C’est pour cette raison que j’ai toujours mes écouteurs dans mon sac et que je porte très souvent mes cheveux détachés. Il faut bien que ma « chevelure » serve à quelque chose ! Mes cheveux sont assez inutiles en fait. Ils sont fins, très fins, et tombent sur mes épaules collant à mon crâne et à mes joues. D’après mon amie d’enfance, Lily, ils sont « plats » et je devrais songer à aller chez le coiffeur pour obtenir un peu plus de « volume ».
Lily a toujours une idée sur la manière dont je devrais faire les choses. En réalité, elle a toujours une idée sur la façon dont tout le monde devait faire les choses. Le plus fou c’est que, la plupart du temps, les gens l’écoutent et boivent ses paroles comme si elle était le Messie. Enfin… un Messie ayant pour Bible les chaînes des YouTubeuses beauté.
« Lily elle est comme le soleil. Elle vous éblouit et vous brûle à la fois. Les gens qui s’approchent trop près d’elle sont aveuglés. Et moi, je reste invisible. Je suis trop proche de sa lumière. »
J’ai besoin qu’on me laisse vivre la vie que je désire. J’ai besoin qu’on arrête d’assassiner mes rêves.
« This is how we do to kill stars »
« Voilà comment nous tuons les étoiles »
Je ne sais pas s’il souffre de sa rupture avec X. Il n’en parle jamais. Enfin, disons, pas devant moi en tout cas. Peut-être qu’il en discute avec X. Parfois, j’ai l’impression que le fait de se jeter à corps perdu dans notre projet est une échappatoire pour lui. Une façon d’étouffer sa douleur. Parfois, quand son regard devient lointain, je crois apercevoir la silhouette de X danser dans ses prunelles. Mais peut-être que ce n’est pas ce souffrance qui transparaît dans ces cas-là.
Juste la mienne.
Il fixe toujours le sol et je suis heureuse qu’il ne puisse pas voir que j’ai pâli. Ses mots sont venus heurté mon estomac. Ses mots m’ont coupé la respiration, l’espace d’un instant. Ils ont jeté du sel sur une plaie encore à vif.
Oui !
Voilà ce que j’ai envie de lui hurler. Oui, c’est de ta faute si je suis fâché avec Lily. Oui, c’est parce qu’elle peut capturer ton souffle entre ses lèvres et glisser son visage dans le creux de ta nuque.
Oui. C’est toi.
Non. Je ne peux pas faire poireauter X trop longtemps. Alors, je tire la chasse et me drape dans ma dignité – qui est en lambeaux, il faut bien l’avouer – avant d’ouvrir la porte pour tomber nez à nez avec Léa et sa meute hyène. La peste Pâlit en apercevant ma silhouette dans le miroir.
Mais sa culpabilité ne dure que le temps d’une respiration, puisqu’elle jette un regard complice ses copines. Elles se mettent à rire aussitôt, comme les dindes qu’elles sont.
Soudain, je les vois.
Et le monde se fêle de nouveaux.
Mon sourire se fane et c’est comme si la nuit chassait le jour naissant. L’obscurité reprend ses droits sur mon esprit vacillant. Et l’aube blême se retire sur la pointe des pieds.
Un peu à l’écart des autres Lily et X s’embrassent à en perdre haleine. X s’enivre du souffle de Lily. Ses mains se perdent dans sa chevelure lumineuse. Ses mains s’agrippent à elle, comme un drogué s’accroche à sa dose.
– Je suis désolé, Clara. T’as raison. C’était pas cool du tout de rien te dire ! Tu m’en veux ?
– D’après toi ?
– OK. Sur une échelle qui va de la mort de Ned Stark à celle d’Oberyn, tu m’en veux à quel point ?
– Pense plutôt aux Noces Pourpres.
Théo se fige en entendant ma réponse. En bon fan de Game of Thrones, il sait à quel point les Noces Pourpres ne sont pas à prendre à la légère.
En temps normal, c’est une de mes matières préférées. Vous savez, l’une de celles où on vous fiche la paix et où on vous laisse bosser sur des projets qui vous tiennent à cœur. Mais aujourd’hui, mon esprit se balade dans une galaxie lointaine, très lointaine. Non, pas celle peuplée de Jedis ! La mienne est habitée de guitaristes. Un en particulier…
Des larmes commencent à dévaler le long de mes joues et à glisser vers mon menton. Mais, étrangement, cela me donne juste la sensation que ma souffrance s’écoule en même temps que ces pleurs, comme si j’en avais besoin pour me libérer de toute cette peine. Comme si cette obscurité, qui me nouait la gorge, était chassée par mes sanglots.