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Citations de Camille Laurens (792)


La langue est le reflet de ma vie. Quand je voudrai mourir tout à fait, je me tairai.
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En classe de première, Alice fait ses TPE sur les femmes et le féminisme. « Ce qui est terrible, tu sais, maman, c’est que les femmes ont peur tout le temps, partout, à toutes les époques. Évidemment, elles ont moins peur chez nous qu’en Inde ou je ne sais où, mais enfin, que ce soit conscient ou non, elles vivent dans la peur, la peur des hommes. » Je pose mon couteau à côté du petit tas d’épluchures, je m’essuie les mains. « C’est vrai, ma chérie. En même temps, les hommes aussi ont peur. Faut-il vraiment les opposer à nous ? Est-ce que… ? – Ça n’a rien à voir. La domination vient des hommes. Que certains aient peur, ok, on ne va pas pleurer pour eux. Tandis qu’une femme vit sans arrêt sous la menace, et très tôt dans sa vie. Sinon, pourquoi tu m’as appris à me défendre, quand j’étais petite ? Tu te souviens, pif paf ? » Elle mime le coup de genou. « C’est parce que tu avais peur pour moi. Parce que toutes les femmes ont peur, c’est tout. C’est tellement ordinaire, elles ont tellement intériorisé le danger que certaines n’en ont même pas conscience, et pourtant… Une femme menacée, c’est un pléonasme. — Admettons. Mais la peur de ne pas être à la hauteur, la peur de mal faire, de ne pas y arriver, la peur d’échouer, ça concerne bien les hommes aussi, non ? Vous, les filles d’aujourd’hui, vous êtes si… » Alice se lève brusquement, plonge les pommes de terre épluchées dans l’eau et me dit, son économe à la main, d’une voix qui tremble : « La différence, maman, entre hommes et femmes, tu vois, c’est que les hommes ont peur pour leur honneur, tandis que les femmes, c’est pour leur vie. Le ridicule ne tue pas, la violence, si. » Je me lève, je sais, je la prends dans mes bras, « câlin », dit-elle. Quand elle était petite, je la soulevais de terre comme rien, sa densité légère me comblait. Quelle puissance j’avais ! Maintenant, je ne peux plus, ni l’embarquer ses pieds sur les miens à grands pas de robot dans tout l’appartement. Son portable sonne, elle sort précipitamment de la cuisine en disant « allô » d’une voix séductrice. Je mets la table en chantonnant. Je trouve Alice trop radicale, intransigeante, mais notre discussion m’a rendue gaie, on discute entre filles, me dis-je.
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Merci beaucoup pour votre intervention, c’était très intéressant. Vous nous avez confié que faisiez encore des cauchemars qui grouillent de cafards, de fourmis et d’araignées, intervient un psychanalyste à la fin du colloque. Avez-vous déjà remarqué qu’insecte était l’anagramme d’inceste ? » Encore un jeu de mots tiré par les cheveux, comme toujours avec les psys, me dis-je tandis qu’il développe avec assurance, enfin je ne vois pas bien où ça mène, mais il m’a trouvée intéressante, alors je souris. Daniel avait raison, du reste, ça m’a fait du bien de parler. J’aurais dû le faire plus tôt – consulter, « voir quelqu’un », comme on dit. Mais à quoi ça m’aurait avancée ? Aujourd’hui, Daniel a mené l’entretien, il m’a aidée. Mais je m’imagine mal déballer mes histoires devant un inconnu. On lave le linge sale en famille. Daniel est dans le public, il me sourit.
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Tu vas faire des courses avec ta mère, vous achetez de la laine bleu clair pour la layette, elle t’offre une grenouillère blanche. « Tu vois, me dit-elle pensivement tandis que nous patientons à la caisse, parfois je me dis que tout aurait été plus simple si j’avais eu un garçon. Ton père aurait été tellement content, tellement… Peut-être qu’il m’aurait plus aimée, avec un garçon. Sûrement.
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Le Dr Charles Guerry est d’un abord hautain et froid, tempéré par le fait que tu es la fille du Dr Barraqué. Cela ne t’empêche pas d’être une nullipare ignare, et pénible avec tes questions inquiètes : est-ce que le bébé n’est pas trop gros ? Faudra-t-il une césarienne ? Comment marche la péridurale ? Premièrement, ce n’est pas le fœtus qui est trop gros, c’est toi. Il est temps que tu te mettes au régime. Deuxièmement, la césarienne, c’est pour les nuls, les confrères tire-au-flanc qui veulent partir en vacances. Lui, il en a sorti des bien plus gros que le tien par les voies naturelles. La nature, il n’y a que ça de vrai, les femmes ont tendance à l’oublier. La douleur de même, c’est naturel. Aussi est-il personnellement réticent à te proposer la péridurale, qui d’ailleurs déçoit beaucoup les parturientes : a-t-on vraiment envie d’être absente du plus beau jour de sa vie ? Les femmes regrettent, en général : après tout, elles n’auront pas tellement d’autres occasions, dans leur vie, d’avoir un peu de courage
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Tu vois, il y a une chose qui m’a troublée », dis-je à Daniel qui, assis en tailleur sur la moquette de son studio, décapsule une bière, un joint à la bouche. « C’est quand il m’a demandé si j’en avais parlé au “père de l’enfant”. — Ouais ? fait Daniel. — Qu’il utilise le mot “enfant”, tu vois, ça m’a fait bizarre. — C’est idiot de dire ça avant une IVG. Parce qu’il n’y a pas d’enfant, justement. Ni de parents, donc. » Je ne sais pas pourquoi, je n’aime pas la réaction de Daniel. J’enchaîne pourtant : « Tu vois, encore plus étrange, à la fois je suis comme rassurée de sentir que j’ai, que j’abrite un enfant, enfin, un bébé en puissance, je ne sais pas pourquoi, ça me donne confiance, je me sens, comment t’expliquer ? Puissante… Et en même temps, je ne veux pas d’enfant, je crois que je n’en aurai jamais. — Pourquoi ? — Je ne sais pas. Je voudrais rester libre. Continuer à faire du théâtre, écrire une pièce, je ne sais pas, vivre ma vie.
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Elle regarde nerveusement la pendule accrochée au mur de la cuisine, ignorant que cette phrase va bientôt devenir leur gimmick à sa sœur et elle : j’ai du retard, je suis en retard, t’as combien de retard ? « Bon, en définitive, poursuit le père, ce n’est pas compliqué, résumons-nous : il suffit d’être sages et d’obéir à votre père. Les filles ont leurs règles et elles suivent les règles, c’est tout. »
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Il y a aussi une chanson que je déteste. Le refrain ânonne : Vous permettez, monsieur, que j’emprunte votre fille ? Je trouve les paroles idiotes, on n’emprunte pas une fille comme on emprunte un livre à la bibliothèque parce qu’une fille, ce n’est pas une chose, et puis aussi une fille, on ne la rend pas, on la garde – enfin, dans les contes c’est comme ça. Le chanteur s’appelle Adamo, ce qui signifie Adam en italien. Eh bien, le premier homme, il a l’air cruche, je te ferai dire.
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Extrait n°1
A six mois de ton développement te voilà donc tout ouïe, prête à entendre, d’abord les refrains de ton existence future puis, à l’orée du monde extérieur, à la fois le ploc du caillou lancé en biseau à la surface relativement lisse du silence (« C’est une fille ») et les ricochets se propageant de voix en voix (« C’est bien aussi », « Ce sera pour la prochaine fois », « Les filles sont plus faciles », « Reste plus qu’à transformer l’essai »
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Le premier rêve d'un écrivain est de réduire l'écart entre les mots et les choses, la langue et le monde. Il aimerait que l'arrachement à l'expérience primitive ne fasse pas de son récit un tombeau vide, un simple moulin à souvenirs, qu'il ne soit pas fait de langue morte.
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Oui, d'accord, dit le cousin de Janine qui veut se marier avec elle quand elle sera grande, d'accord vous souffrez. Mais c'est seulement 5 jours par mois. Nous on est obligés de se raser tous les jours. Et puis nous, on a le service militaire.
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La virginité est vraiment le dada du papa, on ne tarde pas à s'en apercevoir. La raison n'est pas tellement cette histoire de pureté ,il est protestant et les protestants, la Vierge, ils s'en tapent- enfin c'est ce qu'elle a compris de ses premières années de catéchisme. Non, lui, ce qui l 'obsède, c'est qu'elles tombent enceintes (on tombe, on tombe bien bas, on ne s'en relève pas ). qu'elles aient un polichinelle dans le tiroir, une côtelette dans le buffet, le mou enflé, la fluxion de 9 mois, qu'elles se fassent e gonfler le ballon, arrondir le globe, bâtir la devanture, piquer par un clou rouillé, qu'elles aient sucé le crayon, attrapé le paquet, avalé l'os, mangé la soupe à la quéquette, mis la poule à couver, laissé la cuillère dans la tasse. Les filles c'est le boulet des pères. Il ne sait pas trop comment s'y prendre. Les contraindre ou les convaincre, il hésite en vain :c'est ni l'un ni l'autre.
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Je suis précoce, comme fille, oui, ou plutôt, précoce comme une fille :je parle mieux que je ne bouge, j'écoute mieux que je ne cours, je préfère jouer avec les mots qu'à chat perché. Il paraît que la langue est notre privilège, à nous qui apprenons si tôt à limiter notre corps. La parole est notre Nautilus, elle a ses abysses.
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Slvp est ce que quelcun pourrait m'expliquer cette citation “Voilà la plus belle preuve d’amour : prendre la liberté de rester alors qu’on pourrait s’en aller.”
J'ai un controle de philo et je n'arrive pas a ecrire une dissertation sur cette citation
Slvp si quelqun l'a compris repondez.😭🥺🥺🥺
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Les filles ne se reproduisent pas toujours bêtement... Parfois elles font des garçons.
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Intérieur nuit.
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Vous vous rappelez la phrase du pasteur Saraband, le dernier Bergman ? "Pour qu'un couple marche, il faut deux choses : une franche camaraderie et un solide érotisme." Il n'y a vraiment que les protestants pour oser un prosaïsme pareil, cette sortie de l'amour, et les psychanalystes, peut-être, pour tenter ce dégagement, ce désengagement, sympathie et sensation, appétit et détachement, quoi d'autre, quoi de possible ? Rien.
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J'en ai assez de ne plus avoir de corps, d'être séparée de tous les corps. L'écriture sépare, elle ne relie à rien qu'à la quête infinie d'un savoir impossible. Ecrire, c'est passer à côté. Même dans la course du temps, on se passe le relais sans se toucher. Alors, qu'on ne me parle pas de la sublimation : je déteste ce mot - quand Jacques l'emploie, j'ai envie de mordre. Où est le sublime ? On s'élève au-dessus de ce qu'on n'a pas réussi à toucher, à atteindre, à pénétrer, on s'en détourne pour effacer l'échec de l'amour, c'est tout. Mais le corps prostré préfère galoper, vous pouvez me croire. e la main qui écrit préfère la caresse.
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On ne dit jamais ça, une fille manquée, vous avez remarix ? C'est parce qu'aucun garçon ou presque ne rêve d'être une fille, alors que l'inverse... Un garçon manqué, c'est une fille à qui il a manqué la liberté d'être un garçon. Ne pas être libre, c'est ça la souffrance d'une fille.
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Camille Laurens
La différence, c'est que tous les hommes ont un avenir. Toujours. Un à-venir. Un avenir sans nous.
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