nous sommes tous des limbes.
Pietro me renvoie un regard interrogateur.
- La montagne, c'est la vie; la forêt, c'est la mort, non? Et nous, nous sommes coincés au milieu. Tu n'as jamais l'impression qu'à trop vouloir survivre, on ne vit pas vraiment?