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3.67/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1956
Biographie :

Camille Saint-Jacques est peintre. Il est né en 1956 et vit à Colombes où il enseigne le français et l'histoire au lycée Claude-Garamont. Il codirige avec Eric Suchère une collection de livres sur l'art contemporain intitulée " Beautés ", aux éditions Lienart. Il entreprend de réfléchir sur l’art à partir des sciences humaines et de thématiques souvent inattendues comme le geste de l’ouvrier, le maquillage ou l’esthétique de la poussière.
Depuis maintenant plus d’une dizaine d’années, si la part théorique est toujours là, les moyens plastiques se sont réduits et l’artiste a fini par se concentrer sur le dessin et la peinture sur papier dans une volonté de réduction liée à une économie de la pratique. Il s’agit de faire un travail qui ne coûte rien, demande juste un coin de pièce pour être fait et quelques euros de matériel – ce vœu de pauvreté est un refus éthique du statut traditionnel de l’artiste
Ses peintures sont présentées par la galerie Bernard Jordan.
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Source : Amazon et http://www.galeriebernardjordan.com
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Citations et extraits (8) Ajouter une citation
4
Colombes, le 16 novembre 2017,
Salut Joe,
La citation de Sontag part du principe que le chef-d’œuvre
– qu’elle appelle aussi «Grand Œuvre» – est devenu anachronique à notre époque qu’elle nomme: «ces derniers temps».
Notre consommation hédoniste de l’art serait donc incompatible avec la grandeur du chef-d’œuvre et son «héroïsme»… Je
me méfie toujours de ces condamnations déclinistes, surtout
lorsqu’elles sont proférées au nom du modernisme. L’horizon
de Sontag se borne au romantisme et à la modernité. Je n’ai pas
lu son livre, mais je trouve que pour traiter du chef-d’œuvre,
c’est un cadre trop étroit. On sent bien que c’est là, pour elle,
l’époque héroïque par excellence et qu’elle n’a que mépris pour
«l’éthos de la société de consommation développée» et«l’éclectisme facile du goût contemporain». Au fond, elle regrette que
son modernisme se soit montré si «étroitement compatible»
avec notre époque, mais quelle conclusion tire-t-elle de cette
remarque si perspicace sur la modernité? Tout cela me gêne
car, autant je critique volontiers notre époque, autant je la
défends devant les réactionnaires, même s’ils le font au nom
de Benjamin et de Proust. L’adoration du passé et la nostalgie
me dégoûtent. J’aurais donc tendance à dire que si la citation
de Sontag introduit bien la question du chef-d’œuvre, elle est
embarrassante pour ce qu’elle trimbale de doxa moderniste.
Ton idée de traiter du chef-d’œuvre me paraît propice
pour trois raisons. D’abord, elle ouvre une perspective historique large, ce que nous essayons toujours de faire. Ensuite,
c’est une de ces notions clé de l’histoire de l’art que notre
époque a totalementringardisée, ce qui esttoujourssigne qu’il
y a anguille sous roche. Enfin, elle permet de poser la question
de l’utilité ou de l’inutilité de l’art, que Sontag évoque aussi en
parlant de «nécessité ».
Si Sontag avait élargi son cadre historique à l’âge classique
et même au Moyen Âge, elle aurait dû faire une place à un type
de chef-d’œuvre qui n’avait rien de transgressif ni de «dévastateur»: ceux qui permettaient la réception dans les corporations, les guildes, les académies, les Salons… Il me semble
que ces chefs-d’œuvre étaient davantage des rites d’initiation,
des brevets manifestant une aspiration à la reconnaissance
des pairs et de l’Autorité. Au fond, on peut s’interroger sur ce
qu’est le chef-d’œuvre d’un jeune créateur à l’âge classique. En
bons Modernes, nous le présentons toujours comme une rupture, un changement de paradigme (je pense à Daphné et Apollon
que Bernin sculpte à une vingtaine d’années). Mais n’est-ce pas
un tropisme, une forme d’anachronisme? Bernin ne voulait-il
pas, tout simplement en mettre plein la vue à ses pairs, faire la
démonstration de son savoir-faire? Pour nous, parce que nous
sommes issus de sociétés fondées par des révolutions (GrandeBretagne, USA, France, URSS, Chine…), la rupture fait sens,
l’innovation est le critère absolu du chef-d’œuvre. Mais si tu lis
les Vies de Vasari, tu vois bien qu’à son époque c’est davantage
la maîtrise qui compte. Contrairement à ce que dit l’extrait de
Sontag, je ne crois pas que la modernité ait mis fin à ce type de
chefs-d’œuvre. Même dans la transgression, il y a toujours un
désir, plus ou moins avoué, de se faire reconnaître de ses semblables, de se promouvoir auprès des puissants, ne serait-ce que
ceux du marché.En cela, il y a une permanence de la psychologie
des artistes, qui défie les découpages changeants de l’histoire.
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8
Salut Joe,
Je suis et reste fasciné par la force de la modernité, et
Barthes ou Boulez ou Mallarmé ou Proust ont été des figures
fondatrices dans mon parcours. Je ne peux me rappeler que
mon dégoût lors du déballage postmoderne et sa dé-hiérarchisation dont les sous-entendus politiques demeurent, quand
même, assez clairs, et je continue à voir le modernisme comme
les prémices de ce consumérisme culturel actuel. Que tu aies
envie de jeter l’aventure moderne fait aussi partie de ton parcours et je peux le comprendre. Je ne te persuaderai pas plus
que tu ne le feras et il faut travailler entre ces deux écueils:
le rejet de la modernité et son adoration (je caricature bien
évidemment). On peut
jeter Darwin, Freud, Einstein, Picasso,
Joyce, la sémiologie, le structuralisme aux orties(et un pseudo
philosophe ne s’en gêne pas), mais il me semble intéressant de
s’interroger là-dessus, pourquoi cette volonté d’en finir avec
les œuvres dont la volonté totalisante est peut-être effrayante,
mais qui ont remis en cause nos représentations du monde ?
Oui, nous crevons sous la mémoire fantasmatique d’un monde
perdu que nous n’arrivons plus à saisir dans sa globalité tout
autant que dans la diffusion de tout et de n’importe quoi par
l’intermédiaire des flux actuels où tout est accessible et rien
ne fait plus sens, où tout est équivalent et où il ne reste plus
que le jugement subjectif dans une consommation effrénée
d’œuvrettes qui se recouvrent et s’effacent en même temps.
Il m’apparaît évident que l’idéal démocratique de nos sociétés
occidentales est que l’œuvre ne fasse plus obstacle, ne résiste
plus – l’on sait, aujourd’hui, l’importance des médiateurs dans
les expositions. Il faut que tout soit transparent et digérable.
Alors, oui, Bob Dylan peut être prix Nobel de littérature
parce que cela, au moins, parle, ne produit pas de bouleversement et que tout le monde peut y accéder, sans le moindre
effort, au contraire du chef-d’œuvre, mais la chose est ridicule
si l’on compare cela à Samuel Beckett ou à Claude Simon – je
sais que ce n’est pas bien de hiérarchiser!
Pour le reste, je suis d’accord. Le chef-d’œuvre devrait
être à la fois moral, politique et écologique… mais je ne peux
m’empêcher de rajouter esthétique.
Tu as sans doute vu que les Lensois veulent que La Joconde
aille au Louvre de Lens et que les supporters de foot locaux
se mobilisent pour cela. Après tout, il peut y avoir encore un
peu de sens.
À plus,
Joe.
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5
L’artiste médiéval comme l’artiste moderne se sert du chefd’œuvre pour se promouvoir, pour affirmer sa « grandeur»,
dirait Sontag. Mais les historiens produisent eux aussi des
chefs-d’œuvre. Impression soleil levant, par exemple. En 1873,
lorsque Monet peint cette toile, a-t-il conscience de peindre
«son» chef-d’œuvre ? Probablement pas, c’est un paysage
comme un autre, comme celui de la veille et celui du lendemain. C’est toute la polémique du Charivari autour de l’invention du mot «impressionnisme » qui fait de cette peinture
un repère pour l’histoire de l’art. De nos jours, avec la vente
record du Salvador Mundi attribué à Vinci, on a aussi un cas
emblématique d’invention d’un chef-d’œuvre, non plus pour
des raisons esthétiques ou historiques – l’œuvre n’est pas terrible – mais simplement pour sa valeur marchande. J’ai envie
de dire qu’il y a des chefs-d’œuvre «pour soi» et d’autres « en
soi», (mais faut-il aller jusque-là ?). Les premiers sont surtout
utiles à leur auteur, les seconds servent plutôt de repères aux
différents publics.
Il me semble donc que nous ne pouvons guère éviter de
replacer le chef-d’œuvre dans une perspective historique
plus longue, avec au moins trois axes ou modèles: 1 – le chefd’œuvre initiatique qui installe l’artiste dans le métier, corporation ou académie, 2 – le chef-d’œuvre comme manifeste
moderne qui fait rupture, 3 – un chef-d’œuvre médiatique
produit par le marché et les médias et qui échappe en quelque
sorte à son créateur. Si nous développions ces trois catégories,
il me semble que nous pourrions aboutir à l’idée qu’il y a permanence des trois à travers l’histoire. Mais commencer par
une typologie pourrait installer plus solidement notre thème
qui, sinon, pourrait passer pour opportuniste.
Par ailleurs, j’ai l’impression que si, en concourant pour
le Prix de Rome par exemple, on avait bien conscience de
s’atteler à la réalisation d’un chef-d’œuvre, il y a de nombreux
cas où l’intention est moins nette.
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7
Je pense que notre relation au chef-d’œuvre dépend de
notre relation à l’histoire et peut-être plus généralement à
l’existence. Certains d’entre nous sont plutôt révolutionnaires
et bornent les durées par des ruptures. D’autres voient davantage la permanence, une sorte de fixité du temps, et ils envisagent ruptures et révolutions comme des accidents. Pour les
premiers, les chefs-d’œuvre ont un rôle fondateur, pour les seconds l’essentiel se joue ailleurs que dans ces moments singuliers. J’ajoute que l’expérience de l’art m’a amené à passer d’un
« camp» à l’autre. Est-ce que ce dernier point mérite qu’on s’y
arrête ? N’est-ce pas trop général?
Bon, j’arrête là, mais encore une fois ton idée me paraît
très féconde. Je ne sais pas encore comment nous pouvons organiser tout cela, mais je sens que c’est une clé qui peut ouvrir
bien des portes, entre autres celles qui grincent un peu ou qui
demeurent fermées depuis trop longtemps…
À plus,
Joe.
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2
Ces derniers temps, le désir d’œuvres vraiment grandes est devenu
moins fort. C’est ainsi que Hitler un film d’Allemagne, de Hans-Jürgen
Syberberg, non seulement nous intimide en tant qu’œuvre extrême,
mais nous déconcerte comme un enfant non désiré en un temps de
stagnation démographique. Le modernisme qui mesurait ses succès à
l’aune grandiose des buts assignés à l’art par le romantisme (sagesse,
salut, subversion ou révolution culturelle)s’est vu dépassé par un de ses
avatars impudents, qui a autorisé la diffusion des goûts modernistes
à une échelle qu’on n’aurait jamais imaginée. Dépouillé de sa stature
héroïque, de sa prétention à incarner une sensibilité antagoniste, le
modernisme s’est révélé étroitement compatible avec l’éthos de la
société de consommation développée. Le mot «art» recouvre maintenant une immense variété de satisfactions: il recouvre la prolifération
sans borne de la satisfaction même et sa dévaluation.
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«Les romantiques considéraient tout grand art comme une forme
d’héroïsme, une rupture ou un dépassement. À leur suite, les adeptes
des modernes exigèrent que les chefs-d’œuvre fussent, chacun à leur
façon, quelque chose d’extrême : de définitif ou de prophétique, ou
les deux à la fois. C’était un jugement typiquement moderne que
Walter Benjamin énonçait quand il faisait remarquer, à propos de
Proust: “Toutes les grandes œuvres littéraires fondent ou abolissent
un genre.” Quel que soit le nombre de ses précurseurs, une œuvre
n’atteint vraiment à la grandeur que si elle donne l’impression de
rompre avec un ordre ancien, d’effectuer une manœuvre vraiment
dévastatrice, même si elle est salutaire. Une telle œuvre élargit le
champ de l’art mais complique également l’entreprise artistique en la
chargeant du fardeau de nouvelles exigences critiques. Elle excite et
à la fois paralyse l’imagination.
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6
Sans être intentionnel, le chef-d’œuvre relève souvent du possible, du coup de chance
quasi inexplicable : on comprend après coup qu’une œuvre se
distingue singulièrement des autres, qu’elle éclaire de manière
saisissante ce qui la précède et ouvre ainsi des perspectives
nouvelles. Si on peut dire que les Demoiselles d’Avignon et
Guernica sont les chefs-d’œuvre voulus comme tels de Picasso,
quel est le chef-d’œuvre de Cézanne, ou celui de Van Gogh?
Dans le doute, notre époque choisit toujours les plus chers! Ce
n’est utile que pour le marché et le tourisme, mais on ne peut
que constater que ces artistesse sont passés de chefs-d’œuvre.
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3
.Au milieu de tant de sollicitations, cela semble un exploitrétrograde, une forme naïve de
réussite, que de donner naissance à un chef-d’œuvre. Toujours improbable (comme l’est une mégalomanie justifiée), le Grand Œuvre est de
nos jours devenu proprement incongru. Les satisfactions qu’il nous
offre sontimmenses,solennelles et contraignantes. Il veut absolument
que l’artsoit vrai et passeulement intéressant; qu’ilsoit une nécessité,
et passeulement une expérience. Ilrapetisse les autres œuvres etlance
un défi à l’éclectisme facile du goût contemporain. Il jette son admirateur dans un état de crise.
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