Fragonard était destiné à étinceler au milieu du plus étonnant groupe de dessinateurs que Fart français eût encore connus. Après Je XVIIe siècle austère, le dessin semblait, avec Watteau et son école, acquérir tout à coup l’esprit, la grâce, la compréhension toute moderne de son rôle d’observation, de chronique des mœurs. Certes Watteau laisse tout le monde derrière lui : ses sanguines, ses dessins rehaussés, immortelles floraisons d’une âme unique, gardent comme ses toiles ce mélange de noblesse et de tendresse qu’on ne retrouvera pas, et dont la proportion subtile n’a été transmise à personne.
Dans le rêve bleu de la mer Tyrrhénienne, l'apparition des îles Lipari est un étrange présage.
Elles sont sept : Filidudi, Panaria, Stromboli. Aux temps antiques, elles étaient appelées Eoliennes, en l'honneur du dieu des vents. Mais, en réalité. elles sont nées du Feu.
C'était comme un soleil ramené prisonnier et pendu à une colonne. Son agonie d'or rouge, sanglot fauve, farouche et silencieux, faisait peur. Au crépuscule, alors que les soldats en sueur pensaient en avoir fini avec le soleil réel, on voyait surgir ce tragique regard, vaste prunelle sanglante, et la chaleur semblait s'y être concentrée pour rayonner plus lourdement dans les ombres. On n'avait pas osé le placer en trophée entre des haches et des glaives, il était là tout seul au centre d'une grande salle, comme au poteau de torture, et jamais le roi ne le regardait sans songer à mourir.
"Le bouclier d'or"
L'abandon, au profit de la notation toute pure, du style et de la composition par les impressionnistes, devait forcément amener une réaction ; et, parallèlement aux écrivains symbolistes de 1890, les jeunes peintres indépendants, mécontents du réalisme anecdotique comme de la simple notation d'effets, cherchaient confusément un art plus synthétique, plus stylisé. Cette réaction se groupa assez bizarrement autour de l'oeuvre de Paul Cézanne.
Les musiciens peuvent dire que Beethoven, compositeur, a hésité longtemps à introduire les voix dans la dernière partie de son œuvre, qu’il les a préparées a l’orchestre, et que cette hésitation elle-même, comme s'il s’excusait de violenter un genre, lui a donné le motif de toutes sortes de préliminaires dont l’art est merveilleux.
La Bourse des bouquins était aussi répugnante que l'autre, on vendait la pensée et le style de pacotille aussi salement que les cuirs et les raisins secs. Dans cette cohue, l'élite risquait ses pauvres livres délicats comme un bébé dans une foule de fête nationale.
De théories, M. Rodin n'en a pas plus que d'idées préconçues sur (( les Sujets » en art. Il a un sujet, l'Humanité. Il a des idées générales, sans paraître s'en apercevoir. Il est symboliste, en l'ignorant. Il a créé des allégories parfaites, et ne l'a peut-être pas su. Il sculpte des passions. Il a quelquefois emprunté des sujets à la mythologie, il a fait des faunes, des Parques, des Icares. Mais d'un seul coup il a pénétré le vrai sens de cette admirable mythologie, que les sculpteurs et les peintres conventionnels nous avaient rendue odieuse : il en a saisi l'esprit sans même se douter qu'on pût s'attarder à en exprimer le côté anecdotique. On lui a prêté une philosophie, une morale, une perversité : il n'a rien de tout cela.
Au moment où débutait le romantisme, le genre du paysage était à peu près abandonné en France. Il était considéré comme indigne de « la grande peinture ». Le dogme fondamental de l'École étant que le beau est le résultat des proportions parfaites dont le nu humain est le symbole, le paysage n'était tout au plus admis que comme fond conventionnel aux figures. L'œuvre d'art était une composition abstraite, faite à l'atelier, et on ne pensait même pas à étudier le plein air. On le voyait, sans songer à en faire un sujet de tableau. On était absorbé par le désir de styliser, d'arranger, de faire joli ou majestueux, selon les sujets, sans se préoccuper de la vérité.
Il y a vingt-neuf ans, les Filles ardentes de Lipari purent entendre, à l'aube d'un jour de décembre, une immense clameur. En trente secondes, une secousse anéantit Messine et Regio, mêlant l'incendie à un effroyable raz de marée, tuant plus de cent mille créatures. On décida aussitôt la résurrection, et surtout depuis l'ère mussolinienne l'effort méthodique se poursuit. On avait commencé par rétablir des rues bordées de multiples baraquements de bois pour loger la foule des survivants. On les remplace peu à peu par des maisons.
La première Renaissance Italienne, si belle, pure, si autonome, n'est pas donnée en Eu au monde par la papauté. Celle-ci n'y trouve pas son compte : ni Giotto, ni Masaccio, ni Carpaccio, ni Mantegna, ni l'Angelico, ni Botticelli, ni Ghirlandajo ou Lippi, ne sont pour elle autre chose que des barbares, des « primitifs », comme le sont les gothiques ou nos primitifs de Bourgogne. Ce sont des artistes trop provincialement patriotes, trop désintéressés dans leur foi ascétique, pour être les agents de diffusion rêvés par le Saint-Siège. Non, ce n’est pas à eux qu'une pareille lâche sera confiée : on ne leur accordera que d'être les soubassements de la nouvelle gloire romaine, celle qui secondera l’internationalisme catholique. C'est à la seconde génération de la Renaissance que sera dévolue l'emprise sur l’imprudent Occident qui est une fois encore venu jouer au conquérant et sen retournera joué par l’astucieuse puissance. C'est à Vinci, à Raphaël, à Michel-Ange, et surtout à leurs successeurs banaux, ampoulés, déclamatoires, que sera demandée l’œuvre d’usurpation.