Carole Choquet

Ils ne le savaient pas, mais ils étaient observés. L’homme reposa ses jumelles et sourit : « Pas besoin, d’aller bien loin, cette fois-ci », songea-t-il.

Sans s’émouvoir, l’homme continua à abattre la ceinture.
Le dos et les fesses de l’enfant ne tardèrent pas à devenir rouge vif, striés de blessures profondes et ensanglantées, dues à la boucle de la ceinture.
— C’est pour ton bien que je fais ça, fils. Pour que tu deviennes un homme, un vrai. Pas une mauviette. Tu comprends ?
Les larmes et la douleur empêchèrent l’enfant de répondre. Et même, qu'aurait-il pu répondre ?

Elle se tourna vers la droite et vit Julien trotter en direction d’une surface bleue qui était de l’eau. De l’eau… DE L’EAU ? Elle poussa un cri et courut dans la direction de son petit garçon. Cela parut lui durer une éternité, mais elle le rattrapa par le bras. Elle s’accroupit et le tint serré contre elle.
Florian arriva à ses côtés. Il était rouge et essoufflé. Il avait dû courir, lui aussi.
— Tout le monde va bien ? demanda-t-il, d’une voix légèrement effrayée.

Tandis que sa fille ainée s’exécutait, elle regardait ses deux fils, se demandant comment ces deux-là pouvaient être frères et être aussi différents. Alexandre avait 6 ans et demi, cheveux courts et bruns, intrépide, toujours à faire des bêtises, l’exact opposé de Julien, 5 ans, de grands yeux bleus et une tignasse blonde toute bouclée. On pouvait le poser dans un coin et l’oublier, il ne dirait rien, mais il se laissait souvent entraîner par son frère.
— Surtout, ne vous éloignez pas trop. Virginie, ma chérie, je compte sur toi.

Il la traquait depuis un moment déjà, cela faisait des jours qu’il suivait ses moindres faits et gestes. Il connaissait toutes ses habitudes.
Il la regardait actuellement discuter avec sa meilleure amie, passer du bon temps avec elle, avant qu’elle ne parte en Bretagne, comme il l’avait compris au téléphone. C’était aussi leur dernier jour de cours avant les grandes vacances. Forcément, elles étaient heureuses.
Mais un jour, elle sera à lui. Il saura se montrer à la hauteur et surtout, patient.

Parfois, je me demande ce qu’elles peuvent se dire ainsi pendant des heures. Je me redirige vers Audrina et Maélys, m’attendant à entendre des cris, mais j’ai tort : je les vois calmement jouer toutes les deux. Audrina aurait-elle pris de bonnes résolutions ? Possible. Je me fige, croyant entendre des bruits un peu plus loin. Non, rien. J’ai dû me tromper. Je me dirige vers mes deux amies pour continuer de m’amuser avec elles. Ces dernières semblent n’avoir rien entendu.

L’homme baissa le pantalon de son fils pour laisser apparaitre ses fesses, essuya sa main qui en était imprégnée d’urine sur le mouchoir en tissu qu’il avait dans sa poche, renifla bruyamment, essuya sa morve d'un mouvement brusque du bras et retira la ceinture de son pantalon. Il l’étira devant lui et d’un geste brusque et précis, l'abattit sur l’enfant avec force, le regard comme possédé, tant la rage y était imprégnée.
Le garçon hurla de douleur.

— Non, pitié, papa… Je t’en supplie !
— Tu sais très bien que je déteste qu’on me supplie. Tu n’es pas une fille ou une tapette pour faire ça, si ?
Sans ménagement, il attrapa le bras de son fils et le tira hors du placard et le jeta au sol.
L'urine avait commencé à imprégner le bois du meuble et plusieurs filets jaunes suivirent le trajet de l'enfant.
Le garçon se recroquevilla en pleurant doucement.
— Quinze coups !
La sentence tomba rudement et les sanglots redoublèrent.

— Ah, mais tu pues ! Tu t’es pissé dessus ou quoi ? Mais oui, tu as pissé, y’a une flaque sous toi ! Mais qu’il est con, ce môme. J’ai honte de toi. Tu mérites vraiment une bonne correction.

Il se tut un instant pour reprendre sa respiration, il crut entendre un bruit. Oui, aucun doute, c'était bien un reniflement et ça venait du placard. Il ouvrit violemment la porte et vit son fils tout recroquevillé. Il eut un moment de recul en sentant l’odeur.

La porte de sa chambre s’ouvrit avec fracas et l’homme apparut…
— Où tu es ? Jérôme ! Montre-toi tout de suite ! Plus j’attends et plus ma colère monte ! Je te préviens ! Tu vas la sentir passer, cette raclée, si tu ne te montres pas tout de suite !

Ce n’était pas sa faute s’il avait cassé la charrette. Sa trajectoire avait été déviée par un trou et tout le chargement était parti sur le côté. La roue était alors sortie de son axe, avait roulé et il était impossible de la retrouver…

L'enfant n'en menait pas large, il savait son père très proche et il était trop tard pour changer de cachette. Il étouffa un sanglot.

Arrivé à l'étage, il alla dans toutes les cachettes habituelles, sans parvenir à mettre la main dessus. Avait-il décidé d'innover, pour une fois, ce gosse ?
Cela dit, il n'était pas encore allé dans la chambre de ce petit morveux.
Il s'y dirigea à grandes enjambées.

Blotti dans un coin de son armoire, le petit garçon brun aux yeux marrons, âgé de 8 ans, tremblait de tous ses membres frêles.
Pour couronner le tout, il avait fait pipi sur lui en entendant son père hurler. Il n’avait pu empêcher l’urine chaude de s’écouler et ça sentait très fort. Il mit son nez sur son gilet troué pour atténuer l’odeur, mais rien n'y fit. Il pleura doucement en entendant les marches en bois grincer…

— Je… Je ne sais pas… Aucune idée… Mais calme-toi.
— LA FERME ! C’est pas possible, je suis entouré d’incapables, dans cette baraque !
— Cal…
— La ferme, j’ai dit ! Et je parle de mon paquet de clopes, aussi ! Il est où ?
— Sur la table du salon.
— Voilà, au moins, là, tu sers enfin à quelque chose !
Il récupéra le paquet et s’en alluma une.
Puis, une fois qu'il eut fini, commença à gravir les marches en bois qui conduisaient à l'étage.

En ouvrant la porte de la cuisine, il tomba nez à nez avec sa femme qui nettoyait un récipient et qui prit peur en le voyant dans un tel état de colère. Il la poussa sans ménagement. Il fulminait :
— Où il est ? OU IL EST ? finit-il par hurler.
— Mais… De qui tu parles ?
— De Jérôme, bon sang !
— Je… Je ne sais pas… Aucune idée… Mais calme-toi.
— LA FERME ! C’est pas possible, je suis entouré d’incapables, dans cette baraque !

Tremblant de rage, au comble de l’énervement, il serra et desserra les poings. Il tournait en rond.
Pour se calmer un peu, il décida de s'en griller une. Il farfouilla dans les poches de sa salopette de travail, sans trouver le paquet de clopes qu’il était persuadé d’avoir pris.

L’homme grand, tout en muscle à force de travailler dehors depuis de nombreuses années, aussi bien pour entretenir son jardin que pour son travail de menuisier, était rouge de colère.
Énervé, il ouvrit chaque pièce de la grande maison, sans pour autant arriver à mettre la main sur le gosse.
Il s’immobilisa un instant, indécis, et se gratta le dessus de son crâne chauve, perplexe. Où était-il ?

— Mais t’as fait quoi, encore, sale mioche ?! C’est pas possible d’avoir un gosse aussi incapable que toi, bon à rien ! Même pas capable de faire un travail correctement sans tout casser ! Comment je vais faire pour travailler, maintenant ?! Et où il est encore passé, ce p’tit morveux ?!