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Citation de Woland


[...] ... On ne sait pas si les choses se sont passées ainsi. On ne sait pas ce qu'a pensé Albert [= Madsen, fils de Laurids] pendant ses dernières heures. Nous n'étions pas là. Nous avons seulement les notes qu'il nous a laissées, avec ce qui a marqué le commencement de la fin pour notre ville. Nous avons raconté son histoire, et chacun de nous a brodé, en ajoutant un peu de la sienne. Des milliers d'observations, de pensées et de souhaits contribuent à former l'image que nous avons de lui. Il est entièrement lui-même, et il nous appartient aussi, même s'il ne fut pas toujours comme nous.

Nous sommes allés en masse à Halen. Nous nous sommes rendus sur les lieux où Albert a péri. Nous avons planté nos bottes dans la vase. Nous avons essayé de les retirer du fond, gluant et piégeux. Certains ont dit que, oui, il était bel et bien bloqué. D'autres ont affirmé que non, il aurait pu se dégager. Ou qu'il lui aurait suffi de se laisser tomber pour échapper au traquenard tendu par le froid et la vase. Un manteau trempé et un pantalon crotté, cela aurait été un prix bien mince à payer pour échapper à la mort. Même une pneumonie aurait été préférable à une fin aussi abrupte, et Albert était solide.

Nous ne savons rien et chacun n'en pense pas moins. Nous cherchons tous un peu de nous en lui. D'aucuns le condamneront volontiers. D'autres le considéreront au-dessus de toute mesquinerie. Chacun se faisait sa propre idée sur Albert. Nous le suivions partout où il allait. Nous l'observions à travers nos fenêtres et nos miroirs espions. Ses paroles étaient sur toutes les lèvres, pas toujours dans l'intérêt de tous, et ce n'étaient d'ailleurs pas toujours les mots qu'il avait prononcés, mais ceux qu'on lui attribuait, car nous trouvions qu'ils lui correspondaient et qu'il aurait pu les dire.

Nous avons retourné sa vie sous toutes les coutures, comme nous fouillons toujours dans la vie de notre prochain dans nos discussions parfois susurrées, parfois animées. Albert était un monument que nous avons façonné et dressé de concert.

Nous croyions tout savoir de lui. Ce n'est pas vrai. En fin de compte, personne ne connaît l'autre. ... [...]
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