Citations de Carole Trébor (184)
Personne ne peut nous empêcher de croire en ce qu’on veut
Car pour moi ce soir, à part lui, rien n'existe.
Je croise son regard et n'y vois qu'une bienveillance infinie. Une putain de bienveillance dans les yeux d'une meurtrière. Je me sens inondé d'une immense gratitude. Cette fille n'était pas destinée à tuer des soldats. C'est le monde qui a fait d'elle une tueuse.
Ce ne sont pas les murs qui font une belle maison, mais l’accueil que l'on y reçoit.
Je ne te dis pas qu'on va construire d'un claquement de doigts un monde qui nous convienne. Mais au moins, on essaye d'être autonomes, de s'en sortir, de gérer un peu tout ce merdier, parce que, après tout, on ne les connaît pas, les adultes qui ont survécu, les soldats, les politiques qui ont bénéficié d'une protection spéciale.
- À quoi rêves-tu, Gromislav ?
- Je rêve souvent que je suis un oiseau, sourit le gros géant, lourd comme mille éléphants.
- Alors la Terre sera ton œuf, lui dit le dieu. Et tu vas la couver.
Mon couteau ne vibre pas malgré ma peur. C'est bon signe, ça m'apaise. C'est dingue, j'ai l'impression parfois qu'il est vivant et qu'il me transmet ses impressions : s'il vibre et chauffe, je suis en danger. S'il reste tiède, tout va bien. Il faut que j'arrête de délirer. Je vais devenir folle, je me comporte comme une sorcière du Moyen Age avec ses bibelots magiques.
Il lui révéla comment Icare s’était approché trop près du soleil et comment les ailes que lui avait si patiemment confectionnées son père avaient fondu, entraînant sa chute dans la mer, où le héros s’était noyé. Le message de cette histoire fit écho en elle. Elle ne parvenait pas à saisir la raison pour laquelle il lui laissait une si forte impression. Puis elle se souvint que leur mère les avait mis en garde à de multiples reprises : ‘Faites attention à ne pas vous brûler les ailes’. Elle le répétait surtout à Horace, qui rêvait d’aviation à longueur de journée. Elle insistait car, à sa connaissance, il n’y avait aucun aviateur noir. De telles aspirations pouvaient faire beaucoup de mal à son fils aîné, en l’entraînant dans des combats vains où il risquait de voir ses espoirs partir en fumée.
En tant que femme, elle avait combattu, par la seule force de son esprit, le refus des hommes de lui accorder la place qu'elle méritait ; en tant que scientifique, elle avait combattu, à travers ses prouesses, le dénigrement de ses recherches par des ingénieurs injustes ; en tant que Noire, elle avait combattu, de toute sa dignité, le rejet et le racisme des Blancs. Il était impossible de bailloner son esprit, comme il avait été impossible de lui barrer la route jusqu'à la Lune.
Je n’arrive pas à trouver les mots pour parler de la catastrophe. Je bute sur les termes exacts. J’arrive à les penser, pas à les dire : filovirus, U4. Parce que désormais ils incarnent quelque chose qui existe vraiment. Une vérité inacceptable, que j’ai évitée jusqu’à aujourd’hui. Je me souviens de ma terreur devant les chiffres et les termes scientifiques à la télévision. De ma terreur et de mon refus absolu de cette réalité-là. Alors, ils sont morts ? C’est ça que j’ai refusé. Ils sont tous morts. Est-ce que je pourrai l’accepter un jour ? Est-ce que je pourrai vivre ? Tous morts. Sauf nous, les adolescents, et quelques militaires. Tous morts. Et nous, on est là, réunis dans cette fosse, quatre existences dévastées.
Le pire, après la puanteur et le silence entrecoupé des cris des charognards voraces, c'est l'immobilité absolue de tout ce qui vivait. La vie, c'est le mouvement, et de mouvement, il n'y en a plus. Hormis les tourbilons d'oiseaux noirs et les cavalcades de rats gris.
Il faudra changer pour pouvoir continuer à vivre, t’adapter. Ne te contente pas de survivre, vis.
C'est incontrôlable, comme un fou rire en cours de maths.
"Alors, ils sont tous morts ? C'est ça que j'ai refusé. Ils sont tous morts. Est-ce que je pourrai l'accepter un jour ? Est-ce que je pourrai vivre ? Tous morts. Sauf nous, les adolescents, et quelques militaires. Tous morts. Et nous, on est là, réunis dans cette fosse, quatre existences dévastées." (P300)
Le manque me tue, c’est injuste, on n’a pas le droit de séparer des enfants de leurs parents, même s’ils ont trahi leur patrie. Surtout que maman n’a trahi personne.
"J'ai envie de le tuer pour tuer ma peur, mais je vois sa peur à lui, dans ses yeux. Nous sommes pareils lui et moi. Des pauvres mecs paumés, qui ont perdu toute leur famille en trois jours. Et qui survivent comme ils peuvent."
Ca me fait du bien de me moquer des mes problèmes de poids, c'est la première fois que j'y parviens avec autant de légèreté - c'est le cas de le dire. Et il n'y a que de la bienveillance dans les yeux de Maïa.
Je suis moins complexé qu'avant,
d'ailleurs peut-être que je m'affine, à force de moins manger,
de m'agiter toute la journée, de ne plus être figé devant un écran.
Je commence à ressembler davantage à un déménageur baraqué qu'à un geek boulimique.
Lorsque les hommes adorent des dieux quels qu'ils soient, j'ai peur qu'ils ne perdent dans un excès de frénésie leur faculté de penser. J'ai peur qu'ils ne perdent leur liberté...
Quelle valeur à la liberté dans ce monde, maintenant qu'il faut absolument et définitivement affronter l'inacceptable
[ Moscou, 1948 ]
- Nina, ta mère savait qu'ils allaient l'arrêter.
- Elle ne m'a rien dit !
- C'est pour te protéger qu'elle n'a rien dit. Le musée d'art qu'elle dirigeait a été liquidé. Elle a refusé d'obéir aux ordres du dirigeant de la Culture soviétique, elle a défendu les oeuvres et les artistes français. Elle a été accusée de propagande anti-soviétique, pro-occidentale.
- Qui l'a accusée ?
- Elle a été dénoncée par une collègue qui voulait récupérer les bâtiments du musée pour y mettre une Académie des Beaux-Arts.
- Une Académie pour des étudiants d'art ?
- Ils veulent nier l'existence des courants d'art étrangers, effacer des pans entiers d'histoire. (...) Ta mère a refusé de calomnier les impressionnistes et les autres artistes occidentaux.
(p. 24)