Il est pénible de penser que, pour avoir la paix, il faut être craint.
LA FAMILLE DE PASCAL DUARTE.
Les choses ne sont jamais ce que nous les imaginons à première vue ; il suffit parfois de les voir de près, de commencer à y travailler, pour y découvrir des aspects si étranges, si inconnus même, qu'ils nous font perdre jusqu'au souvenir de notre idée première.
LA FAMILLE DE PASCAL DUARTE.
La tragédie vient aux hommes sans en avoir l'air, à pas de loup ; et soudain nous recevons son coup d'aiguillon, traître comme celui des scorpions...
Au malheur, nul ne s’habitue, croyez-moi, nous gardons toujours l’illusion que le mal présent est le dernier, puis, avec le temps, nous finissons par comprendre — et avec quelle tristesse! — que le pire est encore à passer…
(Points, p.83)
-Quelle époque, n'est-ce pas, Martin?
-Oui, Filo, quelle époque? Mais les choses s'arrangeront, tôt ou tard.
-Tu crois?
-N'en doute pas. Le progrès, c'est fatal, impossible à arrêter, c'est quelque chose qui a la force des marées.
La mauvaise herbe a la vie dure, comme le veut le proverbe, et, sans vouloir dire par là que Rosario était mauvaise (sans mettre non plus la main au feu pour soutenir qu'elle était bonne), il est de fait qu'après avoir pris les décoctions recommandées par Mme Engracia elle n'eut plus qu'à patienter pour retrouver la santé et, avec elle, la force et la beauté.
Elle n'en devint pas meilleure pour autant. Comme mes parents, pour une fois d'accord, se réjouissaient, la rusée commença à faire le pirate ; elle s'emplit la besace avec nos quelques économies et, sans plus de révérences, partit à l'anglaise, s'envolant cette fois pour Almendralejo. [...] C'est à Almendralejo qu'elle connut l'homme qui devait faire sa ruine ; non celle de sa réputation, déjà fort délabrée, mais celle de sa bourse, le seul bien dont elle dut tenir compte, puisque le reste était perdu.
Je laissais mon chagrin mourir avec le temps, comme les roses coupées, protégeant mon silence comme un trésor, pour souffrir le moins possible.
La lutte pour la vie, disait mon père, était très dure et il fallait se préparer à l'aborder avec les seules armes capables de nous faire triompher, les armes de l'intelligence.

Ma mère ne devait pas non plus pleurer la mort de son fils ; il aurait mieux valu qu'elle restât stérile, puisque son cœur était si dur qu'elle n'avait pas de larmes pour le malheur de son enfant. [...] La femme qui ne pleure pas est comme la fontaine qui ne donne pas d'eau, qui ne sert à rien, ou comme l'oiseau du ciel qui ne chante pas, à qui Dieu pourrait, s'il voulait, retirer les ailes, parce que la sale bête n'en a plus besoin.
Je me suis demandé souvent et, pour dire vrai, je me demande encore maintenant comment j'avais cessé de respecter ma mère et comment j'avais perdu, au long des années, l'affection et même la retenue qu'elle m'inspirait. J'y ai pensé beaucoup, afin de préciser mes souvenirs et de savoir à quel moment elle avait cessé d'être une mère en mon cœur, et à quel moment aussi elle était devenue mon ennemie. Une ennemie enragée, car il n'est pire haine que celle du même sang ; une ennemie qui épuisait tout mon venin, car il est plus facile de haïr l'être à qui l'on ressemble, d'une ressemblance détestée. J'y ai pensé beaucoup, sans rien éclaircir du tout.
Un chat se faufile entre les tables, un chat gris, luisant; un chat plein de santé et d'euphorie; un chat gonflé d'orgueil et de présomption. Il se fourre entre les jambes d'une dame et la dame sursaute.
- Chat du diable! Allez coucher!
L'homme à l'histoire sourit avec douceur.
- Mais, Madame, ce pauvre chat! Quel mal vous faisait-il donc?