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Citations de Caroline Lamarche (113)


...l’écriture manuscrite qui est à l’imagination ce que le corps est à l’amour.
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On a dit de Bruxelles qu'elle était sans génie, une ville de compromis qui cultive le chaos. On l'a dite impossible à cerner et qu'elle n'était personne, là où Paris, Berlin ou Londres sont autant de grands corps. Autrefois belle, Bruxelles s'est jetée du haut d'une de ses tours moyennes, désespérée de n'être pas Manhattan, et cela a suffi à nous la rendre tordue, habitée par le souvenir de ce suicide raté, avec le désir furieux de le rééditer. Bancals, à son image, nous survivons, et chose extraordinaire entre toutes, nous parvenons à créer, et encore : à aimer. Bruxelles, impossible à aimer, rend tout amour possible. Une sorte de compassion nous vient par la ville même, par sa mémoire qui flotte, dévastée, au-dessus de nos têtes. Elle est l'emblème d'un pays qui finira en charpie, elle est nous, notre corps en morceaux, poreux aux cris du monde, tous y sont en exil, tous veulent y rester.
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„C’est tres simple, tu le saisis par le cou, tu tires et tu tournes, tout le
monde devrait savoir le faire, on ne peut pas laisser souffrir les oiseaux. » Eh oui, c’est si simple. Et ça donne de la force de savoir le faire. Et moi je me dis que c’est dommage qu’on ne puisse pas faire ça sur soi, tout simplement. Dommage, oui, que les oiseaux comme les humains ne puissent pas choisir le moment où ça suffit, on veut partir pour de bon.
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Aux Etats-Unis, on transporte des ruches sur les champs d’amandiers pour le polliniser. À peine leur mission accomplie, on noie les arbres de pesticides : les abeilles meurent. D’où un nouveau et florissant business : la mise en location d’essaims destinés, comme les esclaves d’autrefois, à périr après la récolte. En Chine, des milliers de travailleurs debout sur des échelles caressent au pinceau les fleurs de cerisiers, les poils de martre remplaçant les pattes poudrées des abeilles. Ailleurs, on fabrique des mini-drones dont la vente aux producteurs de fruits relancera une pollinisation de plus en plus artificielle. Nous sommes devenus les serviteurs de la méchante reine Compétitivité et nous finirons, pour entretenir cet enfer maquillé en pays des merveilles, par repeindre les roses blanches en rouge.
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N'avez-vous pas l'impression que notre regard ne sera plus jamais innocent ? ai-je dit.
Du haut de sa nuque virile, le garde m'a dévisagée -ses yeux bruns dorés, ses cils longs et fournis, recourbés, presque féminins.
- Si vous voulez dire par là que la nature est toujours aussi belle mais que nous la savons malade, oui, en effet, nous ne sommes plus innocents.
Il m'a souri. Un sourire un peu triste. J'ai compris qu'il y pensait sans cesse, que malgré son activité incessante au service de la nature, la conscience du déclin planétaire ne le quittait jamais.(...)
Je m'assieds sur une chaise, me laisse tomber plutôt car tout d'un coup je pense avec accablement à notre planète en souffrance - oui, c'est le mot, ils souffrent tous, l'étang, les arbres, les insectes et les bêtes, comment en sommes-nous arrivés là ? Mes paupières brûlent de révolte, un chagrin dur qui a perdu depuis longtemps le tendre chemin des larmes..(...) Comprendre notre innocence perdue, la fin de l'époque enchantée où nous croyions la nature éternelle.(...)

Je me dis que cette région est celle où j'aimerais m'installer pour toujours. "Pour toujours" s'applique à un paysage bien plus sûrement qu'à l'amour. A un étang mystérieux frôlé par des martinets. A deux chats blancs furtifs. Aux libellules soudées. Au merle Merlin., peut-être.(...)
Dehors un chant se lève. Quelques trilles d'entrée en scène, puis un air virtuose et pur, qui fait reculer la nuit.
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Remontant dans le temps, il me fournit un mémoire universitaire intitulé « La droite belge et l’aide à Franco » où il apparaissait qu’en Belgique, pendant la guerre d’Espagne, la bourgeoisie s’était activée au sein d’associations charitables intitulées « Amitiés Belgo-Espagnoles » ou « Union hispano-belge » ou encore « Aide à la population espagnole » qui récoltaient des couvertures, des vêtements, des médicaments et des fonds à l’usage exclusif des troupes nationalistes. Venant de libéraux catholiques, sous un gouvernement qui refusait de prendre position et dans une Europe terrifiée par le péril rouge, tout cela était « normal », me dit Maurice. Même la France du Front Populaire, par son Pacte de non-intervention, s’était abstenue d’un soutien à la République espagnole. Quant à l’Angleterre, elle avait été la première à reconnaître, avant même sa victoire définitive, le gouvernement de Franco.
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Inouï, au sens propre, signifie : ce qui n’est pas entendu.
Lorsqu’un homme et une femme s’accompagnent au fil de longues années dans le déroulement quotidien de leurs tâches parallèles ou communes, cela ne fait pas beaucoup de bruit. Ce n’est même pas un sujet de livre. C’est pourtant ce refus de l’extraordinaire, du dramatique, au profit du mouvant, du laborieux, de l’infime, qui fait de l’amour conjugal quelque chose d’inouï.
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« Quel dommage que Tolstoï et sa femme aient tenu un journal ! »
Pour ma mère la confession intime est un piège tendu à l’ordre conjugal autant qu’au génie masculin. J’ai beau me dire qu’elle a tort, qu’ordre et génie triomphent depuis trop longtemps par le silence des femmes, force m’est de reconnaitre qu’une voix à l’intérieur de moi me reproche de tenir ce journal d’un moment de ma vie. À ma décharge, ce que je fais ici est purement prophylactique. Comme je marche, j’écris. J’écris pour tenir le choc du vieillissement accéléré de ma mère. J’écris pour être, avec elle, plus douce. J’écris pour lui consacrer sa juste place et libérer la part secrète que je dois à mon père.
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Salomé est a la fois ma propriété, mon oeuvre et ma fierté. je l'ai façonnée patiemment tel. pygmalion voyant naitre sous ses mains Galatée.
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À force de la côtoyer, je finirai par croire que disparaître n’est rien quand on sait que les fleurs qu’on a plantées vous survivront.
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Pour mon père, un animal blessé ou un arbre d’âge honorable doivent être éliminés, les gens aussi s’ils sont vieux ou déprimés. Il trouve logique et pour tout dire idéal que les suicidaires se suicident, par exemple, qu’ils débarrassent le plancher, et il a toujours dit trouver ridicule qu’on dépense tant d’argent de nos impôts pour les handicapés. Curieux qu’il n’applique pas ce raisonnement à lui-même, maintenant qu’il est en chaise roulante avec une infirmière à domicile chaque matin pour le laver, le tout remboursé par la sécurité sociale.
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La femme occidentale peut avoir un époux puis un amant, voire les deux ensemble, mais certainement pas deux belles-mères.
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Je me dis que cette région est celle où j’aimerais m’installer pour toujours. « Pour toujours » s’applique à un paysage bien plus sûrement qu’à l’amour. À un étang mystérieux frôlé par des martinets. À deux chats blancs furtifs. Aux libellules soudées.
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Il y a les deux moineaux qui ont la tremblote après le passage des pulvérisateurs d’herbicide sélectif dans les champs : pas sélectif pour les oiseaux, dégâts neurologiques irréversibles. Ce qui ne les empêche pas de se nourrir, enfin à peu près, mais c’est pas une vie, la tremblote perpétuelle, on dirait des rescapés de l’ypérite, ou de la guerre chimique en Syrie.
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Devant mon air interrogateur, il ajoute que depuis qu’il travaille dans les alarmes un sifflement continu a pris la place de son ouïe, ce qu’on appelle un acouphène. Il s’exprime d’un ton neutre, comme pour repousser lui aussi le mot « souffrance ». Cela m’intrigue. On ne lance pas une information aussi bouleversante d’un ton aussi mesuré. On dirait que cet homme évite de remuer l’émotion en question. Pourtant son existence, en une seule phrase, s’est dessinée. Quelqu’un dont la musique est toute la vie mais qui, ne pouvant vivre uniquement de son art, a pris un poste de nuit dans une société de gardiennage dans l’espoir de pouvoir encore, pendant la journée, pratiquer son instrument ou faire partie d’un petit orchestre, à défaut d’être soliste. Son gagne-pain consiste à voler au secours des gens dont les alarmes se déclenchent intempestivement. Résultat : l’ouïe ruinée. Plus jamais il n’écoutera d’une oreille limpide une musique délicate. Il y aura toujours ce sifflement aigu, ce filtre obsédant entre la vie et soi.
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Certains éléments nécessaires à la compréhension de cette histoire ne me sont parvenus que longtemps après. Je les consigne ici pour signaler combien j’adhérais à mon époque, une époque qui a rendu invisibles, à coups de lois, de thérapies remboursées, d’ordonnances, d’allocations, ceux qui ne marchent pas à son rythme. Nous aimons ne pas voir, nous aimons croire, par amour de l’ordre et souci de l’harmonie, que toute la société s’avance avec légèreté, d’un seul élan, vers le bien-être. Et lorsque les moyens techniques ne suffisent pas, nous aimons remplacer la conscience de notre aveuglement par celle de notre dévouement. (p. 159-160)
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Ils ont dû être contents d’avoir une lettre de camionneur, au Journal des Familles. Ce n’est pas souvent que ça doit leur arriver. J’ai écrit: «L’autre jour, sur l’autoroute, un chien abandonné courait le long du terre-plein central. C’est très dangereux, ça peut créer un accident mortel.» J’ai pensé, après l’avoir écrit, que «créer» n’était peut-être pas le bon mot, puis je l’ai laissé parce que je n’en trouvais pas de meilleur, et que créer, c’est mon boulot, bien que j’aie ajouté: «Mon boulot, c’est camionneur». J’ai dit ensuite qu’il y avait un réel problème de chiens abandonnés, que ce n’était pas la première fois que je voyais une chose pareille, et que je voulais témoigner, non seulement pour que le public se rende compte, mais pour mes enfants, qu’ils sachent qu’un camionneur voit beaucoup plus de choses de la vie qu’un type dans un bureau, et qu’il a donc des choses à dire, même s’il n’a pas fait d’études. Par exemple, ai-je écrit, quand je pars le matin dans mon camion, comme je n’ai rien d’autre à faire qu’observer, je remarque les anomalies, et j’en parle. J’en parle quand je peux, quand je rencontre des gens qui ont envie d’écouter, ce qui n’est pas très fréquent parce que, dans les aires de repos où on s’arrête, on ne se dit pas grand-chose, à cause de la fatigue. Et puis moi, par nature, je ne parle pas beaucoup. Et mes enfants, je ne les vois guère. Heureusement que leur mère s’en occupe, c’est un ange. Mais moi, quand ils iront à l’université et que je serai à la retraite, il faudra que j’aie des choses à leur dire, sinon ils me regarderont de haut, comme tous les enfants regardent leurs parents, je ne prétends pas que notre famille soit une exception même si eux ils vont faire les études que moi je n’ai pas pu faire, à cause de mes parents, justement.
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Nous étions l’Avenir. Un avenir que nous voulions plein de forêts et de prés, d’oiseaux et de bêtes des bois, de salamandres et de lucioles, tout sauf un désert autoroutier où respirer ce qu’il appelait, lui, le palefrenier, des « particules fines », une expression poétique, si on veut, mais qui est loin de désigner le pollen doré butiné par les abeilles et les papillons, c’est autre chose, qui est noir et empoisonné, mauvais pour les hommes et les bêtes.
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Quand je dis nous, c’est surtout moi. Je vis seul, mais c’est nous. Surtout depuis qu’elle a disparu. J’ai besoin d’un nous dans ma vie. Y a-t-il encore des nous dans nos vies ?
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Puissé-je serrer un jour sur mon cœur les trésors que je jette quotidiennement dans le puits du temps.
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