Dans cette perspective, l’arc temporel du changement dans le cours de l’évolution dépend d’une seule et même téléologie guerrière : la lutte et la survie des espèces. Ces récits perdent ainsi en chemin toute trace des corps particuliers et des différences locales et éphémères. Les pratiques n’appartenant pas au domaine de la reproduction ou de la survie, y compris les improvisations des organismes et les expérimentations ludiques, sont effacées de la mémoire de l’évolution. Considérées comme non pertinentes, les grandes échelles de temps les absorbent.
Les comportements des plantes et des insectes sont désormais fondés sur des modèles déterministes qui réduisent les interactions entre espèces à l’action de “gènes égoïstes“ chargés de réduire la dépense d’énergie d’un organisme tout en maximisant sa capacité de reproduction au bénéfice de la survie de l’espèce à long terme. Ces approches néodarwiniennes dominent le champ en plein essor de l’“écologie chimique“.
Les expériences multisensorielles et incorporées de Darwin nous fournissent l’occasion d’explorer la puissance involutive (involutionary momentum) à travers une écologie affective qui inclut aussi le chercheur.
Leur théorie de l’évolution est fondée sur une écologie affective communautaire moins façonnée par les lignées généalogiques et les filiations que par les associations rhizomatiques et imprévisibles, par des sauts inopinés au travers des lignées d’espèces.