" Parce que j’ai la taille dé ce que je vois / Et non, la taille de ma stature."
Fernando Pessoa ("Le livre de l’intranquiliIté, volume 2, p 92).
(page 141)
Je ne peux, à ce stade de mon récit, passer sous silence ces délices verbaux recueillis jeudi par Vidocq et Canler, poétisés par Balzac et Hugo, cette façon d'arranger les expressions, de les cabosser, de les tordre, de les voler à notre bon françois. L'argot ôte sans vergogne le "poli politesse" aux mots pour les rendre matières, textures, tissus, veines, raclées, caresses, baisers, trahisons. Cette poétique qui fond le masculin dans le féminin et donne du sexe à tout ce qui palpite, qui rend surréalistes les discussions et pique les mots du dictionnaire académique pour créer sa propre respiration, a le mérite de n'avoir jamais souhaité neutraliser le français.
"Oui, Alfred l’aimait et cela se déclara simplement avec la naïveté relative à des premières amours naissantes, sans péril apparent. Mais un jour, les deux ingénues sortirent du pensionnat. Fleurette revit donc son amie et le frère de son amie
lors d’un après-midi thé puis d’une balade au bord de l’eau puis d’un dîner, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne fût plus possible de se quitter. De regards expressifs en billets doux échangés, l’Alfred aux longs cils noirs donna un premier rendez-vous à celle qu’il disait respecter, et de rendez-vous galants en rendez-vous qui l’étaient déjà un peu moins, la Fleurette tomba enceinte. Les premières semaines furent consacrées à ne pas y croire mais, enfin, il fallut se rendre à l’évidence : Fleurette portait dans son sein le fruit de sa faute. Qu’allaient dire les parents ? Les parents n’en surent rien car Fleurette prit le parti le plus déchirant. Alfred allait monter dans la capitale pour entamer des études de droit, il lui proposa de le suivre, elle accepta et s’enfuit sans même embrasser père et mère, elle abandonnait tout."
Fleurette est bien un agent de police, une jeune femme intègre formée certes à un métier dit d'homme mais qui jamais, aux dires de Canler, ne démérita.