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Citation de Desimoni


Quand j'étais petit et que je posais des questions sur les nuages, mon père me les décrivait comme des bateaux navigant dans le ciel. Plus tard, il m'a expliqué qu'en fait c'étaient des gouttelettes d'eau en suspension dans l'air et cela a transformé complètement ma façon de voir les nuages. Mais peut-on dire qu'une vision a effacé l'autre ? Non, je dirais plutôt qu'elles coexistent et s'enrichissent mutuellement. Voir les nuages à la façon du météorologue n'empêche en rien de voir les nuages à la façon du poète.

(…)

À quelle connaissance pouvons-nous nous fier ? Pourrons-nous jamais être certains que ce que la science nous dit du monde est vrai ? On peut espérer qu'une théorie « finale », enfin exacte jusqu'au dernier détail, sera formulée un jour. Mais ce rêve me semble futile, ou en tout cas prématuré : l'étendue de ce que nous ignorons encore est immense et les problèmes ouverts en physique théorique sont tellement fondamentaux que je ne crois pas la fin du chemin toute proche.

Alors, pourquoi la science serait-elle crédible ? Non parce qu'elle nous dit des choses certainement vraies, mais parce que ses réponses sont les meilleures que nous ayons pour le moment. Et ce presque par définition : si une réponse meilleure apparaît, c'est cette réponse qui sera« scientifique». Ainsi, la physique de Newton était LA science jusqu'au XXe siècle. Mais quand Einstein a rédigé une meilleure théorie, où l'espace est courbe, le temps variable, et la lumière faite de photons, la sortie du « newtonisme » n'a pas été considérée comme la fin de la science. Bien au contraire, Einstein est un scientifique remarquable.

Si la médecine tibétaine enseigne qu'une certaine plante, ou une certaine technique, ou un certain comportement du médecin aident la guérison, et si l'efficacité de ce soin est vérifiée empiriquement, le soin tibétain devient partie intégrante de la médecine « scientifique ». Plusieurs de nos médicaments ont ainsi une origine extérieure à la culture occidentale et sont devenus des thérapies reconnues.

La pensée scientifique est consciente de notre ignorance. Je dirais même que la pensée scientifique est la conscience même de l'étendue de notre ignorance et de la nature dynamique de la connaissance. C'est le doute, et non pas la certitude, qui nous fait avancer. C'est là, bien sûr, l'héritage profond de Descartes. Nous devons faire confiance à la science non parce qu'elle offre des certitudes, mais parce qu'elle n'en a pas. Je ne sais pas si l'espace est « vraiment » courbe, comme le veut la relativité générale, mais je ne connais pas, aujourd'hui, de façon d'envisager le monde physique plus efficace que de penser l'espace comme courbe. Les autres visions du monde ne rendent pas aussi bien compte de la complexité du monde. Mais l'obsession de la science à remettre toute vérité en question ne mène pas au scepticisme, ni au nihilisme, ni à un relativisme radical pour autant. Seulement à la conscience du fait que les connaissances évoluent.


Carlo Rovelli
Et si le temps n’existait pas ? pp. 63-65
Dunod - 2014
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