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4.4/5 (sur 5 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Titulaire d'une maîtrise de lettres classiques, elle a enseigné quinze ans comme institutrice, puis comme documentaliste en collège, avec le rêve fou de faire partager à ses élèves sa passion de la lecture. Depuis quelques années, elle se consacre à l'écriture et s'engage auprès du réseau éducation sans frontières. Mariée, mère de quatre enfants, elle a vécu au Mexique, en Indonésie

Source : http://jeunesse.bouquineo.fr/livre/caroline-cordesse/
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Bibliographie de Caroline Cordesse   (2)Voir plus

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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Pour rentrer à la maison, Roseline pourrait traverser le terrain vague. Rien ne l’interdit. Du moins quand la terre est sèche. Il vaut mieux éviter de rentrer les pieds crottés et les habits constellés de boue. Après Maman rouspète, on croit peut-être que ça l’amuse de passer ses journées à briquer la maison et faire la lessive, ah si elle avait eu la chance d’avoir un métier, travaille bien à l’école, ma fille, si tu ne veux pas te retrouver à faire la boniche pour des enfants qui ne respectent même pas ton travail, évidemment si on avait les sous on achèterait une de ces nouvelles machines à laver qui libèrent la femme, sans compter le danger, tiens, le petit dernier de Mme Cornet a eu le bras tout ébouillanté par des éclaboussures, va plutôt manger ton goûter dans le jardin, je t’ai beurré une tartine, prends deux morceaux de sucre dans le buffet, j’ai dit deux, et ne traîne pas pour les devoirs…
Roseline aime bien sentir la maison emplie par l’odeur du linge qui bout dans la grande lessiveuse en zinc. Il faut touiller de temps en temps pour enfoncer le linge qui se débrouille toujours pour revenir former à la surface de grosses bulles de tissu.
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C’est alors que je l’ai reconnue. Cette joie intense. Ton visage, tes yeux brillant sur moi seule, et le fond qui tournoie. C’est une valse. La musique tourbillonne dans nos veines. Transfusée de tes veines à mes veines, de ta peau à ma peau. Nous valsons enfiévrés et le monde chavire. Nos rêves se frottent, se confondent éblouis. La vie s’étale devant nous, toutes les maisons nous attendent, mystérieuses, peuplées d’enfants inconnus, tous les jardins, tous les paysages inexplorés, je les lis dans les fenêtres ouvertes de tes yeux, sur la courbe tendre de ta joue, sur la fossette qui ponctue tes lèvres douces.
Ressurgissent en vrac de la ligne grise du temps, des fulgurances effacées – promenade rose et verte dans les bruyères ; ta main chaude sur la mienne ; la combe de notre lit ; soie de ton cou sous ma bouche ; le miracle partagé des
naissances ; le vin pétillant des révoltes. L’écheveau de nos vies emmêlées, tricotées patiemment point à point, avec ses mailles sautées, ses effilochures, ses fils perdus par inattention et ses dessins fabuleux.
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Les jours rallongent. Désormais, dès les premières heures
du matin, la classe est emplie de lumière. Les fragrances
sucrées des fleurs d’acacia venues de la cour de récréation
font oublier l’haleine rance du terrain vague. On se sentirait
plus légère sans le passage obligé de la chasse aux poux.
Zohra attend docilement, les yeux résolument baissés vers
le plancher de l’estrade.
Roseline ne peut pas, préfère ne pas… Elle profite de
l’inattention de la maîtresse pour écraser sa joue gauche sur
ses bras croisés et regarder dehors. Le terrain vague semble
lui aussi sortir d’un long assoupissement. La brise légère
chatouille les touffes d’herbe qui poussent avec une vigueur
nouvelle là-bas, sur l’estrade, les doigts ont repris leur
crissement entêtant.
La terre se couvre d’un pelage frémissant, étoilé des
taches jaunes des pissenlits et des points bleu tendre des
myosotis, qui sont comme des éclats du ciel lisse.
Zohra gémit faiblement.
– L’hygiène, c’est l’hygiène, martèle la voix pincée de la
maîtresse.
Roseline colle sa paume droite sur son oreille, elle écoute
le sang battre dans sa main. Elle suit le voyage d’un petit
nuage de coton qui frotte l’immensité du ciel.
Roseline, un peu de tenue, tout de même. On n’est pas
dans une étable !
Roseline se redresse à regret. Avale sa salive. Reprend sa
posture de bonne élève. Ses yeux se brouillent à force de
fixer les doigts agiles qui labourent les cheveux de Zohra.
L’image devient floue, s’éloigne. Il lui semble qu’on
farfouille dans sa propre tête, ça fourmille là-dedans, toute
une cavalcade de petites bêtes noires s’affole à l'approche
des griffes qui taillent de longues saignées indolores dans
son cerveau, gravent des signes illisibles qui écorchent sa
peau sans la toucher. Elle voudrait secouer le poids qui
alourdit sa nuque. Il y a quelque chose qui frémit dans son
ventre, un flot informe qui reflue, s’étrangle dans sa gorge,
s’arrête au bord, au bord des lèvres, et se perd faute de
trouver les mots. Ne laissant dans la bouche qu’une traînée
amère.
Là-haut, le nuage blanc s’effiloche, ayant fini de gommer
les impuretés du ciel. Mêlée aux effluves fleuris du
printemps, il flotte sur le terrain vague comme une sourde
odeur de crime.
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La porte du wagon s’est refermée comme à regret, dans un chuintement de ventouse. Coup de sifflet. Le train s’ébranle lourdement, monte en puissance, laisse dans son sillage les quais où flottent des silhouettes amorties,
uniformes dans les lourds vêtements d’hiver. Les lumières s’amenuisent. La zone de triage glisse dans la pénombre. La nuit un instant troublée par la présence incongrue des hommes replonge dans ses rêves. L’espace extérieur bascule dans une chape obscure.
Pour un instant encore. Bientôt se lèvera une aube grise. D’ici là l’obscurité n’aura été trouée que par bribes. Lumières intermittentes des cités mitant ici et là les nappes noires. Éclat vite terni d’un mas solitaire, oublié dans cette
zone incertaine entre la ville et ses banlieues. En cette saison, le jour ne pointe son nez qu’après la station suivante. On reste cantonné dans le champ hermétique du wagon, avec pour seule perspective les visages des voyageurs,
brouillés sur le fond d’encre des vitres.
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Des bruits de pas enflent dans le couloir. Blaise prend sa tête entre ses deux mains, oscille d’avant en arrière, il supplie en silence, laissez-moi du temps, remonter le temps, faire le tri dans ma tête ! Les pas hésitent devant la porte,
puis décroissent. Sursis. On représente le temps comme une flèche nette, homogène, comme si on était condamné à aller de l’avant, sans répit, sans jamais se retourner sous peine d’être pétrifié. Mais à cet instant précis, le passé ressemble à un chaos, une pelote embrouillée par la patte dédaigneuse
d’un chat. Des épisodes lointains affleurent à la surface, les plus proches sont enfouis au plus profond des noeuds. Il lui faut attraper le bout du fil, et démêler patiemment, sans s’affoler, sans s’énerver. Mais bon sang, où se cache-t-il, comment s’y prendre ? Respire, Blaise, respire calmement !
« Nom, prénom, âge, profession » Voix neutre de l’inspecteur. Odeur de tabac froid. Pour le policier, une affaire parmi tant d’autres.
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Le récit surgit en mer, non loin des côtes.
Tout commence par une image figée, un cliché.
La ligne incurvée d’un sillage reliant le bateau au rivage,
une couture entre deux espaces, un froncement infime de la
mer.
Le voyage, étrangement, s’ouvre à revers. Le dos tourné.
Une jeune femme brune, assise dans une barque, buste
pivoté vers l’arrière, visage incliné par-dessus l’épaule, le
regard fixé sur le point du rivage qu’elle vient de laisser.
Tout commence donc par une torsion arrière. Une image épurée, immobile, réduite à ses lignes de force, sous le signe de la rotation. La vrille d’un corps ponctuant la courbe blanche d’un sillage.
Le mouvement s’amorce au creux de l’écume, dans le menu bouillonné qui estompe, brouille la trace du bateau.
Au loin, alignées sur le ponton de bois branlant qui, vu d’ici, semble parallèle au rivage extrême de la crique, les silhouettes en sarong des pêcheurs du village paraissent des idéogrammes à déchiffrer.
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Il faut que je te dise. Je ne sais pas comment, comment te raconter, te raconter ça. Je t’en prie, prenons le temps. Vois-tu, il m’est arrivé quelque chose aujourd’hui. Assieds-toi donc. Tiens, prends ce coussin, tu seras mieux. Tu dois être fatigué. Profitons de l’absence des enfants. Ils s’éloignent, j’ai l’impression de me retrouver nue. Au fond, nous croyons les protéger, mais c’est peut-être eux qui nous protègent de la vie, ou de nous-mêmes, je ne sais pas… Si on se prenait un petit verre de Berlou ? Il reste une bouteille, j’aime ce petit goût de cassis. Je vais mettre ce disque de Portal, tu sais, celui où il joue en duo avec Galliano, comment s’appelle-t-il déjà ? Blow-up , ah oui, c’est ça. Ca m’arrache
les tripes, cet accordéon, pas toi ? Je ferme un peu la porte. On sera plus tranquilles. Oui, j’y viens, je te raconte. C’est difficile à raconter, à te raconter à toi…
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Le terrain vague sous la pluie prend des airs de marécage
primordial. La brume estompe les contours. Au loin, des
amas gris sombre évoquent des souvenirs flous de
constructions, de simples illusions nées d’une condensation
plus serrée. Tout l’espace est affecté de nébulisation.
L’absence de ligne verticale – arbre, pylône – où
s’agripperait le regard, ajoute à sa dissolution. Toutes
distances abolies.
La peau du sol se délaye en flaques brunes où stagne le
reflet lourd des masses nuageuses. Le ciel semble aspiré vers
le sol, drainé vers une zone indécise où l’eau, l’air et la terre
se confondent, échangent leurs substances. Seule respiration
du paysage, cette vapeur, comme une haleine, flottant
faiblement à ras de terre.
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Le nouveau maître, M. Falafut, était surnomme dans toute l'école M. Farfelu. Il est vrai qu'il ne faisait rien comme les autres. Ses élèves restaient parfois en classe pendant la récréation, ce qui horrifiait toute l'école!
C'était un vieux bonhomme tout sec, à l'air bourru, que l'on voyait rarement arpenter la cour avec ses collègues. On murmurait qu'il avait fait la guerre et en était revenu tout chamboulé.Il détestait la compétition qui pousse à écraser les autres, et l'obéissance aveugle qui avait permis le massacre de millions de personnes.
Félicien fut ébahi quand il pénétra dans sa nouvelle classe.
Cela bourdonnait comme dans une ruche. Des groupes d'élèves, disséminés dans toute la classe, discutaient entre eux avec animation, sans paraître se soucier du maître. D'autres, très concentrés, travaillaient seuls à une table. On se levait, on se rasseyait, on circulait dans tous les sens.
Pourtant le maître avait l'air tout à fait détendu. Il passait d'un groupe à l'autre, distribuant un conseil, un document, un encouragement. Son bureau inoccupé croulait dans un coin sous une avalanche de livres et de journaux.
On n'avait pas une impression de désordre ou de chahut. Il régnait plutôt une sorte d'effervescence.
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Le mardi suivant, dès que la cloche eut sonné, Vivette et Félicien prirent en filature la mère de Fatoumata.
Cachés dans une entrée d'immeuble, ils la virent ressortir de chez elle, après avoir déposé ses enfants. Elle s'était habillée de sombre et portait un panier, couvert d'une étoffe. Elle marchait d'un pas pressé, se retournant de temps à autre, comme si elle soupçonnait qu'elle était suivie.
Elle longea le bord de la rivière. Son ombre apparaissait et disparaissait tour à tour derrière le rideau d'arbres. Arrivée près du grand pont, elle se retourna une dernière fois, puis le franchit très vite et s'engouffra dans la forêt.
Vivette et Félicien restèrent pétrifiés, n'osant franchir la limite fatidique. Si leurs parents les voyaient ! Et puis cette immense masse sombre, qui les avait tant fait rêver autrefois depuis leur jardin, leur apparaissait maintenant, dans toute sa grandeur, comme un lieu sauvage et empli de mystères. Ils frissonnèrent. Vivette glissa sa main dans celle de son frère et se serra contre lui.
"On doit y aller, dit Félicien, un peu pâle."
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